© Par Ammar Belhimer, Le Soir d’Algérie, mardi 23 décembre 2014
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On doit au conseiller politique britannique Simon Anholt l’invention, en 1996, du vocable «image de marque d’une nation» qu’il définit comme «l’identité nationale rendue tangible, robuste, communicable et par-dessus tout utile» et qui a donné naissance à un champ de recherche important – dont la référence la plus visible est le «Nations Brands Index» évaluant depuis 2005 la réputation globale de 50 pays.
L’indice qui évalue cette «image de marque nationale» (en anglais nation branding) recourt aux outils et techniques du management des entreprises privées.
L’intérêt de l’exercice réside dans le fait que la mesure de la réputation d’un pays pèse lourdement sur le choix des touristes, des investisseurs ou encore de la main-d’œuvre qualifiée.
Anholt a également développé des systèmes de mesure pour mesurer comment les citoyens du monde apprécient les villes et les régions de notre planète.
Dans cet audimat des nations, l’Allemagne vient de déloger les États-Unis d’Amérique du premier rang qu’ils occupaient depuis 2009. Elle est suivie, dans le Top 10 des nations les mieux perçues, par le Royaume-Uni, la France, le Canada, le Japon, l’Italie, la Suisse, l’Australie et la Suède.
Un tel reclassement est motivé par ses performances sportives, notamment après avoir remporté la Coupe du monde de football. Les Etats-Unis pâtissent de leur mauvaise image sur les questions de la paix et de la sécurité internationale.
Cette même contre-performance a déclassé la Russie qui enregistre ainsi un très mauvais score en matière de «paix et sécurité».
Ainsi en a décidé ce qu’on estime représenter l’opinion publique mondiale, un acteur essentiel de ce qu’on appelle «la diplomatie populaire» qui échappe aux sujets classiques du droit international public que sont les Etats et les organisations internationales, intergouvernementales.
Pour arriver à ce résultat, l’étude de 2014 a réuni un total de 20 125 entrevues réalisées dans vingt pays du monde.
Sur une liste de 50 Etats de niveaux de développement variables, l’Allemagne réunit en sa faveur la perception la plus favorable sur la base de vingt-trois attributs composant les six dimensions générales sur lesquelles se fonde cette «image nationale» : les exportations, la gouvernance, la culture, les gens, le tourisme et l’immigration/investissement.
L’indice des exportations témoigne de l'image qu’a le public des produits et services de chaque pays et la mesure dans laquelle les consommateurs recherchent ou évitent les produits de chaque pays d'origine.
La mesure de la gouvernance donne un aperçu de l'opinion publique à propos de la compétence du gouvernement national et de l'équité, ainsi que de son engagement dans les règlements de conflits internationaux liés à la paix et la sécurité, la justice, la pauvreté et l'environnement.
Le troisième indice se rapporte à la culture et au patrimoine. Il fixe les «perceptions globales du patrimoine et l'appréciation de chaque pays pour sa culture contemporaine, y compris le cinéma, la musique, l'art, le sport et la littérature».
Quatrième indice : les gens. Il se propose d’évaluer la réputation de la population en matière de compétence, d'ouverture, de convivialité et d'autres qualités, comme la tolérance.
Cinquième indice : le tourisme. Il indique le niveau d'intérêt à visiter un pays, ses attractions touristiques, naturelles et artificielles.
Enfin, l’indice «investissement et immigration» mesure le pouvoir d'attirer les gens à vivre, à travailler ou à étudier dans chaque pays et comment les gens perçoivent la qualité de vie et son environnement des affaires d'un pays.
Selon les experts en charge du classement, «l'Allemagne semble avoir bénéficié non seulement de la prouesse sportive (ainsi apparaît-elle sur la scène mondiale depuis la Coupe du monde de football), mais aussi en solidifiant son leadership perçu en Europe grâce à une économie solide et une gestion politique stable. Le score de l'Allemagne dans des domaines aussi divers que le gouvernement honnête et compétent”, le “climat d'investissement” et “l’égalité sociale” est parmi les plus importants. En revanche, les Etats-Unis même s’ils sont toujours considérés comme leaders dans plusieurs domaines, y compris la créativité, la culture contemporaine et les établissements d'enseignement, voient leur rôle dans la paix et la sécurité mondiales rétrograder au 19e rang sur les 50 nations du classement».
Xiaoyan Zhao, vice-présidente et directrice du cabinet GfK qui a mené l’enquête, attribue cette perte de notoriété à «une année d’affrontements internationaux».
Les Etats-Unis ont perdu tellement de terrain du fait «d’une tension ressentie avec beaucoup d'acuité» qu’ils se trouvent déclassés. Toutefois, au niveau mondial, c’est la Russie qui a reçu la critique la plus forte de l'opinion publique, du fait notamment du conflit ukrainien.
Dans les années précédentes, la Russie avait affiché une tendance à la hausse, mais dans le classement de 2014, elle se distingue comme la seule nation sur 50 à souffrir d'une chute aussi vertigineuse. Sa plus forte baisse est inscrite au titre de «la dimension de gouvernance», en particulier pour son rôle perçu dans la paix et la sécurité internationales.
Mme Zhao reconnaît, certes, que la diplomatie internationale va bien au-delà du domaine de l'opinion publique, mais les décideurs prennent conscience de la façon dont un pays est perçu à l'échelle mondiale et les incidences d’une telle perception pour leurs entreprises, leur commerce extérieur, leur tourisme, ainsi que pour leurs relations diplomatiques et culturelles avec d'autres pays.
Ainsi, est-il soutenu que «la seule superpuissance dans le monde d'aujourd'hui est l'opinion publique mondiale».
© Par Ammar Belhimer, Le Soir d’Algérie,
(*) Pour le détail de l’enquête, en anglais : http://www.gfk.com/news-and-events/press-room/press- releases/pages/germany-knocks-usa-off-best-nation-top-spot.aspx