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ECONOMIE- ENQUETES ET REPORTAGES- FMI ALGERIE 2018- MISES EN
GARDE
© Ghania Oukazi/Le Quotidien d’Oran, mardi 13 mars 2018
«Les nouvelles mesures
risquent d'aggraver les déséquilibres, accentuer les tensions inflationnistes
et accélérer la perte de réserves de change», affirme la mission des services
du Fonds monétaire international.
Mission qui a séjourné à Alger du 27 février au 12 mars pour mener des
entretiens «au titre de l'article IV de ses statuts» avec plusieurs autorités
et responsables «principalement sur le dosage de mesures et de réformes qui
permettrait de rétablir l'équilibre macroéconomique et de favoriser une
croissance durable et inclusive». Son constat: «l'Algérie reste confrontée à
des défis importants posés par la baisse des prix du pétrole il y a quatre
ans. En dépit d'un ajustement budgétaire important en 2017, les déficits
budgétaires et compte courant extérieur demeurent élevés. Si les réserves
restent abondantes, elles ont diminué de 17 milliards de dollars pour
atteindre 96 milliards de dollars (hors DTS). L'activité économique globale a
ralenti, bien que la croissance hors du secteur des hydrocarbures soit restée
stable. L'inflation a ralenti de 6,4% en 2016 à 5,6% en 2017». Dirigée par
Jean-François Dauphin, la mission du FMI rappelle que «depuis la fin 2017,
les autorités ont modifié leur stratégie macroéconomique à court terme. Pour
stimuler la croissance et la création d'emplois, elles ont adopté un budget
expansionniste pour 2018, dont le déficit sera financé principalement par la
Banque centrale, et ont renforcé les barrières à l'importation. Elles entendent
reprendre la consolidation budgétaire à compter de 2019, en vue de rétablir
l'équilibre budgétaire en 2022». Elle affirme alors «partager le double
objectif des autorités de stabiliser l'économie et promouvoir une croissance
plus durable et plus inclusive, mais elle considère que le nouveau dosage de
politique économique à court terme est risqué et pourrait entraver la
réalisation de ces objectifs». En mettant en exergue les nombreux risques, le
FMI prévient qu'«il se peut que l'environnement économique ne devienne
propice ni aux réformes ni au développement du secteur privé» Lors d'une
conférence de presse qu'il a animée hier à l'hôtel El Djazaïr, Jean-François
Dauphin a affirmé qu'«on partage le même diagnostic avec les autorités
algériennes, un diagnostic commun et relativement simple (…), l'Etat dépense plus qu'il ne gagne (…),
il est nécessaire d'ajuster le niveau des dépenses aux revenus».
Les recommandations de la mission
La mission affirme ainsi être d'avis que «l'Algérie a toujours une fenêtre
d'opportunité pour concilier ajustement économique et croissance». Elle
explique qu'«avec une dette publique relativement basse et une dette
extérieure faible, il est possible de renforcer les finances publiques
graduellement. La consolidation budgétaire est nécessaire pour ajuster le
niveau des dépenses au niveau réduit des recettes mais elle peut se faire à
un rythme régulier sans recourir au financement monétaire de la Banque
centrale. Il s'agit de recourir à un large éventail d'instruments de financement,
notamment l'émission de titres de dette publique au taux du marché, des
partenariats public-privé, des ventes d'actifs et, idéalement d'emprunts
extérieurs pour financer des projets d'investissement bien choisis». La
consolidation devrait, selon la mission, être menée «d'une part, en
augmentant les recettes non pétrolières à travers l'élargissement de
l'assiette fiscale (réduction des exonérations et renforcement du
recouvrement) et d'autre part, en réduisant graduellement le poids des
dépenses courantes dans le PIB et en réduisant les investissements tout en
améliorant leur efficacité». Selon elle, une dépréciation progressive du taux
de change combinée à des efforts visant à éliminer le marché parallèle des
changes favoriserait aussi l'ajustement. «La Banque centrale doit être prête
à resserrer la politique monétaire si les tensions inflationnistes ne
s'atténuent pas», souligne-t-elle. «Si le choix est fait de continuer de
monétiser le déficit, il conviendrait de mettre en place des sauvegardes robustes,
notamment en plafonnant strictement le financement monétaire en volume et en
durée, tout en appliquant un taux de marché», recommande-t-elle.
