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ESSAI M.MEBTOUL- « LA CITOYENNETE IMPOSSIBLE ? »
Algérie. La citoyenneté impossible ? Essai de Mohamed Mebtoul. Koukou Editions, Alger/Cheraga,
2018, 800 dinars, 216 pages
Un fil conducteur central, en partant des
pratiques sociales des individus : la difficulté d’être citoyen en
Algérie.
Jusqu’ici, en Algérie, on croit, encore, en
haut lieu et ailleurs, que l’ on naît citoyen......
alors qu’on le devient. La citoyenneté est une construction socio-politique.
Elle est de l’ordre d’un « contrat » reconnu et respecté par les diférents pouvoirs à l’égard de la population .
Et, selon moi, aussi, par ceux-là mêmes qui sont et se sentent et se
disent « citoyens ». Donc,
pour suivre l’auteur, loin d’être une notion abstraite et spéculative, la
citoyenneté se donne à lire à partir de situations précises déployées par le citoyen.C’est ce que fait l’auteur tout au long d’une
trentaine de chapitres distribués en cinq parties .
A travers différents pans de la société (sport, éducation, université,
recherche, hygiène publique, santé,
travail, argent, vie politique, jeunesse, harga, hogra.....) . En
référence aux multiples expériences sociales des différents acteurs sociaux, il
montre son absence, sa non-production, sa perversion (la citoyenneté) par les
différents pouvoirs. Pourquoi ? Car, normalisée dans un système socio-politique producteur de satu-quo :
« Celui-ci reproduit à l’identique un populisme simplificateur et uniforme
qui opère par déni du réel, faisant peu cas de la complexité et de la diversité
de la société » . Un système (au sein duquel le
pouvoir va privilégier, depuis 1962, de façon récurrente, la violence politique
comme mode d’appropriation de l’Etat......et où le « père » est
institué et désigné par la force)
orphelin de toute « épaisseur » intellectuelle et politique
prônant un égalitarisme de facade ; des acteurs politiques évoquant sans cesse
« le peuple », lui promettant le bonheur, mais sans lui demander son avis.Réactions : « La société n’étant pas une
cruche vide ou une machine sociale qu’il importe de remplir de connaissances et
d’attitudes, les personnes contournent
en permanence les règles prescrites par les pouvoirs, sachant pertinemment
qu’elles ne sont pas respectées par ceux –là même qui les ont produits .
Elles élaborent leurs propres normes pratiques, en se retirant du jeu politique
officiel, privilégiant l’indifférence ou l’indocilité » (A. Mbembe, 1998). Résultat des courses (sic !) : une
citoyenneté en « creux » qui n’accède pas à la reconnaisance
sociale et politique de la personne,un
statu quo favorisant la société du
« ventre », antithèse de la citoyenneté. Déprimant, non !
L’Auteur : Fondateur de l’anthropologie de la santé en Algérie. Professeur
de sociologie à l’Université Oran 2. Chercheur associé au G.r.a.s
(Unité de recherche en Sciences sociales et santé)
Extraits : « En
réfutant ,depuis 1962, toute légitimité populaire qui
suppose la reconnaissance et le respect de l’Autre, et donc du citoyen, le
pouvoir va privilégier de façon récurrente la violence politique comme mode
d’appropriation de l’Etat. En effet, le « père » est institué et
désigné par la force, la rhétorique populiste et la mise en scène électorale.
Ce processus politique lui permet d’accéder au statut de responsable de la
Nation » (p 13) , «Les régimes arabes ont « réussi » le seul
pari, celui de construire dans l’opacité et le secret une élite politique à sens
unique, composée de cercles sociaux strictement dépendants du zaïm » (p 31), « Ce ne sont pas les personnes qui
sont dépolitisées ou « inconscientes » du fait politique , mais
plutôt la pratique politique actuelle en total déphasage avec la société qui
semble exiger plus de transparence, de justice et d’exemplarité de la part des
responsables politiques, produits d’appareils fermés sur eux-mêmes , sans
enracinement et proximité avec les populations » (p 39).
Avis : Une
analyse sans complaisance (assez
engagée ?) du système politique algérien et de la société. A (très bien)
lire.... absolument......pour enfin se réveiller du statu-quo,
ce « si doux cauchemar »......tout en sachant que ce n’est pas
« demain la veille » que nos « maladies » disparaîtront.
Trop tard ? De plus, nous manquent
des issues....au moins de
« secours »
Citations : « La dignité est une forme sociale d’existence qui redonne sens à
la personne pouvant exprime, dans l’espace public, sa joie, ses frustrations et
ses espoirs » (p 27) , « L’incorporation du culte du secret est un
élément invariant et structurel , indissociable du fonctionnement du politique
en Algérie » (p 48), « La force des savoirs , c’est-à-dire leur
ancrage profond dans la société , est intrinsèquement liée à la liberté de
penser, qui représente la valeur centrale devant être inculquée dès le plus
jeune âge, pour se prémunir de l’enfermement, de l’instrumentalisation et de
l’endoctrinement » (p 68) , « L’usage inconsidéré du verbe permet de
s’inscrire dans l’inversion. User du verbe permet de s’approprier le pouvoir de
dire.....La magie du verbe devient une inversion de la compétence de fait, qui
consiste à montrer discrètement sur le terrain ses capacités , son savoir-faire
et son savoir-être » (p 148), « Faire semblant » n’est pas seulement
une tactique ou une simple stratégie d’acteurs en mal d’ambitions, mais
imprègne profondément le mode de fonctionnement de la société » (p
151) , « La non-citoyenneté se traduit pat une auto-culpabilisation
collective face à des situations d’incivisme, d’hygiène publique ou de retrait
de l’espace dit « public » (p 201)