CULTURE- ENQUETES ET REPORTAGES- CINEMA EN ALGERIE- DIA
Les
fausses vérités d’un web reportage de TV5 sur les salles de cinéma en Algérie
(Vidéo), www.dia-algerie.com, 24 mai 2018
Une nouvelle fois la méconnaissance du terrain et de l’Algérie, a
produit une image déformée et parfois fausse de l’environnement du cinéma en
Algérie. Au moment où MD Ciné, l’un des rares distributeurs en Algérie à
alimenter les salles de cinéma en films récents a lancé la nuit du cinéma
durant le ramadhan, une franco-algérienne Hanane Guendil a
diffusé le 16 mai 2018 un web reportage court sur la plateforme « Les
Hauts Parleurs » produite par TV5 monde pour donner une image déformée de
la situation des salles de cinéma en Algérie avec un titre
accrocheur « rendez nous nos salles de cinéma ». Cette jeune
femme qui n’a visiblement pas grandi en Algérie a déclaré en ouverture de ce
web doc de 6mn que toute sa génération a grandi sans salle de cinéma, ce qui
est totalement faux.
Pour étayer
sa thèse de la fin des salles de cinéma en Algérie, la web reporter a
interviewé des personnalités du cinéma algérois, proches du
cercle francophone et francophile, qui ne sont pas en charge ou en connaissance
réelle de cette situation : Yaniss Koussim, réalisateur
de court-métrages et qui lutte pour récupérer son premier long
métrage film et Damien Ounouri,
réalisateur franco-algérien qui a réalisé un documentaire, un moyen
métrage ,qu’il a distribué dans une salle privée et qui a réalisé
durant ce ramadan un sit com
pour une télévision privée en Algérie. Ce
dernier a déclaré que la génération des 20
ans n’est jamais allée au cinéma. Une autre
anomalie, puisque la salle Ibn Khaldoun, la salle Ibn
Zeydoun, la salle Zinet et
la salle El Mouggar projettent quotidiennement des
films pour les jeunes et surtout pour les enfants durant les séances de
vendredi, pour découvrir des films récents et partager la passion du
cinéma.
La reporter
ne s’est pas approchée des responsables du secteur du cinéma ou même des
distributeurs pour avoir leur version de la situation des salles en Algérie.
Elle a choisi des cinéastes qui sont co-produits par
les institutions françaises et francophones, dont les
films offrent une image parfois négative ou délabrée du pays.
Quels films
pour quel public ?
Hanane Guendil, qui est
visiblement novice dans le monde du cinéma a présenté le documentaire Atlal, comme un film que
les algériens ont raté. Faux puisque le documentaire n’a jamais été proposé à
une projection en Algérie, ni même pour la distribution dans une salle. Le film
qui est produit par Narimane Mari,
celle-là même qui a produit « Fi Rassi Rond
point » a été distribué en France par la société Capricci Films. La productrice n’était surement pas
intéressée par sa diffusion en Algérie car le film aurait
été mal accueilli , car les
algériens ne sont pas intéressés par un doc qui montre les blessures
du passé. La génération de maintenant a besoin de regarder des films qui
donnent envie de vivre et qui présentent l’Algérie sous un visage
plus joyeux.
Les films que
la reporter a évoqué comme « En attendant les hirondelles » ou
encore « les Bienheureux » de Sofia Djama
n’ont été projetés qu’à l’IFA et les detenteurs
des droits de ces œuvres n’ont pas souhaité une commercialisation de
celles-ci en Algérie. La peur de la salle vide hante quotidiennement les
producteurs algériens qui savent pertinemment que
le leurs films ne vont pas attirer les
foules.
La fermeture
des salles est économique
Il est vrai
que les salles de cinéma en Algérie sont moins fréquentées qu’avant,
mais cette situation a une réponse économique, qui n’est pas apparue dans
le web reportage.
L’Algérie
possédait avant 1962 au moins 400 salles de cinéma. La majorité des
salles était privée et appartenait à des colons
français. La majorité de cessalles a été récupérée par
le ministère de l’intérieur sous l’ère Boumèdiene qui
les a cédées à son tour aux collectivités locales. Les mairies
qui n’ont aucune expérience dans le domaine de la distribution, les
avaient cédées par la suite à des
gestionnaires privés pour leur exploitation. Ces salles de cinéma de
la majorité des wilayas étaient alimentées par des distributeurs
étatiques, l’ONCIC puis le CAAIC. Mais après la fermeture des sociétés
de distribution cinématographique de l’Etat. Les salles
n’étaient plus alimentées en films, ce qui a
obligé certains exploitants de salles à diffuser des films pirates en
vidéo, pour faire tourner leur business. Cette situation était devenue
insoutenable pour les exploitants avec l’arrivée des vidéos clubs dans les
années 2000, puis des télévisions satellitaires.
Dans un
rapport publié en mars 2014, par le cadre du programme Euromed Audiovisuel
de l’Union Européenne et de l’Observatoire européen de l’audiovisuel ( Aujourd’hui dissous) offrait des données statistiques sur
les marchés cinématographiques et audiovisuels dans 9 pays méditerranéens dont
l’Algérie. Le rapport de 134 pages qui avait dressé un état du cinéma
algérien souligne que « Selon les données du ministère de la Culture,
sur les 458 salles existantes au lendemain de l’indépendance,
il ne reste que 318 dont 91 en état de fonctionnement, contrairement
à ce qu’a avancé la reporter de TV5.
