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Scène politique- Oukazi Ghania/Le Quotidien d'Oran
Date de création: 05-06-2018 09:35
Dernière mise à jour: 05-06-2018 09:35
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DEFENSE- ENQUETES ET REPORTAGES- SCENE POLITIQUE- OUKAZI GHANIA/LE QUOTIDIEN D’ORAN
Scène nationale: Gaïd Salah, les lobbies et les rumeurs
© Ghania Oukazi /Le Quotidien d’Oran, mardi 12 juillet 2016
Les éléments de l'ANP ont enregistré durant le mois de Ramadhan, de grands exploits dans la lutte antiterroriste, selon les déclarations de leur chef d'état-major, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah.
Ramadhan a été le mois de tous les excès et gaspillages, des produits alimentaires aux carburants. Mois de la spiritualité par excellence, il est devenu, par la force de la vanité de l'être humain, un moment de sales affaires commerciales et d'accès de colère, tout au long de la journée. Après les quelques «rakaat» des taraouihs, dans la soirée, la masse populaire se diffuse à travers les villes et quartiers pour «s'amuser» jusqu'à ce que «se détache le fil blanc du fil noir.»
Pour l'anecdote, au Complexe de Sidi Fredj, à l'ouest de la capitale, tout au long des soirées, une animation est assurée pour les enfants à partir de… minuit jusqu'à 3h du matin. Le micro est donné aux enfants, à partir de cette heure tardive de la nuit pour chanter et danser, sous le regard et les applaudissements complices et inconscients de leurs propres parents.
A pied, en voiture, en motocycle, les jeûneurs ont acheté à ne plus compter, à faire oublier l'austérité décrétée par le gouvernement Sellal, en ces temps de rareté du sou. Un gérant d'une station-service, à Staoueli, à l'ouest d'Alger, nous avait dit un jour de Ramadhan que : «81.000 litres de carburants ont été vendus en l'espace d'une soirée». «C'est énorme !», juge-t-il. L'augmentation du prix de l'essence n'a pas été pour dissuader les automobilistes de ne pas trop la consommer. «Au début, le prix avait joué un peu sur la consommation, mais durant le mois dernier, c'est le paradoxe, les automobilistes faisaient la queue devant les stations-service, jour et nuit, par ennui peut-être, pour faire passer le temps du jeûne…,» nous a-t-il dit. Ce qui rejoint les propos stupides et contradictoires d'une propriétaire d'une agence de voyages qui a soutenu, dans un média télévisuel, que «les Algériens cherchent des hôtels de 4 et 5 étoiles, parce qu'on vit presque dans la misère, les Occidentaux veulent dormir à la belle étoile….»
Le pari gagné de Bedoui
L'on s'interroge de quelle misère parle-t-elle quand elle affirme que les Algériens veulent des hôtes de luxe et aussi quand ils jettent des tonnes de pain dans les poubelles pratiquement, tous les jours de Ramadhan. Tant que le mois du jeûne n'a pas repris son sens «spirituel» comme exigé par l'Islam, il sera, toujours, ponctué de crises de colère regrettables et vécu comme un temps de «victuaille» à outrance, que le gouvernement programme en médiatisant un mois avant, l'approvisionnement des étals des marchés.
C'est, effectivement, le mois de tous les excès y compris en politique. Si les partis, qu'ils soient du pouvoir ou de l'opposition, ont plongé dans la léthargie ambiante du jeûne , le gouvernement s'est bien débrouillé pour faire adopter par les parlementaires, des textes de loi d'une importance primordiale pour la future reconfiguration du champ politique. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales n'a pas perdu son temps et a gagné son pari à faire accepter ses lois même par un hémicycle presque vide. L'adoption du texte de loi obligeant les retraités militaires, au devoir de réserve durant la vie qui leur reste, semble contribuer largement à «la pacification» de la scène politique nationale pour ce qu'elle pourrait subir comme changements notoires, dans les temps à venir. Ce qui pourrait laisser penser qu'il serait plus une précaution prise par le pouvoir en place pour ce qui risquerait d'arriver que par ce qui s'est passé à ce jour. Il n'est pas évident en effet, que Bouteflika pourrait craindre les réactions ou déclarations d'anciens responsables militaires qui ont été exclus, définitivement, de la décision voire de la consultation même puisqu'ils ne savaient pas qu'il allait prendre le pouvoir pendant de longues années. Ceux qui pensaient qu'il n'était qu'un «canasson» ont bien déchanté depuis, même s'ils s'essaient encore à des barouds d'honneur pour marquer leur désormais fragile existence.
