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Presse écrite - Miliani Hadj (I/V)

Date de création: 16-02-2014 21:35
Dernière mise à jour: 16-02-2014 22:06
Lu: 1428 fois


 COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES- PRESSE ECRITE -MILIANI HADJ (I/V)

 

LA PRESSE ECRITE EN ALGERIE

POSITIONNEMENTS MEDIATIQUES ET ENJEUX LINGUISTIQUES

© Par MILIANI Hadj,  Université de Mostaganem – CRASC/2013

 

 

Résumé

Cette étude s’astreint à analyser les développements des supports journalistiques écrits

au regard de leur distribution linguistique. Après avoir établi un état des lieux de la

presse écrite en Algérie, cette recherche met notamment en exergue les discours

d’évaluation et de compétition de quelques journaux. Il s’agit de déterminer la

manière dont ces discours se manifestent et soulignent des postures au sein du même

groupe linguistique et par rapport aux autres expressions linguistiques. L’analyse

suggère que, peu à peu, les oppositions linguistiques servent à la fois à gagner les

adhésions idéologiques des lecteurs et des positionnements économiques pour chacun

des titres de presse.

Mots-clefs : Presse écrite - El Watan - El Moudjahid - Le Quotidien d’Oran - La

Tribune - Echourouk -

Abstract

This study attempts to analyze the developments of journalistic media written with

regard to their linguistic distribution. After establishing a state of the art of the written

media in Algeria, this research highlights mainly the discourse of evaluation and

competition of some newspapers. It is to determine the manner in which these

discourses manifest themselves and stress postures within the same linguistic group

and compared with other linguistic expressions. The analysis suggests that, little by

little, the linguistic objections serve both to gain ideological membership of readers,

and the economic positions for each of the media titles.

Keywords: Written media - El Watan, El Moudjahid - Le Quotidien d’Oran - La

Tribune - Echourouk -

 

                                                           TEXTE

La presse écrite et les médias en Algérie connaissent un développement

indiscutable ces dix dernières années. En effet, ils représentent de plus en plus un

support essentiel de la communication sociale et culturelle. Les pouvoirs publics et les

entreprises privées qui interviennent dans ces secteurs entretiennent une collaboration

évidente, mais sont également en compétition pour contrôler, maîtriser ou s’approprier

des segments importants du marché de la presse et des outils médiatiques liés aux

nouvelles technologies de la communication1. Si l’enjeu économique est patent, celui

des usages des langues est un facteur déterminant. Cette importance tient au fait que

ce sont des secteurs qui connaissent le plus d’investissements des langues écrites et

parlées dans l’échange, la consommation et l’expression culturelle et sociale. De ce

fait, ils présentent l’avantage d’être des observables essentiels pour tenter d’évaluer la

réalité d’un plurilinguisme dynamique et de mesurer les caractéristiques les plus

marquantes de ce qui se définirait comme une forme de pluriculturalisme.

Cette étude met en exergue la part la plus visible du dispositif structurel et

économique de la presse dans son articulation avec les langues en présence en Algérie.

C’est dans ce contexte que nous considérons que la lecture de la presse et les usages

de l’Internet profilent, entre autres, des pratiques qui mettent en concurrence des

langues et des univers culturels et sociaux2 . Ces pratiques définissent par conséquent

une composante essentielle du paysage de la diversité culturelle en Algérie3 et

déterminent de nouveaux espaces publics/privés d’expression :

Techniciens de la mondialisation ou simples acteurs-participants, à la fois

producteurs et consommateurs, les uns et les autres constituent à leur échelle des

communautés qui, à l’image des grandes multinationales, sont interstitielles,

fluides, fondées sur l’échange de communication, autant de traits qui constituent

une définition très minimale d’un "espace public". (Anderson, Eickelman, 2009 :

28)

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NOTES : 1 / Dans le secteur de la presse, la grande majorité des quotidiens sont détenus par des SPA à capital privé,

alors que les médias dits ‘lourds’ ( télévision et radios) sont détenus par les pouvoirs publics.

2 / Le sujet est d’actualité et fait débat ; lire à ce sujet l’article de Belkacem Ahcène-Djaballah, « Presse

écrite, radio, télévision, affichage en Algérie : multiplicité des langues et chocs des langages », Le

Quotidien d’Oran, jeudi 9 septembre 2010, ainsi que celui de Belkacem Mostefaoui, « Deux décennies de

presse privée algérienne : pléthore de titres et tentation de marchandisation », El Watan, 5 juillet 2011.

