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25 août 1958 (Extraits)

Date de création: 12-08-2018 20:05
Dernière mise à jour: 12-08-2018 20:05
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HISTOIRE- GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE- 25 AOÛT 1958 (Extraits)

 Une date occultée : le 25 Août 1958,

(c) Par Ali Haroun/ El Watan;  Jeudi 25 Aout 2016. Extraits

 

 


Parmi les dates historiques qui jalonnent l’histoire de sa guerre de libération comme le 1er Novembre 1954, jour du déclenchement, le 20 Août 1956 du Congrès de la Soummam, ou le 17 Octobre 1961 marquant les manifestations de Paris, celle du 25 Août 1958 n’évoque aucun souvenir particulier. Et pourtant, cette nuit, une guérilla urbaine d’un genre nouveau marque l’ouverture d’un second front de la lutte armée du FLN sur le territoire de la France métropolitaine.

Parmi les nombreuses actions, celle menée contre les dépôts pétroliers de Mourepiane près de Marseille a particulièrement marqué l’opinion interne et internationale, alertée par les médias, surpris par l’événement et stupéfaits par ses répercussions. Mais l’attaque de Mourepiane s’inscrit dans le cadre global de ce second front ouvert par la Fédération du FLN en France, «la 7e Wilaya historique», selon les directives du CCE. 

En ce mois de juillet 1958, dans un village de la banlieue de Cologne, sur la rive droite du Rhin, l’auberge des «Falken» abrite une réunion qui semble s’éterniser. Elle dure depuis plus d’une semaine, et le Comité Fédéral élargi aux chefs des quatre wilayas du FLN en France, tiennent une séance extraordinaire. S’y trouvent : Omar Boudaoud, chef du comité fédéral ; Saïd Bouaziz, responsable de l’OS ; Ali Haroun, responsable de la presse-information, de l’organisation et de la défense des détenus ; Kaddour Ladlani, responsable de l’organisation-mère ; Abdelkrim Souici, responsable des finances et des organismes annexes (SU, AGTA, etc.) ; ainsi que Moussa Khebaïli, chef de la wilaya I (Paris-Centre) ; Hamada Haddad, chef de la Wilaya II (Paris-Périphérie) ; Amor Ghezali, chef de la wilaya III (Centre-Lyon-Grenoble-Saint-Etienne) ; Smaïl Manaa, chef de la Wilaya IV (Nord et Est) et Bachir Boumaza, responsable du collectif et du Comité de soutien aux détenus (CSD), une sorte de Croissant-Rouge clandestin, ainsi que Mohamed Harbi qui devait peu après quitter le groupe.

Ce comité des «onze» estime que le FLN est arrivé à installer sur le territoire français une organisation politico-administrative et paramilitaire permettant le passage à une forme supérieure de combat. A cet effet, Boudaoud rappelle qu’il est arrivé, investi d’une mission bien précise qui inclut, parmi les directives données par Abane Ramdane, au nom du CCE, celle d’ouvrir en France, au moment opportun, un second front. Le but : élargir le champ du combat pour contraindre le gouvernement français à accroître ses dépenses militaires et son budget de répression, rendre sa politique impopulaire, et disperser ses forces, ce qui soulagerait les maquis.

Les participants se donnent alors un délai d’un mois pour préparer, chacun dans son domaine, l’action envisagée. Levant la séance le 25 juillet, ils fixent le déclenchement au 25 août 1958 à 0 heure. Il est convenu que la date restera connue seulement des participants, l’OS et les «groupes de choc» devant être prêts à l’action au jour J. Et chacun prend le chemin du retour vers sa circonscription : les responsables de wilaya par leurs filières respectives, et, un peu plus tard, Bouaziz, Haroun et Ladlani transitent par la Belgique où depuis Bruxelles une filière doit les conduire à Paris.

