DEFENSE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN YASMINA KHADRA- « KHALIL »
Khalil. Roman de Yasmina Khadra. Casbah Editions, Alger
2018, 990 dinars, 260 pages
Vendredi 13 novembre
2015. A Paris, il y a une grande rencontre internationale de football qui
se prépare au Stade de France. C’est la fête et ça trinque fort dans les
terrasses parisiennes.
Vendredi 13 novembre
2015, venant de Belgique en voiture, conduite par Ali, simple convoyeur, quatre
jeunes gens : Deux frères venus d’on ne sait où,
des amis d’enfance de Molenbeek, Driss et Khalil, (nés en 1992), du même quartier, du même
immeuble, de la même école, avec le même échec scolaire.....Les quatre sont envoyés
à Paris en kamikaze « pour transformer la fête en un deuil
planétaire ». Rien que ça !
Les quatre sont pourvus
de ceintures bourrées d’explosifs et leurs « formateurs » (une
cellule terroriste dirigée par un « Cheikh », imam
révéré, sous couvert d’une association dite caritative,
« Solidarité fraternelle ») leur ont assigné des objectifs précis.
Pour Khalil, chargé de
« se faire exploser » dans une station de métro à une heure de pointe
(après le match) , c‘est le grand
flop.......le système de mise à feu n’ayant pas fonctionné.....mais il
découvrira , par la suite, lors de son repli (sa fuite solitaire
) , qu’il allait être « explosé » téléphoniquement.
Heureusement ( ?) pour lui, le téléphone utilisé (bien
caché dans la ceinture) était obsolète. Driss son ami, son
frère, qui avait pour mission de cibler les supporters à la sortie
du stade, mourra, abattu par les services de sécurité.Lesdeux autres frères , les illustres inconnus venus d’on ne
sait où, étaient chargés d’intervenir à l’intérieur du stade....Ils n’iront pas
plus loin que l’entrée du stade.
C’est là que le vrai
roman commence. Khalil n’ayant pas été soupçonné donc non inquiété ni recherché
par la police va tenter de remonter le temps et la filière pour tenter de
comprendre son « engagement » (« servir Dieu et se venger de
ceux qui l’avaient chosifié ») et la « trahison » (le coup
« tordu du téléphone) . Retoiur au pays (la
Belgique) . Il sera vite récupéré
par Lyès, l’ « émir » du
coin, lui aussi ami d’enfance mais plus âgé qui, au départ,
« n’avait ni dieu ni prophète » mais s’était vite retrouvé « émir ,preux chef de guerre ».
Une autre mission lui
est confiée : un attentat au paysd’origine , le Maroc. Entre-temps, sa sœur
jumelle Zahra – qu‘il adore - meurt dans un attentat terroriste
islamiste à Bruxelles. Les deux personnes qu’il chérissait et
admirait n’étaient donc plus là : « La mort de Driss avait
laissé un gouffre en moi, et celle de Zahra les ténèbres qu’il abrite » .
Découvrant que , derrière lui , « il
n’y avait que des regrets », commence alors une cogitation sur
son passé, sur le sens de l’ « engagement » ,
sur le pourquoi du comment. C’est la découverte du
« vrai devoir qui est de laisser vivre » ! ......Une fin
surprenante, non décrite mais à deviner. Du grand Khadra. Observateur et
analyste méticuleux de la société.....et philosophe.
L’ Auteur: Moulesshoul Mohamed est né en 1955 à Kenadsa(Béchar)
En 1964, il entre à l'Ecole nationale des cadets de la Révolution, à Tlemcen
puis à Koléa.
Après 11 ans d'internat scolaire, il entre, en 1975, à l'Académie militaire de
Cherchell. . En septembre 2002, alors Commandant, il quitte
l'uniforme :
Il avait déjà écrit "Houria" à l'âge de 17 ans, puis d'autres romans
dont deux en France, en 1986 et en 1989.
A partir de 1989, sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, il "entre " dans la clandestinité
littéraire et il crée son fameux et célèbre personnage, le Commissaire Llob.
Plusieurs succès littéraires reconnus mondialement .Son livre, "Les
hirondelles de Kaboul" (1984) lui ouvre les portes du cinéma.
