COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES- PRESSE ECRITE -MILIANI HADJ (II/V)
LA PRESSE ECRITE EN ALGERIE
POSITIONNEMENTS MEDIATIQUES ET ENJEUX LINGUISTIQUES
© Par MILIANI Hadj, Université de Mostaganem – CRASC/2013
5/ Ahcène-Djaballah offre une estimation actualisée : « On s'est retrouvé en moins de deux décennies avec
près de 500 publications (3,5 millions d'exemplaires/jour) dont près de 80 quotidiens qui tirent à 3
millions d'exemplaires/jour en période de « pointe », comme lors de la Coupe du monde de football, et
touchant donc près de 8 millions de lecteurs par jour. A noter, ici, que les 2/3 du tirage global des
quotidiens sont en langue arabe (44 titres), la tendance s'étant inversée à partir du début des années 2000,
avec l'arrivée sur le marché de la consommation de générations totalement arabisées. Auparavant, les 2/3
du tirage étaient en français » (Le Quotidien d’Oran, p.11).
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(57 généralistes, 3 économiques et 5 sportifs) – ce qui constitue un des plus forts taux
de quotidiens dans le Monde arabe - pour un tirage de 2,16 millions d’exemplaires ;
ce qui correspond en fait à plus de 90% de l’ensemble des tirages des titres. La
première constatation est bien le fait que la lecture d’un quotidien est largement
dominante dans la lecture de presse en Algérie. De ce point de vue, l’Algérie est très
proche des normes proposées par l’UNESCO6.
Si l’on compte, pour les quotidiens, un nombre presque égal de titres arabophones et
francophones (32 pour les premiers et 33 pour les seconds), ce sont les premiers qui
représentaient le tirage le plus élevé (1 255 000 exemplaires par jour), alors que
l’ensemble des titres francophones tirait à 900 000 exemplaires. Cette tendance n’a
fait que s’accentuer en 2009 et 2010, puisque l’on pouvait estimer à plus de 2 millions
d’exemplaires par jour les ventes de quotidiens arabophones. Pour sa part, Belkacem
Mostefaoui, dans un essai sur l’état des lieux de la presse privée, dresse un bilan
précis
Les données actualisées par le ministère de la communication au 31 mars 2011
indiquent une nouvelle progression du nombre de quotidiens. Il est de 51 pour
les titres en arabe et de 44 en français. Le nombre des hebdos respectivement
dans ces langues est de 23 et 12. La tendance dans cette périodicité est à la
baisse du volume de publication. De 98 titres en 2007, il a chuté à 59 en février
2010, et 25 en mars 2011. En matière de revues spécialisées, la floraison des
titres par rapport à 1970 est saisissante. Inexistantes en 1970 et 1980, les revues
généralistes sont au nombre de 57 en 2010. Celui des revues spécialisées est
porté à 95 en 2010. (Mostefaoui, 2011 : 20)
Mais si l’on admet à l’évidence un très fort développement du lectorat de la presse
arabophone, cette tendance s’accompagne d’une plus grande concentration de parts de
marché entre un nombre restreint de titres. Trois quotidiens (Echourouk, El Khabar,
Enahar) représentent aujourd’hui la grande part des ventes et donc de lecteurs de
presse quotidienne en arabe. La presse quotidienne de langue française, qui a connu
une expansion moins spectaculaire, représente un éventail un peu plus large de
quotidiens nationaux : les journaux EL Watan, Le Quotidien d’Oran, Liberté, Le Soir
d’Algérie, L’Expression représentent le plus fort taux de vente au niveau national.
Avec l’élargissement de l’arabisation aux nouvelles technologies, et la baisse de la
lecture qui touche toute la presse des deux langues au profit de l’Internet, certains
observateurs prévoient à long terme la diminution et du lectorat de la presse de langue
française et du nombre de ses titres :
Le lectorat francophone, pour sa part, (…) s’est rétréci comme une "peau de
chagrin" avec pour seuls renouvellements ou apports nouveaux quelques
lecteurs arabisants soucieux de s’ouvrir sur "’autre" ou voulant améliorer leur
connaissance de la langue française (encore dominante dans la sphère
économique, industrielle et scientifique)… et depuis quelques années avec la
révolution des TIC (internet entre autres), l’arrivée sur le marché des lecteurs de
jeunes portés sur les langues étrangères et peu soucieux de considérations
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NOTES : 6/ La norme de disponibilité de journaux est de 100 exemplaires pour 1000 habitants : En 2008, cela
correspondait aux proportions suivantes : Algérie : 71/1000, Europe :320/1000, Monde arabe : 40/1000.