Dans la capitale belge où se tient l’Exposition universelle, Kaddour Ladlani apprend que «Spoutnik», le chef de la wilaya du Nord, semble traîner la patte. Il s’en inquiète d’autant plus que le temps presse et que cette wilaya, où le MNA est encore puissant, ne sera pas aisée à mobiliser. Aussitôt il désigne Benaïssa Souami, dit «J3», comme chef de la wilaya.

Une filière va déposer à Paris vers minuit, dans le tohu-bohu des Halles, rue de Rivoli, au milieu des caisses de fruits et légumes face à la Samaritaine, Haroun et Ladlani qui seront aussitôt pris en charge par le réseau «hébergements». En vue de l’action à déclencher – qui va sans aucun doute déchaîner une répression telle que les contacts entre les diverses wilayas de France deviendront impossibles –, il convient de doter chacune d’elles de tous les moyens en hommes et accessoires nécessaires à une vie autonome.

La wilaya de Paris et celle de Paris-Périphérie constituent pratiquement l’épine dorsale de la Fédération. Le chef de l’OS doit s’occuper principalement de préciser avec «Madjid» Aït Mokhtar, les objectifs visés et de trouver un remplaçant à Omar Harraigue, complètement «grillé». Le responsable à la presse va rechercher pour chaque wilaya un délégué à la presse et information – le DPIW. Ainsi seront désignés Mejdoub Benzerfa (dit Marcel, dit aussi Armstrong), pour Paris-Centre, Ali Kara-Mostefa (dit Karl) pour Paris-Périphérie, Mustapha Francis (dit François) pour le Nord et l’Est, Abdelatif Rahal (dit René) pour Lyon et le Sud.

Le 22 août se tient à Sceaux, dans la banlieue sud de Paris, la réunion ordinaire mensuelle pour l’examen des rapports organiques et financiers. Chantal Lambla de Saria, qui seule connaît l’adresse, est chargée de véhiculer les participants au nombre de sept : Bouaziz, Haroun et Ladlani pour le Comité Fédéral, Kebaïli, Haddad, Ghezali et Souami, chefs des quatre wilayas. Mais cette fois-ci, l’ordre du jour de la réunion compte en outre l’ultime vérification du dispositif avant l’heure H. Tout est au point. Aucun imprévu n’a perturbé le planning établi à Cologne. On confirme : 25 août, 0 heure, et on se sépare. Le compte à rebours peut commencer. 

Bilan le 26 au matin

Coup de tonnerre dans un ciel serein. Le peuple français dans sa grande masse découvre par la presse, le 26 au matin, que la guerre vient de franchir la Méditerranée, au moment même où il commençait à s’en accommoder. Commissariats, postes de police et casernes attaqués, dépôts de carburants incendiés, voies ferrées sabotées, objectifs économiques atteints, raffineries en flammes et quartiers entiers évacués… tout cela en une seule nuit. Quel en est le bilan exact ?

Dans la région parisienne, les commandos, sous les ordres directs de Mohand Ouramdane Saâdaoui et Mohammed Mezrara dit «Hamada», passent à l’attaque. A 2h05, l’annexe de la préfecture de police, 66, boulevard de l’Hôpital à Paris, est visée. Quatre policiers sont mortellement atteints. Les hommes pénètrent dans les lieux, allument des bidons d’essence. L’incendie fait diversion et l’épais nuage de fumée qui s’en dégage va protéger leur fuite. Menée par Diafi et Messerli, l’action aura permis la prise d’un pistolet-mitrailleur 38 et d’un pistolet automatique de 9 mm. Le commissariat du XIIIe arrondissement est arrosé de rafales de mitraillette. Quai de la Gare, un dépôt d’essence est touché. La Cartoucherie de Vincennes est visée. On se propose de la faire sauter. L’attaque, dirigée par Larbi Hamidi dit «Amar», a lieu à 3 heures du matin. Mais des policiers alertés quelque temps auparavant patrouillent. Elle se solde par une intense fusillade : un policier tué, plusieurs blessés, et du côté FLN deux tués et huit blessés.

