HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN
MOURAD CHETTI- « BERBÈRES. LE PAYS DES MASSYLÈS.... »
Berbères. Le pays des Massylès.
Roman de Mourad Chetti. Casbah Editions, Alger 2017, 800 dinars, 380 pages.
L’auteur l’avoue lors d’une rencontre tenue
récemment à Constantine : il n’a pas utilisé, dans le titre, le terme
« Amazighs » mais « Berbères »......ceci pour
« attirer l’Attention, susciter l’Intérêt, provoquer le Désir et faire
passer à l’Acte...d’achat....soit A.i.d.a ».
Donc, le titre est volontairement racoleur. « C’est fait
exprès » .Ainsi soit-il !
Autre approche :l’écriture
romancée de l’Histoire.....une « légèreté » assumée, bien qu’il n’est
ni le premier ni le dernier à utiliser ce subterfuge stylistique qui rapproche
bien plus l’écrivain (et l’historien ) du grand public.Tant
mieux !
Un biais qui , donc,
ne peut qu’accrocher : raconter l’histoire du pays en se fixant sur un pan et/ou un
personnage bien précis. Cela permet de
sortir des généralités d’une part, et d’autre part de « ratisser large » par la suite.
Un biais qui manquait cruellement à l’édition nationale, bien que l’on ait vu
des expériences éditoriales réussies.
L’histoire ? Racontée en l’an 804 du calendrier berbère, par le roi
de toute la Numidie, Massinissa, « unificateur de la Numidie et roi des
tribus intérieures (durant 56 ans) , maître de Gétules
et Aguellid du peuple de la terre » ..... fils de Gaïa..... fils de Zelaslan, neveu de Maghdis (c’est
sous son règne que fut édifié le Madghacen, du côté
de Batna) .... descendant d’Aylimas......fils de Ylès ,lui-même
.......fils de Aylimas 1er.
L’histoire ? C’est celle de la nation Massylès, occupant
toute la partie orientale de la Numidie, à l’Est de l’Algérie actuelle
et la partie occidentale de la Tunisie .Les autres occupants - en partie
occidentale , en Algérie centrale et occidentale- n’étaient autres que les Massaesyles, les cousins ou frères ennemis)
Le roman démarre avec l’histoire de Ylès le prince berbère :
En -396, le général Kartaginois Himilcon occupe
Messine et assiège Syracuse. Mais la peste fait des ravages dans son camp au
point où il ne pense qu’à s’enfuir. Il négocie le départ de ses troupes kharthaginoises en laissant sur place les autres soldats
....dont les numides. Ylès , le prince berbère est ainsi vendu comme esclave à Denys
le Tyran, le souverain de Syracuse. Il y rencontre Aristhoklès,
futur Platon, tous deux assignés aux travaux dans la bibliothèque de la cité.
Libérés tous les deux, ils se rendent à Athènes. La grande aventure
« moderne » du peuple Massylès commence...
L’histoire ? Celle d’un peuple guerrier,
fier , ne pratiquant pas l’esclavage, donnant le premier rôle à la famille et
aux clans, pratiquant une gouvernance
« démocratique » (élection d’un chef , l’Aguellid , appuyé par l’assemblée des délégués des
tribus –qui n’avait pas le pouvoir absolu- pour assurer la cohésion
intertribale ) et, surtout, ne supportant pas l’exploitation
par d’autres peuples étrangers, d’où une lutte (politique et militaire) incessante contre les occupants à l’image des féodaux karthaginois
(de la « cendre des Troyens ») accueillis, au départ,au
niveau du golfe de Tunis, en
« réfugiés pacifiques », venus de Tyr avec, à leur tête, une femme, Elyssa (qui sut s’y prendre avec l’Aguellid
Yarbaal sensible à ses charmes .....qu’il ne goûta
d’ailleurs pas ) ,
mais peu peu
devenus assez puissants et colonisateurs du pourtour méditerranéen. Rome
est venue par la suite ; les relations ,
longtemps cordiales , du moins tant que dura la domination grecque sur la mer
Méditerranée, avec Kharthage, s’étant peu à peu
détériorées.
Karthage, s’appuyant sur les comptoirs phéniciens et existantes et disséminés le long des rivages .....face à Rome et la
force de ses légions. Et, la Numidie comme enjeu économique et militaire.
Déjà !
L’Auteur :
Originaire de Chullu (Collo). Professeur de
Civilisation en début de carrière (Université de Constantine). Se spécialise
par la suite en commnunication et en commerce international. Enseignant en
management des entreprises, journaliste, chroniqueur......
Extraits : « Lorsque l’âme d’une personne était agitée, il pouvait en
résulter l’ambition ou la haine. Seule la raison pouvait produire un
comportement vertueux à travers la justice, la force, la prudence et la
tempérance » (p 92), « Les deux fondements d’une éducation sont
la gymnastique et l’art.Et la spiritualité ?
Elle fait partie de l’éducation morale . C’est pour
cela qu’il est primordial de donner un sens pédagogique à la transmission du
savoir aux jeunes générations » (p 92), « Ce joug karthaginois attisa la rancœur des populations numides er
pesa énormément sur les Berbères en général.....Un peuple maltraité de cette
façon n’avait pas besoin de beaucoup pour être poussé à la rébellion » (p
297), « La mort n’était pas considérée comme une fin définitive mais elle
était une renaissance qui contribuait au renouvellement de la vie , de la
nature. Ce n‘était qu’un passage, un
changement d’existence » (p 339).
Avis :Des chroniques –assez vivantes- bien plus
qu’un roman. Passionnant ! Peut-être trop d’histoires, et des histoires
trop détaillées, avec souvent des raccourcis....ce qui rend la lecture et le
suivi de l’aventure Berbère difficile. On s’y perd un peu !On attend la suite (l’auteur a promis six volumes au total)
avec impatience .Ah ! le roman aurait gagné en compréhesion
si les lieux évoqués étaient (en annexe , par exemple)
précisés avec leurs appellations actuelles. Tous les lecteurs ne sont pas des
historiens. Ex :Chulu=Collo,
Theveste= Tébessa, Ampsaga=
Rhumel, Kalama= Guelma,
Capitale des Massylès (sous Massinissa) , après avoir
été celle des Massaesyles = Cirta puis Constantine (Kasentina).....
Citations : « Celui
qui aime partager verra dans le regard de celui qui reçoit les signes de la gratitude »
(p 16), « Celui qui m’enseignera vaudra mieux que celui qui me
donnera » (p 50), « Quand la calomnie s’insère au milieu de l’amitié,
c’en est fini de la prospérité des corps » (p 68), « L’inhabileté de
l’artisan ne provient pas de la mauvaise qualité de son art. L’absence de
talent d’un musicien n’est pas la faute de la musique. L’artiste peut être un ignorant , mais chaque art possède le mérite qui lui
est propre » (p 150)