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idéologiques ou nationalistes. Mais tout cela ne fait pas des évolutions rapides et
conséquentes. (Ahcène-Djaballah, 2011 : 7)
Notons cependant que la tendance à l’amenuisement du lectorat de langue française
était perceptible il y a quelques années déjà7. La forte domination des principaux titres
arabophones en Algérie - « El Khabar tire de ses ventes plus de 50% de ses recettes
globales et El Watan 30% » (Mostefaoui : 2011)-, ces dix dernières années, peut être
expliquée, en grande partie, par trois facteurs (au moins) interdépendants : la
modernisation de l’outil technique, la reconfiguration du rédactionnel et le
développement du réseau de diffusion et de distribution. El Khabar et Echourouk se
mettent à l’école anglo-saxonne pour le management et pratiquent une stratégie
agressive en matière publicitaire. Le modèle, en termes de traitement des contenus,
reste incontestablement celui des tabloïds anglais avec une forte moralisation à
référence religieuse. La mise en place d’un véritable réseau de diffusion et de
distribution est symétrique de la constitution d’une forte croissance des correspondants
locaux. El Khabar et Echourouk comptent l’un des plus fort taux de maillage du
territoire algérien en matière de référents journalistiques. Dans certaines régions
enclavées du pays, ils concurrencent l’agence de presse officielle, Algérie Presse
Service (APS).
Signalons enfin, un récent sondage commandité par la chaîne Beur TV (pour la partie
Média Télévision), et réalisé par l’Agence Media&Survey, pour mesurer les audiences
et la crédibilité des médias algériens, sur un échantillon de 2165 personnes âgées entre
10 et 50 ans, pendant la période du 26 février au 3 mars 2012 (Ferhat, 2012 :12). Il en
résulte que, pour la presse écrite, il y aurait 12 491 425 de lecteurs de journaux dont
61% d’hommes. Le sondage confirme le Top Eleven des années précédentes et donne
la distribution suivante :
Echourouk 20,32% El Khabar 19,50% EnNahar 11,34%
El Hadef 10,50% El Watan 08,65% Liberté 06,34%
Le Soir 04,56% Le Quotidien 04,47% El Moudjahid 01,44%
Le Buteur 01,20% L’Expression 01% -
[En caractère gras les quotidiens en langue arabe]
Ces onze publications rassemblent à elles seules près de 90% des lecteurs (sachant
qu’il existe environ 90 titres de quotidiens). On y retrouve 10 titres appartenant à des
entreprises privées et un seul titre du secteur public (El Moudjahid). Dans cet
ensemble, nous noterons la présence de deux quotidiens sportifs (El Hadef et Le
Buteur). Un seul titre a une rédaction nationale hors de la capitale (Le Quotidien
d’Oran). La part globale des journaux de langue arabe de ces 11 publications est de
plus de 60%, alors que les publications en français représentent un peu moins de 30%.
On voit bien que si la répartition est largement en faveur des quotidiens de langue
arabe, la part des journaux de langue française du Top Eleven est bien supérieure à la
moyenne des lecteurs de langue française telle que le révèle le Recensement Général
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NOTE : 7 / Ahcène-Djaballah indique que lors de la Coupe du Monde de football, en juin 2010, en Afrique du Sud,
les deux quotidiens arabophones Echourouk El Yaoumi et El Khabar tiraient respectivement à 1,6 million
exemplaires par jour et 1,2 million.
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de 2008. Nous pouvons supposer qu’une grande partie des lecteurs de quotidiens de
langue française en lisent plus d’un par jour. Alors que l’on note qu’à la différence
des deux principaux titres de langue arabe qui dominent largement l’ensemble des
publications arabophones, il y a une sensible égalité d’audience pour les titres
francophones. Par ailleurs, la consultation nationale en ligne de la presse algérienne
indique9, pour ce qui est du lectorat algérien, enregistre là aussi, la large domination de
la presse arabophone. -