VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
OUETTAR TAHAR- « LES MARTYRS REVIENNENT CETTE SEMAINE...... »
Les martyrs reviennent cette semaine. Nouvelles
traduites de l’arabe.Recueil de Tahar Ouettar. Enag Editions, Alger 2002, 300 dinars, 127 pages
Sept nouvelles : Danses macabres / La
noire et l’officier/ Le poisson ne mord pas/ Socialiste jusqu’à la mort/ La
femme du poète / Art et snobisme..... et/ Les martyrs
reviennent cette semaine. Toutes au titre évocateur. Une seule
, la première , celle de l’amour de la danse et du chanteur et de la
passion pour le chant et la danseuse,
relève d’un registre émotionnel.Toutes les autres
sont assez politisées. Pour l’époque,
plus que ça.Sur -politisées. Et, il est vrai que seul
l’auteur pouvait se permettre une telle liberté de ton. Etonnant, non ! En
fait, dans l’esprit des « fonctionnaires de la liberté » de
l’époque, une époque assez surveillée, il fallait toujours préserver une marge
réservée, bien sûr, à « la critique et
à l’auto-critique », pour se donner bonne
conscience et offrir une image extérieure de « tolérance » . Bien d’autres ont eu bien moins de chance.
Presque toutes les nouvelles donc véhiculent
des messages assez forts : L’amour fou pour la musique....la cohabitation
presque forcée et hypocrite (et la lutte sourde) des pouvoirs (la Parti,
l’Armée, la presse, les élus....), l’impuissance des Arabes qui s’escriment à
vouloir pêcher n’importe quel poisson dans des eaux troubles et polluées, les
« sacrifices » du nouveau militant « socialiste », la vie
quotidienne et les « pensées » d’une épouse de cadre dit supérieur, les
arnaques en matière d’exercice de l’Art ,........et , « the last but not
the least », pour le dessert.....la grande question : Et, si les
Martyrs de la guerre de libération nationale revenaient, que doit-on
faire ? et, comment vont-ils réagir ? La réponse est simple face à la panique
générale (vous saurez pourquoi en lisant la nouvelle) des vivants : ils sont
bien..... là où ils sont !
L’Auteur : Né
en 196 du côté de Sédrata, étudiant à l’Université Zitouna de Tunis, moudjahid (Organisation civile du Fln) , gestionnaire de journaux après l’Indépendance puis,
de 1970 à 1983, contrôleur du
parti Fln (alors parti unique) . Retraité puis,
à partir de 1990, Dg de la radio
nationale (Enrs). Fondateur et animateur d’une
association culturelle El Djahidyya jusqu’à son déçès.....Nouvelliste, romancier
prolifique..... « rompu à l’exercice dépouillé et poétique de la langue » (Achour Cheurfi) et ,bien souvent ,
volontairement provocateur .
Extraits : « Les principes sont sauf..... : le Peuple à
droite, l’Armée au centre, l’Information à gauche. Cependant quelque chose
cloche : le Parti ne peut se permettre , en
présence de l’Armée, d’occuper la première place. Voiture, chauffeur, chef de
délégation, tout est militaire. En pareil cas ,
l’organisation politique se contente de jouer un rôle honorifique » (p
19), « Première proclamation après l’indépendance de l’Algérie : nous
sommes Arabes ! la première qualité révolutionnaire
aux yeux des Arabes, c’est d’être Arabes. Tic ! tic !
En avant donc pour l’arabisation ! Tic ! tic !
l’arabisation avant l’autogestion ! Tic ! tic ! l’arabisation avant
n’importe quelle tâche de construction ! »(p
50)
Avis : Ouvrage assez
politique et assez critique...... .et la dernière nouvelle (titre de l’ouvrage ) n’est pas seulement étonnante pour l’époque
de sa publication (Bagdad, 1974), mais aussi « détonnante »
Citations : « Pour
que l’Armée cède aussi facilement la première place, elle a certainement en vue
un objectif plus important » (p 20), « Oser qualifier la politique de
travail !......Le seul domaine où les Arabes sont incapables de réussir
est précisement la politique et, de toute évidence,
c’est leur domaine de prédilection ; ils s’y réfugient pour échapper à
l’action. Tous les politiciens arabes font figure d’artistes ratés : ils
recherchent une évasion dans des prouesses imaginaires mais se trouvent à
l’aise dans le système » (p 41), « L’auteur de nouvelles, nul
ne l’ignore, écrit sur tout le monde , sauf sur lui-même » (p 82), « Une seule chose compte
aujourd’hui : avoir une carte......Le passé révolutionnaire a besoin d’une
carte pour prouver son existence. Le militantisme, une carte ! » (p
106)