CULTURE – CINEMA – ARIOUET ATHMANE
Athmane Ariouet est originaire de M’doukal, qui a enfanté , entre autres, un médecin célèbre comme Ahmed Aroua, ou un footballeur talentueux comme Mustapha Kouici
L’évolution de ce comédien hors pair entré dans le cœur des Algériens sans protocole est unique. Unique aussi est la simplicité de Athmane. Lorsqu’on le voyait se produire au cinéma, on s’attendait inéluctablement à plier de rire, à ployer sous ses réparties et son art du comique à l’emporte-pièce. Il brocardait l’actualité, les mauvais réflexes, l’incivisme, la corruption, loin de faire le guignol enfilant sa cuirasse d’agitateur social. «Si les masses applaudissaient, les décideurs se renfrognaient et se faisaient tout petits», témoigne un de ses amis. Chaleureux mais pas familier, il ne veut pas analyser le personnage, il est le personnage, déclare à son propos notre ami commun Rachid Oucherif. Athmane, c’est une combinaison bouillonnante de rage, de tendresse et de souffrance. C’est aussi un homme à principes : «Ils m’ont proposé une fortune pour apparaître dans les spots publicitaires, mais j’ai refusé. Je pouvais pourtant gagner des millions, mais je ne suis pas homme à associer mon nom à pareille entreprise.»
Beaucoup de gens pensent que Athmane est un produit du théâtre. «J’ai débuté avec Abdelghani Mehdaoui dans un film policier avec les ‘‘monstres’’ du théâtre algérien. Mon apparition sur les planches n’est venue qu’après.» Athmane a beaucoup mis en avant les contradictions de la société, a lutté contre les injustices avec cette culture de l’humour, cette esthétique qui font l’identité de l’Algérien, hélas aujourd’hui disparues. Au lieu de tout cela, on a droit à un citoyen renfrogné, nerveux, impulsif, toujours prêt à en découdre. Vindicatif, le visage fermé, Athmane regrette le passé truffé de bonnes choses et d’artistes de valeur
Dans les films où il a joué, il se dégage des sensations intenses qui réconcilient l’Algérien avec lui-même et qui entraînent le spectateur dans la ravissante contemplation d’un fait de tous les jours, à la fois absurde, condamnable mais qui le dévore. Le verbe haut transporte cet artiste tenaillé par des angoisses existentielles, d’homme pressé, traqué, en fuite perpétuelle et qu’on dirait investi d’une mission secrète.
Bouamama puis Le Clandestin le révélèrent au grand public, un artiste complet qui incarne aussi bien des rôles drôles que sérieux. Athmane a conservé et aiguisé ses dons innés au fil des distributions. Il a façonné ses rôles où intelligence, instinct et intuition se mêlent étroitement chez cet artiste qui sait s’offrir aussi ses moments de solitude où ses méditations mystiques le transportent dans un monde virtuel que lui seul connaît. «J’ai côtoyé des cheikhs soufis qui m’ont inculqué la spiritualité et m’ont appris les vertus de la méditation et de l’ascèse. Je leur suis reconnaissant, car celui qui sait écouter sait parler.» Homme très réservé, Athmane s’interdit de blesser les autres, lui-même ayant enduré. Ainsi s’est-il insurgé contre un des réalisateurs qui voulait brocarder et ridiculiser un ancien Président. Athmane ne veut pas se brader : «Je préfère rester sans jouer que m’impliquer dans des rôles et des travaux d’un niveau bas comme on le constate, hélas, aujourd’hui. Je suis pour les œuvres de qualité et le nivellement par le bas me révolte.»
Parcours :
Né le 24 septembre 1948 à M’doukal (Batna), il rejoint la capitale juste avant l’indépendance où sa famille s’établit aux Groupes (Champs de manœuvres). Adolescent, il devient un habitué des salles obscures. Il s’inscrit à l’institut artistique communal et y reste 3 ans. En 1972, il crée une troupe théâtrale. Le premier rôle est joué en 1971. Il incarne ensuite des rôles dans le Sorcier, Beni Hendel, Les Déracinés, Le Retour, Rose des sables ! Son talent se confirme dans le rôle du cheikh Bouamama de Bakhti (1984) et explose dans Le Clandestin (1991) du même cinéaste. Sa passion est la poésie populaire où il excelle. Marié, il est père de 3 enfants.