HABITAT- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT
KHIDER OUAHAB- « SKIKDA.....TOME I »
Skikda.Fragments de mémoire (Tome I). Récit de Khider Ouahab (Préface de Belkacem Ahcene-Djaballah) . Editions Rais,
Skikda, 2018, 1 200 dinars, 142
pages.
Ce n’est pas un ouvrage destiné à orner les
bibliothèques, ou à offrir seulement, même si la présentation paraît quelque peu recherché
(photos couleurs, papier de qualité...). C’est plutôt un ouvrage à valeur
socio-historique .
L’auteur, journaliste correspondant depuis
assez longtemps d’un quotidien francophone, enfant de la région, s’est, peu à peu, au fil du temps et des nécessités
de son travail, plongé dans les
profondeurs de la société, de la ville et de la
campagne. Ce qui n’est pas une mince affaire dans une région tout de
même assez pudique sans être conservatrice, mémoriellement
difficile à « décoincer » bien
que très accueillante. Un peu exubérante certes, mais seulement verbalement .
Donc, dans ce premier tome, il s’est penché
sur le patrimoine socio-culturel tout en n’omettant
pas de citer les moments historiques forts qui ont influé sur
la vie de la ville et de ses habitants.Cela va
de la région et de ses pratiques, aux aventures humaines et les spécificités
agricoles en passant par des moments forts et des lieux emblématiques
D’abord la religion :
Sidi Ali Dib (et non El Adib
comme voudrait l’imposer depuis quelques années une
« Administration » arabiste) , un
homme de religion et de paix, décédé bien avant 1838, et sa mosquée située en
plein centre de la ville et autour de laquelle se développera le quartier arabe
(« Zkake Arab »).
Un homme venu des montagnes de Kabylie bien avant l’invasion coloniale
française.....et que la mémoire skikdie conserve avec
respect malgré les tentatives salafistes et para-salafistes pour
déformer l’histoire religieuse de la ville .
Ben Aroua, aux
« prédictions troublantes », qui a vécu dans la région d’El Hadaiek (à 6 km de la ville). Les vieilles générations en
parlent encore avec respect (je crois même avoir entendu une chanson pop’ sur
lui dans les années 80)....Les colons ( excepté les Maltais qui lui vouaient un grand respect) le
craignaient tellement qu’ils l’emprisonnèrent à Skikda puis le déportèrent durant plusieurs mois à Ouargla
. Revenu au « pays »,
il continuera ses prédictions....toutes appréciées par la
population. Surtout celles annonçant le
départ des colons. Décédé au début de l’année 1940 (?).
On a , aussi, l’école libre El Fath (années
40-50) de Ali Sid (décédé fin 62) ,
ancien du Ppa puis du Mtld
, un altruiste qui ouvrit des classes de cours aux jeunes skikdis
(Ali et Ahcène Kafi y enseignèrent ) , garçons et filles ;
la Médersa El Irchad créée au début des années 1940 à l’image de ce que faisait l’association des Ulémas de
Constantine; la Zaouia de « Zkak
Arab » dont l’histoire remonte à 1900.....
Ensuite, les lieux emblématiques : Dar Meriem, un joyau architectural construit
par un sénateur- maire amoureux fou (Paul Cuttoli) de sa Marie (Mathilde Bordes) ramenée du Paris artistique des années
1900 / La Place centrale (du 1er
Novembre) , ancien forum romain, faisant
face à la mer et lieu de promenade et de concerts / Drouj Skikda (plus
d’une vingtaine d’ escaliers aux appellations inédites, pour certains d’origine
romaine, que la mémoire collective
entretient précieusement , car la ville
est bâtie sur deux flancs de côteaux de part et d’autre d’un thalweg occupé par le
grande avenue centrale. Des pentes
allant de 5 à 25 %) / Hammam Tarfaya, le bain maure aux eaux provenant de
citernes romaines/ La piscine (ex-Jeanne
d’Arc, lieu de gloires sportives et de champions o mais, hélas , repaire
des parachutistes et des mercenaires de l’armée coloniale durant la
guerre) / Les cafés comme Kahouat Belloukil emplie de
fresques dessinées en 1938 / L’île de Srigina et
son phare , face à Stora
à 3 km à l’Ouest de la ville , grain de beauté esquissé dans le cœur des
vagues plaisirs/ L’île de La Figurine (2,7 ha, toujours au large de la côte
Ouest).....
Enfin, des événements douloureux comme
l’attaque sauvage des tirailleurs Sénégalais le 25 juillet 1943 qui fit 37
victimes Algériennes (déclarées par le colonisateur) ;
l’histoire du rescapé de Cayenne, Boukhobza Mohamed
...qui vécut jusqu’à 109 ans après s’être échappé du bagne en 1944 (déporté en
1921). Il sera envoyé, à l’âge de 103 ans,
à La Mecque en 1984 par la ministre Zhor Ounissi ... et l’aventure singulière d’Antonin le
Pieux ....une statue haute de 2,10 m , façonnée en 213
en marbre de Fil Fila et .......seule rescapée d’un ensemble de 19 statues qui
ornaient le Forum de l’antique Rusicade.
Et, ne pas oublier la fraise de Skikda, la Mkerkeba (la rondelette) ,
introduite en 1890 par des familles italiennes immigrées sur les hauteurs de
Oued Chadi jusqu’à la Grande Plage....au parfum inégalée et ne se retrouvant
nulle part ailleurs.Car, « on aura beau essayer
de la repiquer ailleurs, elle s’est de tout temps refusée pour ne donner ses
fruits que sur les versants marins allant de Stora à
Ain Zouit.... Bon appétit......... et bonne
lecture !
L’Auteur :
Né en 1962 à Sétif . Diplômé du Centre d'études et de
recherche de Constantine. Diplôme d’aptitude d'enseignement. Enseignant de 1983
à 1999. Journaliste à El Watan, chef de bureau de
Skikda de 2000 à nos jours.
Animateur d’ateliers de photographie ( années 1990 et 2010). Organisateur de plusieurs salons
nationaux de photographie
Extrait : « Rusicade, ancien comptoir phénicien
fondé durant le premier millénaire avant J-C....puis Fort de France......puis
Philippeville –jusqu’en 1962- , mais toujours Skikda
pour ses habitants et pour la quasi-totalité de la population musulmane de la
région et du pays........Une forme de résistance citoyenne ! » (Belkacem Ahcene-Djaballah, préface, p 6)
Avis :
Un livre bien construit , bien
documenté ,bien illustré , très
accessible qui devrait être imité par beaucoup d’autres journalistes
correspondants qui sont (et ont été) les plus et les mieux informés sur
l’histoire contemporaine et les patrimoines de la région « couverte »
Citations : « Les escaliers sont pour Skikda ce que sont pour Venise ses
gondoles. Incontournables ! » (p 74),