Mardi 22 mars 2006, Yasmina Khadra se voit décerner, à Paris, le 16ème Prix
Tropiques de l’Agence française de développement (Afd) pour son livre « L’Attentat», sorti en septembre 2005 et dont les droits ont été
vite achetés pour la réalisation d’un film aux Etat-Unis. Ce livre avait déjà été distingué avec le 52ème Prix
des Libraires 2006, lors de la 26ème édition du Salon du livre de Paris. Autre
livre à succès : « Les sirènes de Baghdad ».
Mardi
13 novembre 2007, il est désigné, par le Président de la
République, Directeur du Centre culturel algérien de Paris.....qui connaîtra
une assez belle activité.
Plus d’une vingtaine de romans. Une œuvre traduite en
46 langues dans plus de 50 pays. Plusieurs prix internationaux. Certains romans
adaptés au théâtre, au cinéma et en bandes desinées...... candidat à l’élection présidentielle de
2014.......et, auteur de quelques moments de « colère », tout
particulièrement contre les journalistes ou les institutions littéraires
,d’ici et
d’ailleurs, qui critiquent sa production ou ne
reconnaissent pas sa valeur.
Extraits : « Nous avons
un cerveau pour réfléchir. Ce qui est mal est mal, rien ne le justifie et rien
ne le minimise. Une personne raisonnable n’obéit qu’à sa conscience » (p
81) , « J’étais la
lie de l’humanité, un putain de zonard sans devenir qui ne savait où donner de
la tête et qui attendait que le jour se lève pour courir
se refaire dans une mosquée. Et la mosquée ,plus qu’un refuge, m’a
recyclé comme on recycle un déchet (p 88), « Les gens ne font pas
attention aux catastrophes qu’ils provoquent avec des mots déplacés. Les
vrai criminels , ce ne sont pas
ceux qui se font sauter au milieu de la foule, mais ceux qui ont rendu la
boucherie possible » (pp 141-142), « On ne tue pas desinnnocents parce
qu’un enfoiré de raciste a dit des conneries » (p 142), « A Bruxelles,
il suffit au ciel de se dégager pour que les rues arborent un air de fête. Mais
qui prendrait l’éclaircie pour une rédemption ? Cette ville m’a toujours
menti. Cela faisait longtemps que je ne prenais plus ses promesses
pour argent comptant » (p 177)
Avis : Un roman inspiré des
attentats terroristes islamistes du 13 novembre 2015 en France (dont le
mitraillage de terrasses de cafés et de restaurants et un massacre au sein de
la salle de spectacles « Le Bataclan »). Un roman qui essaye d’aller
à la recherche de la vérité - non pour démonter certaines théories
insensées (émises à l’époque) ,mais pour démontrer que la réalité peut être autre - à travers
le personnage de Khalil, le narrateur . Mais , à mon avis, on ne peut pas tout excuser ; encore moins lorsque
la violence et le meurtre sont érigés en solution de problèmes. Et, encore
bien moins lorsque la religion est utilisée comme alibi.
Citations : « Ce qui se
passe est l’aboutissement logique d’un processus aussi vieux que l’instinct
grégaire : l’exclusion exacerbe les susceptibilités, les susceptibilités
provoquent la frustration, la frustration engendre la haine et la haine conduit
à la violence. C’est mathématique » (p 91 « Les terroristes et les
racistes sont des frères siamois.Si les premiers sont entrés en action, les seconds
n’attendent que l’heure de passer à l’acte » (p 93), « L’existence
est ainsi faite ;il y a des gens aisés et des gens lésés, des gens à qui
tout réussit et des canards boiteux » (p 226), « La curiosité est la
mère nourricière des tentations, et les tentations sont traîtresses » (p
229), « La colère est une fuite en avant, le rejet brutal de notre
inaptitude à faire la part des choses, la faillite outragée du bon sens. Tout
ce qui échappe à notre contrôle envenime la raison et ne fait qu’assombrir
davantage les jalons de notre perdition. Les guerres ne sont que peine perdue
et les damnés exaltés sont complices de leurs malheurs » (pp
239-240)