Des dépôts de pétrole à Gennevilliers et à Vitry en région parisienne sont incendiés. Toujours à Vitry est attaquée une usine de montage de camions militaires. Sont aussi visés, mais sans succès, un hangar à l’aéroport du Bourget ainsi qu’une usine à Villejuif. Dans le découpage géographique de l’OS, la Normandie constitue une région militaire confiée à Omar Tazbint, dit «Abdou», chef de région avec Arab Aïnouz comme adjoint et Abderrahmane Skali comme artificier. Ces trois hommes, avec leurs éléments – une trentaine au maximum – vont mener les opérations du 25 août et des jours suivants jusqu’à leur arrestation, intervenue le 29 septembre. A Port-Jérôme près du Havre, la raffinerie Esso-Standard est sabotée. Muni d’un bâton de nitroglycérine, un fidaï détruit la cuve, son compagnon Abdelmadjid Nikem, chargé d’en faire sauter deux autres, est déchiqueté par l’explosion.

La centrale de gaz de Rouen est attaquée et l’affaire ne sera jugée que les 6,7 et 8 février 1961, les auteurs du sabotage ayant dû comparaître pour de nombreuses autres affaires. Dans une note à «Alain» (Ali Haroun), responsable des détentions, Serge Moureaux, avocat à Bruxelles, rapportait fin décembre 1960 : «L’affaire du Gaz de France (attentat du 25 août à Rouen) avec Tazbint, Aïnouz, Skali et Bourenane, déjà condamnés à mort dans d’autres affaires, est venue les 4 et 5 décembre 1960 devant le tribunal militaire de Lille. Après deux jours de procédure (à la barre Oussedik, Zavrian, Marie-Claude Radziewski, Moureaux, Cécile Draps, Merchies), nous avons obtenu le renvoi sine die. Malgré leur situation critique, les quatre accusés brandissent à l’audience de février le drapeau FLN, ce qui – on s’en doute – n’incitera pas des juges militaires survoltés à plus de clémence.»

Une tentative d’attaque contre le commissariat central de Rouen est stoppée par la police qui intercepte la voiture du commando et saisit la bombe destinée à détruire le bâtiment. Lors du désamorçage, l’engin explose, tuant et blessant plusieurs policiers. Le commando compte un mort : Omar Djillali. A Elbeuf, un brigadier-chef sera grièvement blessé. Plusieurs attaques seront menées à Evreux pour lesquelles les «fidayne» Mohamed Tirouche et Ali Seddiki, condamnés à mort, seront guillotinés en 1960. Au Petit-Quevilly, près de Rouen, le dépôt pétrolier est saboté. Malgré la présence de la police qui, faisant usage de ses armes, tue un militant et en blesse un autre, le commando parvient à incendier quatre cuves de carburant d’une contenance de 4000 m3. 

La zone du Midi

Compte tenu des nombreux objectifs économiques et militaires recensés par l’OS dans le Midi de la France, cette zone est subdivisée en plusieurs circonscriptions ou «régions militaires». Le chef en est Ouahmed Aïssaoui, aidé par l’artificier Ouznani Mohamed et Belhaouès M’hamed responsable de l’armement. Deux agents de liaison, Yamina Idjerri, dite «Antoinette» et Rabia Dekkari, dite «Djamila», assurent un contact permanent avec Paris où se tient l’état-major de la «Spéciale». Nadia Seghir et Halima Kerbouche servent aux contacts locaux. Les quatre subdivisions ont respectivement à leur tête : Chérif Meziane, dit «Allaoua», pour la première région ou Marseille-Centre ; Ali Boulbina pour la deuxième région ; Ahmed Belhocine pour la troisième ou Port-de-Bouc ; enfin Ali Betroni, dit «Abdelaziz», pour la quatrième, englobant Bordeaux et Toulouse. Ces cadres avec leurs hommes – moins d’une centaine pour toute la zone sud – vont en quelques jours déclencher une vague de sabotages impressionnante.

