ÉCONOMIE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-ESSAI
SAMIR BELLAL – « LA CRISE DU RÉGIME RENTIER.... »
La
crise du régime rentier. Essai sur une Algérie qui stagne. De Samir Bellal (Préface de Smail Goumeziane). Editions Frantz
Fanon, 900 dinars, 287 pages
Le livre reprend « avec quelques
modifications et actualisations », l’essentiel d’une thèse de doctorat en
économie, ayant pour titre « Essai sur la crise du régime rentier
d’accumulation en Algérie –une apporoche en termes de
régulation » soutenue en mars 2011 (Université de Lyon 2/France) .
Sa publication vient à point nommé, au moment
où la situation économique de l’Algérie « connaît une détérioration
manifeste » suite au contre- choc pétrolier de 2014 ; l’effondrement
des cours du pétrole mettant ,en fait, à nu, l’extrême
fragilité de l’édifice économqiue construit ces
dernières années.
Pourquoi ? L’auteur n’y va pas par
quatre chemins : « le marasme apparaît comme la résultante d’une
régulation économique ambigüe dont les contours prennent la forme d’une
combinaison périlleuse associant , d’un côté , un
libéralisme puéril, et de l’autre , un étatisme stérile ». Rien que
ça !
Cinq chapitres :
1/ Un rappel des termes du débat autour de la
problématique de l’accumualtion du capital à partir
d’une rente externe. La théorie dominante dite du « Dutch
disease » ou « Syndrome
hollandais » est évoquée.....Notre
maladie : la « pétrolarisation du budget de l’Etat » ou l’ «
intoxication pétrolière » !
2/ Un examen
des effets pervers de l’usage politique
de la rente externe (la rente pétrolière) sur la dynamique d’accumulation du
capital en Algérie .
3/ La description des changements
institutionnels qui se sont produits dans le sillage de la
« libéralisation » entamée au
lendemain de la crise de 1986.
4/ L’examen de l’impact des nouvelles
configurations institutionnelles , instituant ,de
fait, un nouveau mode de régulation sur le régime rentier d’accumulation.
5/ Enfin , l’essai
de formulation d’une problématique de changement institutionnel, compte tenu
des spécificités du régime d’accumulation à l‘œuvre dans le pays . Avec, comme caractéristiques, depuis les début des années 90 : La résistance du régime
rentier au changement de l’environnement externe/ L’omniprésence du politique/
L’absence de cohérence, synonyme d’absence de projet économique/ Le poids des
contraintes/La séquence et la vitesse des réformes engagées
Note : Qu’est-ce que le « Dutch disease » (ou « Syndrome hollandais ») ? Apparu (in « The Economist »)
au cours des années 70, faisant référence aux difficultés rencontrées par
l’économie hollandaise suite à la mise en exploitation, dans les années 60, des
réserves de gaz naturel du gisement de Slochteren.....L’économie s’est alors
trouvée confrontée à un étrange phénomène. La production industrielle n’a pas augmenté et l’investissement privé a
chuté.....On a vu le même phénomène en Australie où un développement du secteur minier s’était
accompagné d’un déclin relatif de l’industrie manufacturière....Globalement, il
désigne l’ensemble des effets néfastes créés dans une économie par l’expansion
du secteur qui produit la ressource naturelle exportée (il peut s’agir de
plusieurs produits de base...ou d’importants flux de capitaux) .Les pays
occidentaux touchés ont réussi à surmonter le mal....Pourquoi pas nous ? A
condition de surmonter nos maux ...politiques et instaurer une vie politique
démocratiquement vraie.
L’Auteur : Né en
1968. Diplômé de l’Institut national de la Planification et de la Statistique,Inps –Alger.
Enseignant à l’Université Mouloud
Mammeri de Tizi Ouzou.
Extraits : « La
libéralisation en Algérie semble avoir failli à sa vocation principale, du
moins celle à laquelle la doctrine libérale fait souvent explicitement
référence, à savoir l’extinction des rentes, toutes les rentes » (p
269),
Avis :Un
titre....et un sous-titre...... et une préface-
qui en disent long et qui annoncent la couleur. Cependant, ce n‘est pas un pamphlet. C’est une démarche
argumentée recourant à de multiples références théoriques et empiriques. Il est
vrai que l’ « invraisemblable crise de tout un pays, l’Algérie,
sa permanence et les difficultés à y remédier par les réformes » ont de
quoi ouvrir toutes les pistes en vue d’un diagnostic et de solutions. Bref,
comme le dit Lahouari Addi,
c’est « un livre stimulant qui enrichit la réflexion académique sur
l’expérience algérienne » (Le Soir d’Algérie, mercredi 2 mai
2018)....mais, peut-être, déprimant pour le grand public ?
Certainement incompréhensible par ...tous ceux qui « profitent » (ou qui ont profité ou qui comptent en profiter ) ......de la rente. Et, « on » est
assez nombreux ! Presque tous. Des riches comme des démunis.
Citations : « Si la rente énergétique a
« bloqué » le développement , c’est parce qu’elle n’a jamais été
utilisée comme valeur d’échange
s’insérant dans une logique marchande, mais comme valeur d’usage, c’est-à-dire
comme richesse destinée à être détruite
dans la consommation » (p 18) ,
« Dans leur rôle de canalisation des comportements individuels et
collectifs, les formes institutionnelles agissent selon trois principes
d’action qu’il convient de distinguer dans toute analyse : la loi, soit un
principe de contrainte ; le compromis, soit un principe de
négociation ; la communauté d’un
système de valeurs ou de représentation, soit un principe de routine » (p
22), « La rente pétrolière n’est ni une malédiction, encore moins une
bénédiction. Tout dépend , encore une fois, de l’usage qui en est fait par la
société « (p 272), « L’expérience de certains pays rentiers montre
que le clientélisme , comme mode de régulation, est une tentation
politique qui peut être combattue avec succès , pour peu que le pouvoir
politique en saississe le caractère impératif »
(p 272).