VIE POLITIQUE- ETUDES ET ANALYSES- GOUVERNANCE- POINT DE VUE
HENNAD MOHAMMED/EL WATAN
Point de vue : Des régimes de gouvernance en général et du régime
algérien en particulier
(c) El Watan/ Mohammed
Hennad, Lundi 13
AOÛT 2018
On a
coutume d’associer un régime militaire à celui dirigé par un putschiste,
un grand homme, avec des lunettes noires, rustre, révolver à la ceinture, prêt
à dégainer. Quelqu’un avec de grosses moustaches à la Saddam Hussein ! Et
tout autour de lui des personnages plus sombres encore ! Non !
Non ! Ce n’est plus du tout ça !
Voici une
sorte de check-list pratique pour nous guider. A la fin, nous saurons si notre
organe de défense nationale est effectivement «républicain», comme ne cesse de
le crier, haut et fort, son sympathique généralissime M. S. Gaïd
!
D’abord, le niveau d’instruction (civile et militaire) des chefs militaires
(ci-après «CM»). Leur statut dans l’Etat. Obéissent-ils à l’autorité
civile ? Y-a-t-il un ministre, civil, de la Défense nationale ?
Les CM (et
leurs «services spéciaux») interviennent-ils dans les grandes décisions
politiques et dans le choix – plus ou moins assumé – des hauts responsables de
l’Etat, notamment le chef de l’Etat ? Dans les régimes militaires, celui-ci
peut être plus ou moins charismatique, sinon un simple baudet que les hyènes
camouflent en lion.
La
mobilité du personnel politique : dans un régime militaire, on reprend
toujours les mêmes et on recommence ! Il est de notoriété académique que
la non-circulation de l’élite politique dans un pays indique que les élections
sont truquées et le personnel politique inféodé à des clans dirigés par un chef
militaire. L’élaboration de la politique de défense nationale relève-t-elle de
l’ordre civil ou bien de l’ordre militaire ?
Le budget
du ministère de la Défense est-il discuté, adopté et contrôlé par les
représentants de la nation ? Comment les chefs militaires s’en
servent ? C’est de loin le plus grand budget de l’Etat, nonobstant ce
qu’indique le budget officiel. Attention, au cas où vous ne le saviez pas, les
dépenses militaires ce n’est de la blague !
Les
salaires des CM comparés à ceux du personnel civil à des niveaux équivalents,
ici et à l’étranger. Par exemple, il semble que l’attaché militaire et celui de
défense touchent plus que l’ambassadeur, pourtant c’est bien lui qui représente
le pays !
Les
privilèges dont les CM jouissent : tout peut leur être accordé gratis,
avec d’énormes à-côtés, y compris des agneaux pour l’Aïd ! Beaucoup de
privilèges naîtront même après la mise à la retraite, notamment la priorité
dans l’obtention des registres du commerce et des marchés publics, selon une
certaine idée de la «préemption».
La
discipline dans les casernes est-elle fondée sur des considérations
fonctionnelles ou plutôt arbitraires ? On m’a raconté qu’un caporal, voyant un
pauvre soldat écraser le seul morceau de pomme de terre dans son piètre ragoût,
lui crie à la figure : «Pourquoi t’as fait ça ? Tu dois manger
le ragoût tel qu’on te l’a servi !» La qualité de l’ordinaire des soldats
et sous-officiers dans les casernes. Généralement, sous un régime militaire,
cette qualité laisse beaucoup à désirer ! Il est de notoriété publique
qu’une bonne partie de la dotation va dans les poches.
Les CM
s’adonnent-ils au «business», directement ou indirectement ? En Algérie, ne
dit-on pas que derrière chaque affairiste il y a un général ? Pas tous les
généraux bien entendu ! Quel est le patrimoine mobilier et immobilier des
CM (et de leur progéniture) et quelle en a été l’évolution eu égard aux
émoluments de chacun ?
Le pouvoir
des chefs de Région : tout le monde sait que celui-ci pourrait faire la pluie
et le beau temps à l’échelle de tout un territoire englobant plusieurs wilayas.
Tout dépendra, donc, de la conscience de l’intéressé. Enfin, combien de CM sont
passés devant les tribunaux pour fautes graves, y compris dans des procès
impliquant des personnalités physiques ou morales civiles ? Et quelle ont été
les peines encourue ?
Mais
Attention ! Vous pourriez facilement trouver un colonel, hautement
diplômé, «raser les murs» parce qu’il a tout simplement refusé la «logique
du système». Il est mis à l’écart durant toute sa carrière et à la
retraite aussitôt ses années de services accomplies, alors qu’il est «dans la
fleur de l’âge» ! C’est pour cela que les militaires sont, en fait, les
premiers à pâtir d’un régime militaire, parce qu’ils sont à la merci directe de
chefs qui sont loin de mériter le grade qu’ils portent et la fonction qu’ils
occupent.
Pour se
fixer sur la nature de notre régime de gouvernance, il suffira de noter chacune
des treize questions de 1 à 3, sauf la première question, notée de 1 à 4 ;
le total étant 40 points. D’où, plus la note s’approchera de 40 points, plus le
régime, y compris le nôtre, sera considéré de nature militaire.