Ouahmed Aïssaoui raconte : «Mardi 20 août, je reviens de Paris informé de l’heure H (cinq jours pour tout préparer). Convocation des chefs de groupe à la ferme de Baghdadi, située dans les environs de Miramas. Le jour même nous y avons transporté les armes et explosifs. Nous ne disposons pas suffisamment d’explosifs pour prétendre attaquer tous les objectifs au même moment, mais notre artificier a su confectionner les bombes et charges nécessaires pour chaque équipe en faisant un mélange de cheddite et de nitroglycérine, dont il avait seul le secret. Samedi 24, nous avons remis tous les moyens disponibles, désigné les équipes, initié les éléments à l’utilisation des charges télécommandées, procédé aux essais des détonateurs.

Dimanche, tout le monde était consigné. Ce n’est qu’à 22h que les chefs de groupe eurent connaissance de l’heure H. Nous quittâmes la ferme, chacun partant vers son but. L’artificier et moi-même rejoignîmes une villa de la banlieue de Marseille, munis des bombes destinées aux objectifs de Marseille. Le chef de groupe de cette ville nous y attendait. L’artificier met la dernière main aux engins, règle la minuterie sur l’heure H et charge le tout dans la voiture. Il faut signaler que les frères du FLN nous ont prêté deux tractions avant. Ces deux véhicules devaient servir au transport des équipes depuis Marseille vers les lieux à attaquer. Nous avons quitté la villa vers 23h50. Ben Djaghlouli, chef de groupe, nous précède de quelques minutes à bord de la traction. L’artificier et moi-même suivons dans celle du frère Samet, conduite par Rabah L…

Nous devions rejoindre le chef de groupe en ville pour lui remettre les bombes. A peine avons-nous fait quelques centaines de mètres que nous tombons en panne. Rien n’y fait. La boîte de vitesse est complètement bousillée. L’explosion des bombes allait se produire dans moins de trois heures. Il n’était plus possible de les désamorcer, les ouvertures étant soudées. La sœur Saliha, après une longue attente, peut enfin rejoindre la ville par auto-stop et ramener un taxi dans lequel nous faisons le transbordement.

En cours de route, nous trouvons le chef de groupe qui lui aussi était tombé en panne. Finalement, nous avons utilisé des taxis pour atteindre nos destinations. Les onze objectifs visés furent tous attaqués. Malheureusement, plusieurs charges n’ont pas fonctionné. Cela provenait de la défectuosité des détonateurs et des explosifs récupérés dans les carrières de la région, qui avaient été enterrés durant de longs mois. Nos responsables nous avaient promis trois tonnes de plastic. S’ils avaient tenu parole, ç’aurait été la catastrophe pour la France…».

Puis Aïssaoui dresse, sans enjoliver, le détail des objectifs attaqués cette même nuit du 25 août et le bilan – somme toute modeste à ses yeux – de l’action dans sa zone.

Froid et peu enclin à l’exagération, Aïssaoui est d’une modestie qui ne traduit sans doute pas les résultats réels de la «nuit rouge», ni l’impact certain qu’elle obtint sur les médias. Si la presse souligne les attentats manqués contre les dépôts des sociétés Shell et British Petroleum à Saint-Louis-Les-Aygalades près de Marseille, à La Mède, au Cap Pinède, à Frontignan près de Montpellier, à la raffinerie de Lavéra, elle informe sans le vouloir que le FLN dispose désormais de techniciens capables d’utiliser des engins sophistiqués et des bombes télécommandées. Elle ne peut davantage passer sous silence que, simultanément à ces actions manquées, le dépôt de la Mobil Oil près de Toulouse brûle encore. Deux réservoirs ont sauté, provoquant un incendie dont les flammes atteignent plus de cent mètres de hauteur et les colonnes de fumée sont visibles à vingt kilomètres alentour. Mobil Oil perdait ce jour 8000 m3 de carburant.