Sur les 318
salles de cinéma existantes au niveau national, seule une soixantaine
appartient au secteur de la culture (un taux de 20%). Le reste 232 salles
appartenant aux APC (un taux de 72%). Enfin, 26 salles appartiennent à des
tiers, entre personnes privées et autres institutions (soit un taux de 8%).
Dire que le Liban possède plus de salles de cinéma que l’Algérie est une
aberration.
Le DCP et
le piratage des films tue les salles obscures
Aujourd’hui,
la problématique des nouvelles technologies se pose sérieusement. Un sujet
qui n’a pas été évoqué également par le web reportage, l’arrivée du DCP et
l’obligation de distribuer les films dans ce format numérique pour lutter
contre le piratage a encore conduit au blocage de certaines salles
récemment rénovées comme la grande salle Afrique ou la Salle Atlas. Même
la cinémathèque algérienne ne possède pas de DCP. Certaines APC
d’obédience islamiste qui détiennent les salles de cinéma ont volontairement
stoppé les projections de films et ont transformé les salles obscures en salles
de conférences ou de célébrations. Le ministère de la Culture a toujours
revendiqué la récupération des salles de cinéma qui sont sous la coupe du
Ministère de l’intérieur.
Aujourd’hui trois
distributeurs seulement activent dans la distribution de films, MDCiné de Malek Ali Yahia qui
possède le plus large catalogue de films nouveaux, l’ONCI qui est devenu
distributeur récemment et qui achète des films du catalogue de Canal+
et à un degrés moindre Cirta Film de Hachemi Zertal, distributeur
exclusif de la Warner Bros et des films de Youcef Chahine et de Malek Bensmail.
Ces distributeurs tentent de commercialiser leurs films sur
quatre salles à Alger: Ibn Khaldoun, El mouggar, Ibn Zeydoun et les deux
salles Cosmos appartenant également à un privé.
La salle Zinet à l’OREF qui est utilisée en gérance par un
privé, n’achète pas de films officiellement et diffuse des films
piratés sans visa d’exploitation. Elle est également louée par des jeunes
pour la diffusion de cinéclubs.
Le véritable
ennemi des salles obscures, est depuis une année le DVD, les films sont
vendus entre 150 et 200 DA ,
alors que le ticket des films en salles varie entre 300 et 600
DA. le choix est déjà fait.
Concernant
l’absence des films algériens dans les vidéothèques, la réponse offerte par le
web reportage de TV5 est également tronquée. Comme aucun producteur
algérien ne commercialise ses films en DVD, l’ONDA punit sévèrement
la vente des DVD pirates des films algériens. Les films
algériens sont moins regardés par les jeunes et souvent leurs auteurs choisissent
de les diffuser sur youtube.
Le manque
de qualité des films éloigne le public des salles
Mais la
véritable raison de l’absence des films algériens des salles est artistique.
L’absence de succès des films algériens même
ceux produits avec des partenaires français ,
n’ont pas trouvé un large public en Algérie. Certains
films co-produits avec l’IFA ,
sont diffusés dans des cercles restreints, sans
la présence du public et de la presse et cela pour éviter le débat et
les critiques. Il y a quelques jours la projection du film les bienheureux de
Sofia Djama à l’IFA a provoqué la colère du public
qui a sévèrement critiqué le contenu du film.
Enfin la web
reporter Hanane Guendil a
réduit les festivals en Algérie et les rencontres du public avec les
réalisateurs aux seuls Rencontres Cinématographiques de Bejaia, alors
qu’il existe à Alger, le Festival du film engagé d’Alger, qui attire un grand
public, les JCA le premier rendez-vous consacré au cinéma jeune ou encore le
Festival du film Arabe d’Oran ou le Festival du film méditerranéen
d’Annaba.
Il est clair
que l’objectif de ce web doc des Haut-Parleurs,
(qui ne sont pas les premiers à donner une image
négative de l’Algérie) réalisé par une novice dans le domaine culturel et
surtout du cinéma, était d’offrir une image désastreuse des salles de cinéma en
Algérie et de garder cette image des bienfaits du colonialisme
français et l’image de cette salle délabrée qui a été montrée en fond du
reportage située à Clauzel et qui porte le nom au
combien symbolique « Le français ».
Pour
précision, Haut-Parleurs a été lancé par
une société de production française en coproduction avec TV5MONDE, Le
sujet a été lancé sur une idée originale de Claire Leproust
Maroko, productrice de Fablabchannel.
Une coproduction TV5MONDE et FABLABCHANNEL avec le soutien du CNC TALENTS
et de nombreux partenaires comme FRANCETVSLASH, FRANCE3 HAUTS DE FRANCE,
MEDIAPART, UNIVERSCIENCE, ERASMUS, THEATRE DE CHAILLOT, UNICEF, MEDECINS DU
MONDE, CGET, ESJ LILLE, LA CONDITION PUBLIQUE ….