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Médias occidentaux- Traitement de l'information
Date de création: 19-06-2018 13:02
Dernière mise à jour: 19-06-2018 13:02
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COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES- MEDIAS OCCIDENTAUX- TRAITEMENT DE L’INFORMATION
© Ammar Belhimer/Le Soir d’Algérie, mardi 19 janvier 2016
Sean Darling-Hammond, de l’hebdomadaire américain de gauche The Nation, présente un bilan exhaustif de la partialité des médias occidentaux dans la couverture des événements de nature terroriste. Son étude détaillée montre que les attentats commis dans les pays occidentaux sont couverts «beaucoup plus souvent et avec plus de profondeur et de cœur» que ceux enregistrés hors d’Occident(*). La réflexion est inspirée par les attentats du 13 novembre à Paris, lorsque des hommes armés ont tué 130 personnes, sous les feux de médias qui ont couvert l'attaque avec «une fréquence et une profondeur inégalées» depuis le crime commis en début d’année à l’endroit de Charlie Hebdo. Pourtant, rappelle Darling- Hammond, quelques heures plus tôt, à Beyrouth et à Baghdad, des attaques terroristes avaient fait des dizaines de victimes. «Au Liban et en Irak, beaucoup étaient tout aussi choqués, non pas simplement par les attaques subies, mais par ce qu'ils perçoivent comme un manque d’intérêt et d'attention des médias pour eux.» Les médias occidentaux nient cette différence de traitement. L’auteur de l’étude entreprend alors de passer au peigne fin «chacun des 334 incidents signalés comme terroristes au cours de l'année», pour évaluer l’ampleur de la couverture, à partir d’une recherche pour «attaque terroriste» associée à un pays donné sur le moteur de recherche Google. «Les résultats sont choquants», relève sans ambages notre chercheur. Revenant à la comparaison entre Paris, Baghdad et Beyrouth, il constate que le jour de chaque attaque respective, il y avait 392 articles en ligne à propos de l'attaque à Baghdad et 1 292 articles sur celle de Beyrouth, contre 21 000 le jour de celle de Paris. Intentionnellement ou pas, les médias couvrent donc le terrorisme de manière sélective. Comment expliquer le décalage qui en résulte ? En 2015, Boko Haram a massacré 2 000 personnes au Nigeria. Dans les attaques de Charlie Hebdo et de Beyrouth, ou encore de décembre à San Bernardino et au Colorado Springs, seules deux d’entre elles ont fait plus de 50 victimes. Lorsque les attaques contre certains groupes de personnes sont passées sous silence, et que ce dernier devient persistant, les médias ne peuvent plus occulter leur responsabilité, à un titre ou à autre, dans ces attaques. La quasi-totalité des attaques terroristes majeures largement non déclarées se sont produites dans des pays non-occidentaux. Sur les 26 incidents au cours desquels 50 personnes ou plus sont mortes, un seul s’est produit dans un pays de l'Ouest — l'attaque de novembre à Paris. Sur les 25 restants, 13 ont été enregistrés en Afrique (avec 9 dans le seul Nigeria) et 11 au Moyen-Orient (dont 4 en Irak). «Essayez d'imaginer, pendant une seconde, que, depuis janvier 2015, les Etats-Unis aient enregistré 40 incidents terroristes sur leur territoire et que 9 d'entre eux aient fait plus de 50 morts. Si cela vous est difficile à comprendre, pensez à ceci : des estimations prudentes suggèrent que le Nigeria a connu plus de pertes en vies humaines liées au terrorisme en 2015 que les États-Unis en 2001, l'année du 11 septembre.» Les pays occidentaux ont enregistré en 2015, en moyenne, 2,6 incidents terroristes revendiqués comme tels, pour une moyenne de 31 victimes. Les pays non-occidentaux ont connu chacun en moyenne 10 incidents terroristes qui ont coûté la vie à 223 personnes. Les médias se sont exposés à la critique dès le 7 janvier, jour la fusillade de Charlie Hebdo. 22 000 articles ont été publiés sur les 12 personnes tuées. Le même jour, 38 personnes avaient été tuées dans un attentat à la bombe qui n’a recueilli l’intérêt que de… 565 articles ! Bien mieux, «il y avait dix fois plus de couverture médiatique pour une attaque à Oignies (France) en août, et cinq fois plus pour une attaque en décembre à Londres, les deux n’ayant pas fait de victimes». Alors qu’un seul des 21 incidents terroristes commis en Occident a occasionné plus de pertes que l’explosion au Yémen, ils ont recueilli en moyenne seize fois plus de couverture. En élargissant le champ de vision, on constate que ces 21 incidents déclarés terroristes ont coûté la vie à 246 personnes dans les pays occidentaux en 2015. Ils ont fait l’objet de 7 788 articles de presses, soit 665 articles par personne décédée. A l’inverse, hors d’Occident, il y avait en moyenne 1 305 articles pour non pas chaque victime mais… chaque attaque. Chaque mort suscite onze fois moins d’articles ! Ici, ce n’est pas l’ampleur des pertes humaines qui fait l’importance de l’événement : «Il y avait environ 42% de corrélation entre le taux de mortalité de ces incidents et l’étendue de la couverture.» La qualité de la couverture est également différente : elle est plus «détachée, avec peu d'accent sur les victimes, à moins qu'elles soient de l'Ouest.» Une voiture piégée a fait quatre victimes en Afghanistan en mai dernier; les manchettes ont porté sur la mort d'un Britannique ! L'attention portée à la vie des Occidentaux «semble jumelée à un effacement de celle des non-occidentaux ». Conséquence : si dans les pays capitalistes développés, la couverture assurée est de nature à provoquer de la conscience et de l’empathie et peut accentuer la pression sur les dirigeants politiques pour parer à de futures attaques, il en va autrement ailleurs. S’agissant d’un phénomène qui n’a pas de frontières, le passer sous silence dans certaines régions du monde l’aide à prospérer et, au-delà, à rendre l’ensemble moins sûr. «Les citoyens ne peuvent pas se soucier de ce qu'ils ne savent pas. La partialité des médias dans la couverture du terrorisme dans les pays non-occidentaux laisse les consommateurs incapables de prendre soin des victimes dans ces pays.» La logique médiatique occidentale n’a pas varié d’un iota ; ce propos de Nixon datant de la guerre du Viêtnam la résume admirablement bien : «La mort de milliers de Vietnamiens est un chiffre, celle d’un Américain est un drame !»
A. B.
(*) Sean Darling-Hammond,Lives Fit for Print: Exposing Media Bias in Coverage of Terrorism, The Nation, 13 janvier 2016. www.thenation.com/article/lives-fitfor- print-exposing-media-bias-incoverage- of-terrorism/ |
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