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Insectarium d'Alger

Date de création: 08-07-2018 12:15
Dernière mise à jour: 08-07-2018 12:15
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SCIENCES- ENQUETES ET REPORTAGES- INSECTARIUM D’ALGER

 

Patrimoine scientifique

L’insectarium d’Alger, un centenaire à la pointe de la lutte contre les ravageurs

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© El Watan,  jeudi 26 avril 2018

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Les meubles en bois vernis ont 90 ans et les étiquettes de certaines boîtes sont écrites à la plume, mais avec sa collection «inestimable» de 8000 espèces assemblée depuis presque un siècle, l’insectarium d’Alger reste un outil de pointe contre les ravageurs des cultures.

«C’est une collection très riche, inestimable, c’est un patrimoine national et un héritage», souligne Chérifa Zouaï, directrice du laboratoire central de l’Institut national de la protection des végétaux (INPV).

Créé par le colonisateur français dans les années 1920 au sein du Jardin d’essai, vaste jardin botanique alors déjà presque centenaire au cœur d’Alger, l’insectarium a rejoint en 1975 les locaux de l’INPV, au milieu d’un parc de huit hectares planté de pins et d’oliviers. Les vitrines en bois massif et les tiroirs d’origine ont suivi, comme les milliers de boîtes dans lesquelles sont alignés acridiens, lépidoptères et coléoptères, parfois encore sous la forme de cocons, chrysalides ou chenilles.

Gardée comme une relique, la boîte la plus ancienne a été fabriquée en 1924 par un des initiateurs de la collection, André Lepigre (1902-1982), jeune ingénieur agricole français féru d’entomologie, qui deviendra plus tard le directeur de l’insectarium. Elle contient toujours son hôte d’origine, un Papilio Podalirius, papillon communément appelé «Flambé» en raison de bandes noires sur ses ailes.

Dans la banlieue est de la capitale, l’INPV est le gardien de la santé des végétaux et des cultures en Algérie. Il contrôle les cargaisons agricoles et de bois importées, les semences, surveille les ravageurs (insectes, mais aussi rongeurs ou oiseaux...) et est chargé de prévenir leurs attaques, dont celles, destructrices, des criquets l’été.

Patrimoine et héritage

Malgré ses atours surannés, la collection de son insectarium constitue pour l’INPV une précieuse base de données des fléaux susceptibles de s’abattre sur les plantes et cultures algériennes. Identifiés, étudiés, répertoriés, classés et soigneusement conservés à une température constante de 16°C, on y trouve les représentants de 3800 genres et 399 familles d’insectes, collectés depuis presque un siècle à travers l’Algérie et chez ses voisins du Maghreb et du Sahel et dans certains pays d’Europe, explique Chérifa Zouai.

Depuis 90 ans, la collection permet d’identifier rapidement, en les comparant aux spécimens, tout insecte ravageur découvert dans une cargaison agricole, dans des semences ou dans un champ.

«Chaque insecte de la collection est référencé à ses différentes étapes de vie -œuf, larve, nymphe, imago (stade adulte)- afin de comprendre la nature et la quantité de leur nourriture, afin de mettre un terme à leurs nuisances», explique Fatiha Ben Abderrahmane, chef du service Entomologie à l’INPV.

Tous les pensionnaires des tiroirs de l’insectarium figurent dans un vieux registre à la reliure élimée, que feuillette avec précaution Chérifa Zouai. «C’est un recueil et un inventaire de toute la collection», explique-t-elle. Les premières pages portent les dates des années 1930 et sont recouvertes de l’écriture à l’encre bleue de Lepigre, qui y consignait les informations relatives aux spécimens qu’il capturait ou qu’on lui envoyait de toute l’Algérie.

Coccinelle contre cochenille

Non loin des tiroirs où reposent ces insectes séchés, des incubateurs en abritent des milliers d’autres, bien vivants, élevés pour servir d’armes de «lutte biologique». Une technique, dont l’insectarium d’Alger fut un pionnier, qui consiste à utiliser des organismes vivants comme «pesticides» contre les ravageurs.

Dès 1925, un jeune entomologiste français de l’insectarium et futur grand nom de la discipline, Alfred Balachowsky, sauve des palmeraies du Sahara algérien ravagées par une cochenille, en élevant, puis en relâchant sur place une coccinelle, sa prédatrice naturelle.

Une méthode toujours utilisée de nos jours. Chaque «incubateur» - de grandes pièces, elles aussi maintenues à une température constante- abrite une espèce différente, certaines difficiles à percevoir à l’œil nu, qui bourdonnent, volent ou rampent autour de plantes qu’ils colonisent.

Quand un ravageur est détecté et identifié dans une culture, si les scientifiques disposent d’un prédateur naturel connu, une colonie est alors relâchée sur la zone contaminée et s’attaque naturellement à l’intrus, explique Hafsa Harkat, experte en lutte biologique à l’INPV. «On ne peut pas s’empêcher de voir cette collection en se disant que si Lepigre et Balachowsky étaient là, ils seraient bien contents de voir leur travail (...) resté intact se poursuivre à l’INPV», se félicite Chérifa Zouaï.