Les incendies de Mourepiane

Les rapports établis par l’organisation et les articles publiés par la presse des 26-27 et 28 août 1958 sont suffisamment éloquents pour décrire cette nuit du 25 Août marquante dans l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne.

Mais c’est l’affaire de Mourepiane qui, tant par ses conséquences immédiates que par les péripéties judiciaires qui s’ensuivent, caractérisera dans les mémoires ce «second front» ouvert la nuit du 25 août 1958.

Considéré alors comme crédible et sérieux, le journal Le Monde qui, généralement, répugne au sensationnel, écrit alors : «Après la véritable panique provoquée lundi soir à Mourepiane par la recrudescence de l’incendie allumé la nuit précédente au dépôt pétrolier le calme semble revenu ce matin. Mais en fin de matinée la grande cuve de protection qui a pris feu lundi soir brûlait encore.


Les pompiers se tenaient à l’écart. Les dangers d’explosions nouvelles ne sont pas écartés. Une dizaine de bacs de chargement menacent à tout moment de s’enflammer. Ce sont les seules installations épargnées par l’incendie. Tous les réservoirs, ainsi que les dépendances administratives de l’entrepôt, ont sauté et brûlé. Sur plusieurs centaines de mètres le dépôt est complètement dévasté. A travers l’épaisse fumée noire qui s’élève des bacs depuis bientôt trente-six heures, on ne voit que des tôles tordues et des canalisations déchiquetées. C’est à 19h50, lundi soir, que par une explosion d’une violence extrême, l’incendie s’est subitement communiqué à l’ensemble des installations. Jusque-là, l’extension du sinistre avait paru facile à éviter… Il ne semblait pas que la vaste cuve dite de ‘‘rétention’’ pratiquée au centre du réservoir dût être contaminée. Aussi son explosion soudaine a-t-elle surpris les sauveteurs et les curieux. Visibles depuis Notre-Dame de la Garde et l’esplanade de la gare Saint-Charles, des flammes de plusieurs dizaines de mètres de hauteur se sont élevées. Une folle panique s’est emparée des habitants du port de Mourepiane.

Les sirènes des voitures de police et de pompiers ont retenti à travers la ville. On parlait déjà de plusieurs morts. En réalité, la déflagration a seulement blessé des pompiers qui se trouvaient aux abords de la cuvette… Sur ordre des autorités, qui ont établi leur poste de commandement dans les locaux de la gendarmerie maritime, l’évacuation de 800 personnes a été assurée lundi soir. Les boutiques et les bars du boulevard du Littoral ont fermé leurs portes. Le mur de protection en terre que les pompiers et la troupe avaient édifié dans l’après-midi permettait d’espérer que le feu ne s’étendrait pas au-delà de l’entrepôt. Mais la chaleur dégagée par le brasier était telle que, de proche en proche, les habitants et les curieux, venus par milliers, refluaient d’heure en heure, bientôt contenus à plus d’un kilomètre du dépôt par des cordons de police.

A 22h15, une nouvelle explosion s’est produite : les dernières cuves épargnées par le feu sautaient à leur tour, provoquant une nouvelle vague de panique. Finalement, à part les petits bacs de chargement dont l’embrasement est toujours à redouter, tous les bacs de l’installation ont brûlé, ce qui représente plusieurs millions de litres d’essence et de gas-oil… Pendant ce temps, cent cinquante hommes de troupe veillent sur les différentes raffineries de Martigues-Lavéra, où des engins explosifs ont été découverts à temps à l’aube de lundi. Une jeep du service de déminage a pris feu alors qu’elle venait d’enlever les dispositifs des saboteurs et qu’elle quittait la raffinerie. Un militaire a été blessé.» Ainsi s’exprimait Le Monde.