3 / L’enjeu que représentent aujourd’hui les médias, pour les politiques linguistiques, est d’autant plus

important qu’ils font l’objet, de la part des institutions chargées de promouvoir la langue arabe en

Algérie, comme Le Conseil Supérieur de la Langue Arabe, de réflexions et de rencontres («Le rôle des

médias audiovisuels dans la diffusion de la langue arabe littéraire», juillet 2008 ; «Le travail de proximité

dans la promotion de la langue arabe», décembre 2009 ; «L’utilisation de la langue arabe dans la presse

écrite», mars 2010). Le Haut Commissariat pour l’Amazighité a organisé, pour sa part, un colloque les

30-31 mai 2011, à Boumerdès, sur le thème : « Les médias, la langue officielle et la langue maternelle en

Algérie : entre prééminence et résistance. Cas de Tamazight ». Signalons également le workshop

international : « les langues de moindre diffusion sur le web : numérisation, normes et recherches »,

organisé par le Centre National Pédagogique et Linguistique pour l’Enseignement de Tamazight - MEN

algérien, les 26 et 27 octobre 2011.

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Il sera également question du dispositif particulier de la presse algérienne dans son

positionnement concurrentiel dans lequel interviennent autant les facteurs

linguistiques qu’économiques. Ce dernier aspect, souvent méconnu, nous incite à

examiner quelques manifestations de cette légitimation de l’image de certainstitres de

presse dans un processus qui est à la fois conflictuel et performatif.

 

LA PRESSE ECRITE : UNE CONFIGURATION HETEROGENE ET DYNAMIQUE

Le développement de la presse est un des indicateurs les plus significatifs quant

à la singularité du champ médiatique algérien et un cas intéressant de profils

linguistiques en compétition. Il se révèle, depuis une vingtaine d’années, comme un

des secteurs culturels qui a le plus bénéficié de l’ouverture démocratique de la fin des

années 80, et un des segments de l’industrie culturelle qui s’est ouvert le premier aux

investissements privés nationaux. Cette dynamique a mis en perspective une forte

diversification tant dans les orientations idéologiques que dans les contenus. Les

sondages et statistiques autour de la production et de la vente de presse sont

relativement fournis, mais se révèlent plus axés sur le processus commercial que sur

l’impact culturel. Ils ont l’inconvénient pour certains d’entre eux d’être commandités

par les organes de presse eux-mêmes, et d’être commentés souvent dans un esprit de

valorisation et de promotion du journal. La compétition linguistique entre organes de

la même langue ou entre périodiques francophones et arabophones cache à peine des

considérations prosaïques de parts de marché et d’hégémonie commerciale4. Souvent

seuls les tirages sont mentionnés alors que l’on ne dispose d’aucune indication fiable

sur les invendus. Néanmoins, nous pouvons estimer qu’avec certains de ces chiffres,

nous disposons des ordres de grandeur qui permettent d’observer des dynamiques qui

sont tout à fait instructives. Il est de ce fait essentiel de situer l’évolution de la presse à

la fois au plan quantitatif et qualitatif et de montrer la distribution linguistique qu’elle

donne à voir5. Avant le développement de la presse privée à partir de 1989, celle-ci

était représentée en Algérie par 50 titres pour un tirage de 750 000 exemplaires. Près

de vingt ans plus tard, en 2008, elle l’était par 291 titres dont les tirages moyens

quotidiens étaient de 2,43 millions d’exemplaires (APS, El Watan et le Soir d’Algérie

du 23 avril 2008). Ce qui est particulièrement remarquable est que, dans cet ensemble,

la part des quotidiens représente un peu plus du cinquième des titres : 65 quotidiens

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NOTES : 4/  Ahcène-Djaballah montre, par exemple, l’enjeu des retombées publicitaires pour le secteur de la presse

et des médias en 2010: « on s'est retrouvé avec un marché publicitaire qui a littéralement explosé (200

millions de dollars et près de 400 agences de publicité dont une dizaine domine le lot et toutes liées aux

grandes compagnies internationales comme Dentsu, Publicis, Havas, Mc Cann, EuroRSCG…), avec

l'ouverture économique et l'installation de compagnies étrangères en Algérie, tout particulièrement celles

de la téléphonie mobile, de l'agro-alimentaire et de l'automobile » ( Le Quotidien d’Oran, op.cit., p.11).