Les batailles gagnées de Gaïd Salah
L'autre grand gagnant dans le mois sacré et plus encore, c'est le chef d'état-major, le général de corps d'armée et vice- ministre de la Défense, le général Ahmed Gaid Salah qui bénéficie, depuis le début de Ramadhan à ce jour, d'une médiatisation sans faille. C'est ainsi que les médias lourds publics et privés donnent, depuis plusieurs semaines, quotidiennement, «des nouvelles du front».
L'armée nationale populaire est mise en exergue et ses actions sont annoncées, au fur et à mesure qu'elle intervient sur le terrain pour les besoins impératifs de la lutte antiterroriste. De nombreux communiqués font savoir que des détachements militaires ont mis fin aux activités de terroristes notoires dont la présence sur le territoire national date depuis les années 90 et 2000. L'ANP est, donc, en train de réussir là où les services de renseignement ont échoué. La ré-affectation, par le président de la République, des missions du DRS semble bien viser les objectifs qu'il lui a assignés. L'arrestation, l'élimination et les prises d'armes lourdes par les éléments de l'ANP, aux frontières et à travers le pays, donnent de l'assurance à ses responsables. Les interventions publiques quasiment quotidiennes de leur chef d'état-major, en confirment bien son immensité et sa portée.
Ce qui rappelle, sans conteste, les premières années de Bouteflika aux commandes du pays, lorsqu'il occupait tous les fronts et toutes les tribunes, jusqu'à faire de l'ombre, avions-nous écrit en ces temps, aux actions du patron des services de renseignement d'alors (Toufik) qui ne voulait, certainement, pas avoir de concurrent sur le terrain, en matière de notoriété, de gloire et de puissance. Mais ces temps-là sont révolus. Pourtant rentrée dans les casernes par la force du pouvoir présidentiel qu'a pris Bouteflika, dès son intronisation, l'ANP semble, ces derniers mois, avoir changé, totalement, de statut et de ton. Elle avait prévenu qu'elle ne voulait pas être qualifiée de «muette». Elle ne l'est d'ailleurs plus, bien au contraire. Elle divulgue tous ses exploits par la voie propre de son chef d'état-major. Lui qui avait sauvegardé, dit-on, le poste du Président Bouteflika, durant ses séjours en France pour raisons de santé. Il avait, affirme-t-on, tenu tête aux adeptes de l'article 78 de la Constitution qui prévoit la destitution du chef de l'Etat, en cas de maladie.
L'Algérie aux prises des lobbies
Aujourd'hui, responsables civils et militaires lâchent chacun, «pourquoi pas moi» en prévision de l'élection présidentielle de 2019, il est évident que le pays devrait s'attendre à des remous sournois qui provoqueraient une confrontation d'intérêts pourtant conciliés, depuis de longues années. L'affaiblissement physique du chef de l'Etat ouvre la voie à toutes les supputations et à tous les calculs.
Une semaine avant l'Aïd, une forte rumeur faisait état d'un autre remaniement du gouvernement. Pour des cadres de hautes institutions, il était question de faire partir le ministre de l'Industrie et des Mines, la ministre des TIC, et de permutation entre celle de l'Education et celui de l'Enseignement supérieur. Le départ du ministre de l'Intérieur était aussi, selon eux, sur les tablettes, mais l'on dit que la raison de «l'équilibre régional» avait prévalu à son maintien. Il faut avouer que l'insistance sur le départ de Abdesselem Bouchouareb frôle l'hystérie. Les analystes pensent qu'il fera les frais du feuilleton «Panama Papers.» Pourtant aucun ministre n'est jamais inquiété par ce qui se dit sur son (ses) compte(s).
Des économistes avertis tentent de décrypter des signaux qui proviennent des milieux des affaires publiques et informelles. Rencontré autour d'une excellente ‘hrira', un jeudi de Ramadhan, à Oran, le professeur Bahloul explique que les lobbies étrangers s'incrustent, dangereusement, dans les mailles de l'Economie nationale. «Il y a quatre grands lobbies dans le monde, celui de l'armement, de l'industrie, de l'agroalimentaire et du médicament, ils veulent tous leur part du gâteau en Algérie,» dit-il. Il est fait état d'une guerre de «tranchées» entre les réseaux des lobbies américains et français, autour des ressources et potentialités nationales. Si selon les experts, la France active au nom de l'Etat, à travers ses grands groupes industriels, pour marquer ses territoires et accaparer des parts importantes du marché, les quatre lobbies américains n'activent pas au nom des Etats-Unis mais par réseaux interposés, bâtis comme ils sont sur de véritables et puissantes institutions civiles et militaires. Le jeu semble être lancé à grande échelle, en Algérie. Il est surtout porteur de tous les dangers d'instabilité. |
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