CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN AKLI TADJER- « LA
VERITE ATTENDRA L’AURORE »
La vérité attendra l’aurore. Roman de Akli Tadjer. Casbah
Editions, Alger 2018, 248 pages, 900 dinars.
Mohamed est un artiste ébéniste installé à Paris, passage du
Grand-Cerf. Père et mère (des émigrés de la première heure.....un père
travaillant dur –et ne supportant pas sa « nouvelle colonisation » -
dans une usine d’équarrissage de peaux et une mère passant son temps à dépenser
l’argent amassé durement auprès des vendeurs de babioles) décédés.Il
vit seul, célibataire, goûtant de temps au temps aux joies des amours
passagères. Heureux en apparence mais malheureux comme pas possible.Car,
il a eu deux vies.....totalement contraires.
Une enfance et une jeunesse presque heureuses (à noter que
sa maman vivait comme une malédiction d’avoir mis au monde un rejeton avec une
tête à s’appeler Patrick...une tête de roumi et des yeux clairs) ) , avec une
scolarité en dents de scie, assez médiocre car plus porté sur l’art du travail
sur bois........et , surtout sur la jeune et belle Nelly (fille d’un
« ancien d’Algérie » revenu en France « avec le dégoût de tous
les Mohamed » ),qu’il aimait et qui l‘aimait. Des pelles roulées à pleine
bouche en veux-tu en voilà ! En
attendant bien plus et bien mieux quand ils seront grands......et , aussi, un jeune frère , Lyès,
qu’il protège, , le chouchou de maman, un
« intello » qui réussi sa scolarité les doigts dans le nez, bien plus
porté sur la réflexion et le rêve que sur l’agir.
Un jour, c’est le départ en famille pour l’Algérie. Vacances
d’été et visite au « bled ». El Kseur...Cap
Carbon...... ....les
joies de la mer.......le retour tardif.....la nuit .....la panne de la
voiture (le tacot du papa).......Le drame.......Tout va alors basculer . Ils avaient oublié que le pays était alors en
pleine période de terrorisme.
Le lecteur trouvera en lisant l’ouvrage un déroulé presque
incroyable d’événements ainsi que les
conséquences des faits survenus et qui bouleverseront les vies des uns et des
autres, en Algérie et à Paris. D’autant que, bien plus tard, Mohamed va croiser, par hasard, Nelly sur les lieux même de leurs premiers
baisers (une salle de cinéma, of course !) . Bien
sûr, l’amour (de jeunesse) finira par triompher (ou presque).Mais la famille, elle , va subir un sort moins heureux......cassée par le
terrorisme de la décennie noire qui,
profitant des « bienfaits » de la loi d’ amnistie de 1999
, va se continuer, sous d’autres formes,
dont le salafisme.
Plus soft , pratiquant l’entrisme tous azimuts,
et pernicieusement dangereux pour l’équilibre de la société.
C‘est pour cela que l’auteur (du roman) nous gratifie de
passages consacrées à une description assez (sur-) réaliste (quelque peu
déplacés à mon avis, car exagérés et se limitant aux propos et aux
comportements « populaires » et « populistes » recueillis
ou vus ça et là....à l’aéroport, à l’hôtel, en taxi, dans la rue... ) .......de la ville (Alger) et du pays, la « paix » retrouvée.
Très compréhensible de la part d’un visiteur ,simple passager venu d’un
« autre monde » fait d’art et de libertés.....d’un visiteur
traumatisé par des « chocs » ayant mis à mal bien de ses certitudes.
L’Auteur : Né en 1954 à Paris. Auteur de
onze romans dont trois adaptés à la télévision. Plusieurs livres à succès, dont « Le Porteur de
cartable », « La meilleure façon de s’aimer »......Romans
traduits dans de nombreux pays
Avis : Pour un conteur, c’est un
conteur. Un très bon conteur même qui
arrive à vous garder « scotché » à un
récit à rebondissements, souvenirs
d’enfance et de jeunesse, vie d’émigrés (en France) , art, amour...et
terrorisme mêlés.....et beaucoup (un peu trop ?) d’Algérie. Se lit d’un
trait.
Extraits : « Sélecto,
le soda made in Algeria, qui a caramélisé les
intestins de tous les Algériens depuis l’Indépendance » (p 20),
« Passé minuit, le whisky n’a rien d’euphorisant ni d’anesthésiant, il
fait mal à la nuque et vous renvoie au point de départ » (p
47), « Souvent, il m’est arrivé de penser q’Allah,
le clément et miséricordieux, ne pouvait épargner toute cette engeance de
barbares qui avait plongé l’Algérie dans les ténèbres durant une décennie avant
d’essaimer à travers le monde d’autres monstres sévissant avec la même cruauté
, le même fanatisme, la même lâcheté. Allah est plutôt bienveillant avec les
criminels qui prospèrent en son nom » (p 165), « Je n’ai jamais
aimé l’idée de racines. Elle me renvoie à l’arbre figé dans sa terre qui ne
voit pas plus loin que le bout de ses branches......J’aime ma trouble identité.
J’aime ma schizophrénie normale » (p 193), « On est tellement frustré
que les plus tourmentés, les plus fragiles et les simples d’esprit suivent le
premier gourou pour peu qu’il leur promette une éternité heureuse » (p
227).
Citations : « En vieillissant,
on est toujours rattrapé par sa race » (p 16) , « Les objets ont
une âme, et (que) c’est un peu de nous-même que nous
abandonnons lorsque nous les laissons agoniser sous les toiles d’araignées de
nos greniers » (p 59), « La vie parfois, c’est magique, parfois c’est
merdique » ( 142) , « Ce n’est
ni tout à fait l’Orient, ni tout à fait l’Occident, c’est l’Algérie : un
puzzle auquel il manquerait des pièces » ( p 185),