|
Affaire Swissleaks-Comptes algériens en Suisse
Date de création: 17-06-2018 11:59
Dernière mise à jour: 17-06-2018 11:59
Lu: 1457 fois
FINANCES – ENQUETES ET REPORTAGES- AFFAIRE SWISSLEAKS- COMPTES ALGERIENS EN SUISSE
Affaire SwissLeaks : Ces Algériens qui ont des comptes en Suisse
© par Yazid Alilat/Le quotidien d’Oran , mercredi 18 mars 2015
Un mois environ après la publication par un réseau international de journalistes d'investigation, ainsi que le journal français Le Monde sur les comptes «offshore» domiciliés dans une filiale suisse de la banque sino-britannique HSBC, dont des comptes détenus par des Algériens, un média électronique algérien, «Maghrebemergent.com» (ME), a mené son enquête (Liès Hallas) . Et revient sur ces Algériens qui détiennent des comptes chez Private Bank, une filiale de HSBC.
Selon The International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), dont les enquêtes se sont basées sur des documents fournis par un ex-employé français de la banque, qui couvrent la période entre 2006 et 2007, Private Bank de Suisse compte 441 clients algériens ou liés à l'Algérie possédant des comptes. Le montant global placé dans cette banque par des personnes morales ou de nationalité algérienne est de 671 millions de dollars sur la période 2006-2007. En outre, les Algériens ou supposés tels possèdent 1.148 comptes dont 10% portent la nationalité algérienne.
«Maghrebemergent.com», en décidant de rendre publics les noms de certains détenteurs de ces comptes, avertit que «la législation algérienne interdit aux Algériens résidents de se constituer des avoirs monétaires, financiers et immobiliers à l'étranger à partir de leurs activités en Algérie». Il ajoute: «Une exception est expressément prévue par l'article 126 de l'ordonnance n°03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et le crédit. Elle autorise les résidents devant assurer le financement d'activités à l'étranger complémentaires à leurs activités de production de biens et de services en Algérie à transférer des capitaux à l'étranger. La disposition n'est toutefois entrée en vigueur qu'à la fin 2014, date de publication par la Banque d'Algérie d'un texte réglementaire définissant les conditions préalables à l'octroi de cette autorisation».
Dans l'absolu, l'illégalité de détenir un compte à l'étranger, pour un résident, n'est pas vraiment tranchée, sauf dans le cas de soupçon d'évasion fiscale, d'autant que parmi les détenteurs de ces comptes il y a des «binationaux» résidant à l'étranger. Le site électronique cite six détenteurs de comptes à Private Bank, filiale suisse de la banque HSBC. Il y a le patron de l'un des plus importants groupes agroalimentaires algériens, Bimo.
Le groupe Bimo (chocolat, biscuiterie, cacao) détenait en 2006-2007 un compte à la Private Bank crédité de 10 millions de dollars. Le compte avait été ouvert dix années plus tôt par le propriétaire de Bimo. Contactée par «Maghrebemergent», la famille Hamoudi, qui possède une société immobilière en France, n'a pas souhaité s'exprimer.
Le second algérien qui possède un compte à Private Bank est un homme d'affaires et proche du club de football d'Hussein Dey, Bachir Ould Zemirli, qui détenait en 2006-2007 un compte HSBC pourvu de 5,6 millions de dollars. Le frère du président du NAHD est un homme d'affaires associé dans plusieurs entreprises en Algérie, et dispose en outre de plusieurs sociétés offshore.
LA BATAILLE D'ALGER REVISITEE
L'associé d'Ould Zemirli dans la SCI PATIO est un transitaire, Zakaria Rezgui, propriétaire de la SARL North Star Consulting. Celui-ci a deux comptes à HSBC Suisse, ouverts au nom de sa société North Star Consulting, et, en 2006, ils étaient provisionnés respectivement de 592.254 USD (4,5 milliards de centimes environ) et 278.431 USD (2 milliards de centimes de dinars environ). Soit un total de 870 685 USD (6,5 milliards de centimes environ). «ME» précise que les deux businessmen étaient «injoignables pour les besoins de l'enquête». Et puis, dans ce listing de 440 clients de HSBC Suisse, il y a le «héros» de la bataille d'Alger, Yacef Saadi, qui, aux enquêteurs de ME, avait déclaré «être fatigué». En 2006-2007, «Yacef Saadi disposait de 400.762 dollars américains (3 milliards de centimes environ, suivant le taux de change de l'époque) sur un compte de la filiale suisse de HSBC», explique le journal électronique. Yacef Saadi a ouvert ce compte en avril 2006, selon le listing publié par le consortium international des journalistes d'investigation.