Jean-François Dauphin estime ainsi qu'«on essaie d'accompagner une
transformation de l'économie algérienne qui est difficile au moment où on n'a
pas les moyens de le faire, c'est une équation très difficile». Interrogé sur
le choix du financement conventionnel et le PPP (partenariat public-privé),
pour plus de clarifications, le missionnaire du FMI indique que «le PPP est
une solution possible, ce n'est pas forcément une privatisation, ça peut être
un contrat de gestion, une délégation de gestion, une cession d'actifs
partielle ou totale, nous ne préconisons pas une formule ou une autre». Mais
«le financement non conventionnel est souvent source d'inflation»,
affirme-t-il. Il pense que «ce sera important d'en limiter les quantités et
la durée et que la Banque centrale puisse jouer son rôle de garant de la
stabilité et puisse absorber les liquidités engendrées par le financement
budgétaire».
«On a plus d'IDE sans la règle 49/51»
La mission a consigné dans son rapport que «quel que soit le dosage de
politique économique des autorités, une masse critique de réformes
structurelles est nécessaire pour promouvoir l'émergence d'une économie tirée
par le secteur privé et diversifié, et réduire ainsi la dépendance au pétrole
et au gaz». Elle estime qu'«il convient d'agir sans tarder sur plusieurs
fronts pour simplifier la bureaucratie, améliorer l'accès au crédit, renforcer
la gouvernance, la transparence et la concurrence, ouvrir davantage
l'économie à l'investissement étranger, améliorer le fonctionnement du marché
du travail et l'adéquation entre les emplois et les compétences, favoriser
l'emploi des femmes parce que c'est un gisement important de croissance».
Pour accroître l'efficacité de la politique économique, les autorités doivent
en renforcer le cadre, selon les missionnaires du FMI. Ils préconisent alors
de «continuer à renforcer la gestion des finances publiques, d'améliorer
l'efficience des dépenses publiques, ainsi que de renforcer le cadre
prudentiel et le dispositif de préparation aux crises. La politique
commerciale doit avoir pour objectif principal d'encourager les exportations
plutôt que d'imposer des barrières non tarifaires aux importations, barrières
qui créent des distorsions». A propos des subventions, Dauphin pense
qu'«elles sont profondément injustes parce que plus on est riche, plus on en
bénéficie». Il fait part d'un sondage qui précise que «20% des ménages les
plus riches consomment 6 fois plus de subventions que ceux qui en ont besoin,
les subventions vont à l'encontre de l'objectif visé». Il propose de
«rééquilibrer progressivement le soutien aux défavorisés, retirer les
subventions et les remplacer par des transferts ciblés». Par ailleurs, il
pense que les restrictions des importations sont inefficaces et sources de
tensions inflationnistes, elles sont contournées d'une manière ou d'une autre
puisqu'elles arriveront par d'autres canaux (c'est une expérience
internationale)». L'imposition de la règle 49/51 depuis 2009, lui fait dire
que «les IDE sont nettement supérieurs dans la région et chez les pays
voisins, sans cette règle, on en aura plus, c'est plus une contrainte parce
qu'on se prive d'une source d'investissement et de transfert technologique».
L'équipe du FMI a fait savoir qu'elle a rencontré durant son séjour le 1er
ministre, les ministres des Finances, de la Formation professionnelle, de
l'Industrie et des Mines, du Commerce, des Travaux publics, du Travail, le
gouverneur de la Banque d'Algérie ainsi que de hauts fonctionnaires et
représentants des secteurs économiques et financiers et des partenaires
sociaux.
Elle précise que «les avis exprimés dans la présente déclaration sont ceux des
services du FMI et ne correspondent pas nécessairement à ceux du conseil
d'administration du FMI». A partir des conclusions préliminaires de cette
mission, est-il encore noté, les services du FMI prépareront un rapport qui,
sous réserve de l'approbation de la direction, sera présenté (juin prochain
ndlr) au conseil d'administration pour examen et décision.
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