Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Essai Mohammed Arkoun- "LectureS du Coran"

Date de création: 20-06-2018 17:42
Dernière mise à jour: 20-06-2018 17:42
Lu: 1569 fois


CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI MOHAMMED ARKOUN- « LECTURES DU CORAN »

LectureS du Coran. Essai de Mohammed Arkoun. Editions Sedia, Alger 2016, 2 200 dinars,567 pages.

C’est un ouvrage paru  initialement en 1982 puis republié en 1991. Un opus fondamental, un recueil d’articles rédigés dans les années 1970 . On le sait, on le constate.  La pensée de Mohammed Arkoun, foisonnante et tout en nuances, n'est pas d’un abord facile . Pour l'assimiler, il faut du temps et des instruments critiques que peu de personnes maîtrisent. Mohammed Arkoun avance à pas de loup dans un corpus des plus touffus. À plusieurs reprises, dans son ouvrage, il se déclare conscient de l'inégalité du combat qu'il mène contre l'interprétation idéologique et politique de l'islam. Son objectif : restituer le Coran dans sa fonction d'élan religieux, après son dépouillement de ce que les sciences humaines peuvent légitimement s'approprier du texte, en tirant au clair son mode de production formel. Ainsi , l'islamologue espère rajeunir non pas le Coran, mais sa lecture et, tout en lui gardant son intégrité de Tout signifiant, introduire ,pour le comprendre et l'analyser, un appareil critique lourd.Pour ce faire, il mobilise toutes les ressources de la linguistique, de la sémiotique, de l’histoire des mentalités, de la sociologie, de la critique littéraire....pour déconstruire le discours classique sur le Coran. Ce faisant, , il s'aventure dans « l'impensé et l'impensable » d'une interprétation figée au XIIIe siècle par « la fermeture des portes de l'ijtihad », réfractaire à toute nouveauté. Une fermeture qui a codifié et réorganisé le Coran, en a balisé la lecture, atrophiant par là même la raison, pour la plier à la littéralité du texte, l'obliger à accepter comme vérités ce qui n'est que termes de métaphore, à prendre pour sens propre ce qui n'est que sens figuré, etc. Une entreprise qui n'était pas sans risques pour l'islamologue. Les travaux de Mohammed Arkoun ont été critiqués, même s'il a été suffisamment prudent pour éviter les accusations péremptoires.

Des articles « revisités » durant plus de quarante ans. Des articles presque tous remaniés, un seul non modifié (« Lecture de la Fatiha ») , certains inédits....ce qui démontre  la fécondité des pistes de recherche ouvertes près d’un demi-siècle plus tôt.   Les sujets abordés sont parmi les plus brûlants : statut du Coran comme Parole de Dieu, Shari’a et statut de la femme, Jihad, Islam et politique, Islam et société , merveilleux et métaphore ...Problématiques toutes liées entre elles ....ce qui donne plus de force au mot d’orde de l’auteur, « La critique de la Raison islamique » aux accentes kantiens.

La table des matières est , à elle seule,parlante :

En introduction : Bilan des études coraniques, introduction à toute approche critique du fait coranique / Comment lire le Coran aujourd’hui ?/ Le problème de l’authenticité divine du Coran/ (Re)lecture de la sourate 18/ De l’ijtihad à la critique de la Raison islamique : l’exemple du statut de la femme dans la shari’a/ Peut-on parler de merveilleux dans le Coran ?/ Introduction à une étude des rapports entre Islam et politique/ Religion et société d’après l‘exemple de l’Islam/ Le Hadj dans la pensée islamique/ Révélation, Histoire , Vérité/ Pour une relecture métacritique de la sourate 9/ L’organisation métaphorique du Discours coranique.

 

 

 

 

 

 

 

L’Auteur :  à Taourirt Mimoun /Tizi Ouzou, le 1er février 1928, décédé en 2010 en France et inhumé au Maroc . Etudes à Oran et  à Alger puis à la Sorbonne-Paris. Enseignant et conférencier à travers le monde.   Un des islamologues les plus importants de l’époque contemporaine. Penseur exigeant et militant pour une refondation humaniste de l’Islam. Il a produit une œuvre qui a révolutionné l’islamologie mondiale.....en encourageant l’émergence  d’une nouvelle discipline scientifique, « l’islamologie appliquée ». Plusieurs ouvrages.....et un livre d’entretiens (R.Benzine et J-L Schlegel) , « La construction humaine de l’Islam ». Décédé en France et inhumé au Maroc.....l’Algérie (celle de la « Pensée islamique » radicale ) ne l’ayant pas reconnu en temps voulu , l’ayant même (presque) rejeté.

Extraits : « Le concept de discours religieux est loin d’être libéré de la persistante terminologie théologique qui impose toujours les expressions « Parole de Dieu », « Livre révélé », « Ecritures saintes », « Révélation »... » (p 12), « Du côté  musulman, le vide intellectuel et scientifique est dû à la très faible présence, voire à la totale absence des sciences de l’homme et de la société, surtout dans les facultés ou les départements d’études islamiques.Et, quand il s’agit du Coran, il y a soit l’autocensure imposée par un environnement militant, soit le conformisme desséchant à une « orthodoxie » fixée dès l’époque de Tabari, mais plus que jamais rigidifiée par l’actuel « radicalisme islamiste » (p 13).

Avis : Une lecture croyante du Coran, mais libre, contemporaine, affranchie des diktats (notamment vestimentaires) et des commandements et interdits de tous ordres qui en alourdissent la lecture idéologique et politique.Une attitude philosophique ouverte aux apports et aux interrogations des théologies classiques et modernes. A lire pour franchir le pas décisif qui fera , peut-être, entrer v(n)otre pensée  philosophique et/ou  théologique dans l’investigation scientifique.

Citations : « Les musulmans ne peuvent rester plus longtemps en retrait par rapport à cet élan universel de la pensée scientifique vers de nouveaux modes d’intelligibilité et d’appropriation du réel » (p 19), «L’idée principale est qu’on constate une disproportion croissante entre la consommation idéologique et imaginaire du Coran au jour le jour et la prise en considération , par une pensée libre et critique , de tous les problèmes qu’il pose , aujourd’hui, non seulement aux musulmans, mais à tous les esprits soucieux de renouveler notre connaissance du phénomène religieux » (p 35)