COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES- PRESSE ECRITE -MILIANI HADJ (IV/V)
LA PRESSE ECRITE EN ALGERIE
POSITIONNEMENTS MEDIATIQUES ET ENJEUX LINGUISTIQUES
© Par MILIANI Hadj, Université de Mostaganem – CRASC/2013
En mars 2010, un article publié par le journal Echourouk Al Yaoumi cite une
autre enquête du même Institut français IMMAR sous l’intitulé : « Echourouk, le
journal le plus influent en Algérie » (Boukrouh, 2010).
Ce sont moins les données qui rendent compte de l’envergure acquise par le journal,
qui sont ici à observer, que les commentaires qui accompagnent les résultats et dont on
ne sait trop s’ils émanent de la société de sondage ou de la rédaction d’Echourouk Al
Yaoumi.
Dans un premier temps, c’est la confirmation : à lui seul le quotidien recueillerait plus
du tiers du lectorat de la presse:
Le journal Echorouk Al Yaoumi domine le champ de la presse écrite en Algérie
avec un taux de pénétration estimé à 37.7 %. C’est ce qu’a affirmé la société
IMMAR Research & Consultancy Paris. Ce chiffre démontre une immense
domination, lorsqu’on sait qu’il existe plus de 78 journaux arabophones et
francophones en Algérie.
Il s’agit bien d’une mise à distance de l’ensemble de la presse quotidienne quelle que
soit la langue utilisée.
Dans un second temps, l’affirmation de la suprématie d’Echourouk est reliée au
constat de la régression de la presse francophone par rapport à la presse arabophone et
au rétrécissement de son implantation au niveau territorial :
En plus de la domination d’Echorouk Al Yaoumi, l’étude12 a révélé que les
journaux francophones ont fait un pas en arrière et sont classés au deuxième
rang où ils sont devenus très limités dans des régions bien précises sur le
territoire national.
Cette domination est doublement argumentée, en pourcentage national (plus de la
moitié du lectorat adulte) et, plus symboliquement, au travers de la place qu’occupe le
journal en Kabylie. Cela donne lieu au surgissement d’un stéréotype fort, celui de la
Kabylie comme région anti-arabe (langue et culture) et fief francophone :
Echorouk Al Yaoumi est devenu le journal n°1 pour un taux avoisinant 40% des
Algériens, âgés de plus de 15 ans. 50% d’entre eux sont des wilayas de l’Est, et
un quart (1/4) revient à la Kabylie, qui, il n’y a pas longtemps, était une région
francophone par excellence. Cela contredit la vision indiquant que les Kabyles
ne lisent que dans la langue de Molière. Et pour cause, le journal Echorouk a
prouvé que la langue arabe est présente en force en Kabylie.
Les performances du journal à travers l’amplitude de son lectorat sont directement
reliées à une perspective performative plus globale, celle du développement de l’usage
de la langue arabe au sein de la population algérienne qui ressort de l’un des credo de
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NOTE : 11/ 1 Al-Ahram Egypte, 2 El Khabar Algérie, 3 The Times Afrique du Sud, 4 Mail&Guardian Online
Afrique du Sud, 5 El Watan Algérie, 6 The Daily Nation Kenya, 7 Liberté Algérie, 8 The Guardian
Nigeria, 9 This Day Nigeria, 10 Le Soir d'Algérie Algérie, 15 La Presse Tunisie, 16 La Tribune Algérie,
17 L'Economiste Maroc, 29 The Egyptian Gazette Egypte, 30 Assabah Maroc, 33 Ech-Chourouk El
Youmi Algérie, 46 Le Quotidien d'Oran Algérie.
12 / L’étude parue à la mi-mars 2010 a été menée sur un échantillon de 2 500 ménages algériens,
représentant 86% des Algériens âgés de 15 ans et plus, de sexes féminin et masculin, au niveau de 11
wilayas.
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la « campagne» linguistique arabophone. Il s’agit tout à la fois de relativiser l’impact
des autres journaux arabophones et également, de pointer la responsabilité de cet
élargissement à d’autres secteurs (en particulier le système éducatif) :
Au travers de cette mosaïque de chiffres, Echorouk a eu l’insigne mérite de
relever le taux de lectorat arabophone, par son impact dont beaucoup de
journaux ne peuvent se targuer, bien que la responsabilité d’étendre le lectorat
d’expression arabe, incombe à tous.
A contrario, le journal met en exergue l’affaiblissement du lectorat de langue française
par le biais d’un discours de dramatisation qui le relie positivement à la généralisation
de l’enseignement de la langue arabe, à la faveur de l’école fondamentale. Assez
explicitement, le commentaire déplore la place que la réforme des programmes dans le
système éducatif accorde au français et pointe un des effets majeurs du
plurilinguisme : celui d’une dissémination importante de la langue française chez les
jeunes :
L’étude réalisée par l’institut international de conseils et sondages, Immar
Maghreb, atteste d’une terrible régression du lectorat des journaux d’expression
française en Algérie. Les pourcentages obtenus prouvent la mutation profonde
de la société durant les trois dernières décennies, particulièrement sa structure
culturelle chez la tranche des jeunes qui, par ailleurs, subit des pressions visant
à réanimer et enrichir son vocabulaire français, afin de reconstituer une couche
francophone.
Six mois plus tard, suite à un autre sondage, le journal, dans son édition française en
ligne, annonce tout simplement : « Echorouk, le journal le plus lu en Algérie avec un
taux de 61,29% »13. Plus tard, selon une nouvelle évaluation (Chalabi, 2010), c’est la
dimension arabe et internationale qui est mise en perspective : « L’Entreprise
Echourouk est le premier journal sur la scène nationale et arabe». En fait, dans le cadre
d’une classification publiée par le magazine Forbes, dans son édition au Moyen-
Orient, Echourouk est à la 3ème place d’une liste de 50 titres de la presse arabe.
L’article souligne que parmi les facteurs de distinction de ce périodique, il y a son
ouverture sur l’information mondiale, et également l’utilisation des langues étrangères
sur son site web. Cette évaluation est renforcée par une série de témoignages de
personnalités algériennes (Derradji, Madjer, Mehri) et arabes (Erassi, Alaa Sadik,
Fayçal Kacem, etc.).
Enfin, nous citerons, comme autre argument de légitimation et de hiérarchisation, une
dernière évaluation qui prend en compte la certification de quelques quotidiens par un
organisme international qualifié :
Une équipe de l’OJD a séjourné à Alger durant la deuxième semaine du mois
d’avril. Elle a ainsi mené les missions de certification des quatre grands
quotidiens algériens. El Watan, précurseur en la matière et premier journal
algérien à s’inscrire dans cette démarche, a été suivi par El Khabar, Ennahar El
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NOTE : 13 / « Un classement des médias algériens a été réalisé par Media Sens, agence de conseil en publicité
media et hors media, et a ciblé trois médias classiques, en l’occurrence, la télévision, la radio et la presse
écrite. Dans la presse écrite arabophone, Echourouk est le journal le plus lu et domine largement les
autres titres avec un taux de 61,29%, suivi d’El Khabar (16,8%) et En-Nahar (7,8%), alors que la presse
francophone reste dominée par El Watan, Liberté, Le Soir d'Algérie et Le Quotidien d'Oran. »,
R.L./Version française Amel Adjou, Echourokonline, 07.09.2010.
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Djadid et Echourouk El Yaoumi. Ces contrôles de certification ont permis à
partir d’un audit comptable, financier et d’une étude de traçabilité physique
d’établir avec précision et en toute indépendance les diffusions pour l’année
2011 de ces quatre publications. (Communiqué de l’OJD)