Quatorze ans plus tard, Albert-Paul Lentin décrit ainsi l’action : «L’opération capitale est cependant celle qui est dirigée contre le plus grand dépôt de stockage de carburant du sud-est de la France, celui de Mourepiane, dans la banlieue nord de Marseille, non loin du port. Là, l’attaque est précédée par une manœuvre de diversion. Des Algériens allument, à 21h, plusieurs foyers d’incendie dans les forêts de l’Estérel de manière que plusieurs équipes de pompiers chargées de combattre le sinistre s’éloignent de Marseille. A 3h15, l’explosion fait sauter les deux réservoirs et secoue tout le quartier de l’Estaque. Un incendie qui éclaire tout le ciel de Marseille ravage sept des quatorze bacs. Nouvelle explosion à 8h45 après que l’on eut fait évacuer en toute hâte les habitants des quartiers en danger, puis le soir, à 20h20, formidable explosion qui détruit toutes les installations qui avaient jusque-là échappé aux destructions. Un pompier périt dans l’incendie. On relève dix-neuf blessés, parmi lesquels, le maire de Marseille Gaston Defferre, qui s’étant rendu sur les lieux est touché au pied. Le feu brûle encore à Mourepiane pendant dix jours… 16 000 m3 de carburant ont été détruits.»................... 


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Comme il fallait s’y attendre, la répression se durcit. Un couvre-feu pour les Nord-Africains est instauré dès le 27 août dans le département de la Seine, le 3 septembre dans le Rhône, et le 4 en Seine-et-Oise. Les «chasses au faciès» se multiplient à Paris, Marseille, Lyon, Belfort, et les «transferts» en Algérie se développent. Tout «basané» devient suspect, et les Algériens emplissent les hôpitaux désaffectés, comme Beaujon, ou les casernes spécialement aménagées pour eux. Des milliers d’entre eux sont «triés» au Vélodrome d’hiver, avant d’être internés dans les camps d’Algérie. «Retour aux sources», écriront les rares journalistes encore courageux, rappelant que naguère, au même Vél’ d’hiv, les juifs étaient, avec la complicité d’une partie de la police française, raflés puis parqués, avant d’être envoyés, dans des wagons plombés, vers les camps de la mort. 

L’action se poursuit

Ni les contrôles renforcés ni les arrestations préventives n’empêchent l’action déclenchée le 25 août de se poursuivre, avec moins d’éclat peut-être mais non sans efficacité. ................................................................................................................................... ;

Une bataille et non la guerre

Evidemment, il n’était pas question – et le FLN n’en a jamais eu ni le désir ni les moyens – de soumettre tous les soirs le territoire français à une nuit du 25 août. C’était simplement une bataille, au cours d’une guerre de plus de sept ans. Après une offensive de quelques semaines, le but fixé par la Fédération paraissait relativement bien atteint. Quoi qu’il en soit, retenons cette date du 27 septembre, puisque des bilans officiels ont été établis jusque-là. Entre le 21 août et le 27 septembre 1958, ont été dénombrés 56 sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs. Les opérations ont fait 188 blessés et 82 morts.

Nombreux ont été les militants blessés ou tués les armes à la main, déchiquetés par leurs engins, abattus par les forces de répression ou assassinés sous la «question» arrêtés, condamnés puis guillotinés. C’est pourquoi, tout en dressant ce triste constat, pensant à toutes ces morts inutiles, fruits vénéneux de l’occupation coloniale l’on aurait voulu espérer que cette bataille fût la dernière, abandonner les bombes inutiles au plus profond d’un étang sans poissons, et dire avec Malek Haddad :

La grenade a son temps/ mais le temps des cerises, / celui que je préfère / est encore celui-là.


Hélas, le chef de l’Etat français refusa le rameau d’olivier tendu le 28 septembre 1958 par le GPRA qui proposait alors «une négociation sans préalable». Comme en Algérie, en France la grenade allait encore éclater. Les cerisiers n’avaient pas encore fleuri.