ODEUR DE GOUDRON, DE COCA ET DE SABLE
Parmi les autres «clients» de HSBC Suisse, il y a un des protagonistes dans l'affaire de corruption de l'autoroute Est-Ouest, qui avait éclaboussé des proches de l'ex-ministre des Travaux publics, Amar Ghoul. C'est en particulier Ahmed Tadjeddine Addou, qui figure sur le listing HSBC qui répertorie une partie des flux vers ses deux comptes mais pas de leur solde. Cet homme d'affaires, actuellement en détention préventive depuis 2009 dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, «est lié à deux comptes ouverts à HSBC Suisse aux noms de deux sociétés domiciliées aux îles Vierges britanniques, Rubato Holdings Limited et Merland Limited», note ME. Et puis il y a Djillali Mehri, un des plus importants industriels, hommes d'affaires et entrepreneurs algériens. Et l'une des plus grosses fortunes algériennes. Pour autant, «le solde du compte de Djillali Mehri chez HSBC Suisse en 2006-2007 est encore indisponible à ce stade de l'enquête», explique ME, qui a fait parler le fils de Mehri, Djamel, associé à ce compte à HSBC Suisse au nom de son père. «Je ne peux vous dire comment ce compte est alimenté, c'est privé. Mais, vous devriez savoir que nous avons des biens et des participations un peu partout à travers le monde. Ce n'est pas un secret. Notre groupe est actif depuis des années dans l'industrie, l'agriculture, l'hôtellerie et l'immobilier. Nous travaillons dans la transparence et nous payons nos impôts. Ici en Algérie, toutes nos opérations passent par la Banque centrale. Notre groupe est peut-être le groupe privé qui apporte le plus de devises pour financer des investissements dans le pays. Personnellement, je suis binational (franco-algérien, Ndlr), résident à l'étranger, je ne suis ni fonctionnaire ni politique et je ne suis pas concerné par cette interdiction de se constituer des avoirs à l'étranger», a expliqué Djamel Mehri au journaliste de ME.
LIENS ET RACINES
ME estime que ce qui «lie la plupart des 441 personnes évoquées à l'éclatement du scandale de la filiale suisse de HSBC à l'Algérie, c'est leur lieu de naissance.
Nombre d'entre eux sont des pieds-noirs et des juifs d'Algérie ayant quitté le pays à l'indépendance en 1962, puis choisi d'autres nationalités : française, américaine, canadienne, mexicaine, argentine ou israélienne. Nombreux aussi sont ceux issus de familles libanaises, tunisiennes ou marocaines ayant vécu en Algérie avant de la quitter à leur tour pour s'installer ailleurs dans le monde».
«Il y a aussi parmi ces Algériens détenteurs de comptes chez la filiale suisse de la banque HSBC des médecins et des architectes, un artiste plasticien, ou encore l'épouse d'un responsable de cette filiale suisse de HSBC».
_________________________________________________________
Lyas Hallas est le journaliste de Maghreb Emergent qui a mené l’enquête sur le listing algérien de HSBC Suisse. Il revient (Tsa) sur le long travail qu’il a dû mener pour dévoiler la liste de comptes bancaires, et sur l’intérêt de les révéler.
Comment avez-vous obtenu le fameux listing des comptes bancaires algériens chez HSBC Suisse ?
Je me suis rapproché du réseau ARIJ (Arab Reporters for Investigative Journalism). L’ARIJ m’a mis en contact avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui disposait de l’ensemble des données du fichier HSBC. J’ai été sélectionné et l’ICIJ m’a donné l’exclusivité pour travailler à partir de ce fichier qui n’était qu’un point de départ. En échange j’ai signé un accord de trois pages avec l’ICIJ dans lequel j’assure que je n’utiliserai pas le fichier à des fins personnelles. Je devais m’engager à partir des documents qui m’étaient fournis, à mener une enquête dans le respect de l’éthique journalistique. Toute l’enquête a été encadrée et validée par le consortium.
De quelle manière avez-vous mené votre enquête ?
La liste comportait 441 noms de personnes liées à l’Algérie. J’ai donc fait un premier tri, en vérifiant l’état civil de ces Algériens. En réalité dans cette liste tous ne vivent pas en Algérie, il y a des pieds noirs nés en Algérie, mais qui ont quitté le territoire, des immigrés, des personnes avec plusieurs nationalités. J’ai donc fait une deuxième liste comprenant les Algériens résidant ici et dont les activités principales se trouvent ici. Ce sont seulement ces personnes que concernent mon enquête.
L’enquête m’a pris plus de trois semaines pour recouper les informations sur chaque personne. La grande difficulté a été de contacter les personnes. Lorsque l’on parle d’un compte en suisse, cela fait peur. On a essayé de m’éviter, de ne pas me répondre. Certaines personnes étaient introuvables car elles avaient déménagé. J’ai contacté tous les Algériens que je citais dans l’article, ils étaient prévenus de l’enquête, et ont eu l’occasion de réagir. S’ils ne réagissaient pas je l’indiquais. Mais je n’ai reçu aucune pression, j’ai fait mon travail sans que l’on tente de me dissuader. Maintenant je reste ouvert à tout complément d’information ou d’explication de la part des personnes concernées. L’enquête continue.
Vous vous attendiez à ces noms ?
Certains noms étaient attendus. Pour Sid Ahmed Tadjeddine Addou, je le savais déjà, car l’ordonnance de renvoi de l’affaire de l’autoroute est-ouest m’avait déjà mis sur la piste. J’avais déjà consulté le dossier judiciaire, dans lequel apparaissait ce compte HSBC. Pour Djilali Mehri, ce n’était pas une surprise, c’est connu qu’il avait des activités et des participations partout dans le monde. Je ne savais pas qu’il avait un compte HSBC en Suisse, mais ce n’était pas étonnant. Mais les autres personnes étaient une réelle surprise. D’autres articles sont à venir avec d’autres noms. |
|