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Fonds souverains - Haddouche Hassan/Liberté

Date de création: 02-02-2014 14:27
Dernière mise à jour: 02-02-2014 14:27
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FINANCES – ETUDES ET ANALYSES – FONDS SOUVERAINS – HADDOUCHE HASSAN/LIBERTE

Nouveaux appels en faveur de la création d’un fonds souverain

Les réserves de changes dans la campagne présidentielle

©  Hassan HADDOUCHE/Libertté, mercredi 29 janvier 2014

Est-ce parce qu’elles ont cessé d’augmenter depuis l’année dernière et que leur pérennité ne semble plus assurée ? La gestion des réserves de changes fait un retour remarqué dans le débat public.

Entre gestion prudente et gestion frileuse, il n’y a qu’un pas qui est franchi par un nombre croissant d’anciens responsables économiques et d’experts  financiers algériens. L’option évoquée périodiquement d’un investissement des réserves de changes du pays dans des actifs privés à travers la création d’un fonds souverain a refait surface au cours des dernières semaines, à l’occasion de la campagne électorale pour la présidentielle.
C’est l’un des “forts en économie” de la précampagne qui est en train de s’achever qui le soulignait récemment. Pour Djamel Benkoussa, “au déclenchement de la crise, le placement d’une partie de nos réserves de changes en bons du Trésor américain était une bonne stratégie, car très peu risquée. Mais il est profondément regrettable de ne pas avoir profité de cette crise pour industrialiser l’Algérie. Nous aurions pu récupérer un retard technologique considérable et diversifier notre économie. Nombreux sont les pays qui ont saisi cette opportunité pour prendre le contrôle d’entreprises étrangères stratégiques pour leur développement économique. D’ailleurs, entre 2007 et 2011, lors de l’effondrement des Bourses, on a constaté que le montant en dollar des actifs sous gestion des fonds souverains au niveau mondial n’a cessé d’augmenter”.
Ce point de vue est loin d’être isolé et on peut rappeler que dans un passé récent il a été défendu par de très nombreux experts nationaux.  Pour Mourad  Preure par exemple, “à partir du moment où la crise économique et celle des dettes souveraines perdurent, cela fait apparaître des opportunités d’acquisitions d’actifs industriels qui pourraient créer des synergies avec le développement industriel de l’Algérie”.
Une vision explicitée, en marge d’un think tank récent “Défendre l’entreprise”, organisé par Liberté, par un expert international qui  estimait que “le fonds souverain offre le cadre idéal à l’Algérie pour déployer une politique industrielle, développer des compétences humaines et diversifier ses participations industrielles à l’étranger. L’Algérie a la chance de pouvoir transformer une rente en un outil de construction de son futur. Elle a les moyens de s’inviter dans les grands groupes industriels internationaux, tout en dessinant son appareil productif. Les deux choses doivent se faire de concert tant elles sont complémentaires : acquisition et in fine production de savoir-faire, participation à la gouvernance industrielle, économique et financière, apprentissage organisationnel, etc. Autant de leviers indispensables à toute production et redistribution de richesses futures”.

Le niet des autorités algériennes
On connaît la réponse formulée jusqu’ici par les autorités financières algériennes. Pour Karim Djoudi, ce type de placement est caractérisé par “un couple risque/rendement très important, qui reste un choix spéculatif, et quand on a la responsabilité de gérer l’argent de la collectivité nationale, on ne spécule pas”. Conclusion du ministre algérien : déposer les réserves de changes en valeurs d’État reste “le meilleur choix pour l’Algérie”. Une position traditionnelle confirmée fin décembre 2013 par Mohamed Laksaci qui, en réponse à une question des députés, a de nouveau précisé que la gestion des réserves nationales de changes à l'étranger obéissait à “des standards et règles mondiaux qui les protègent”. M. Laksaci a indiqué que le placement des réserves de changes du pays, qui font l’objet d’une nouvelle estimation à 191 milliards de dollars à la fin 2012, se fait actuellement “à travers des dépôts auprès des banques centrales à raison de 6% de leur total. Le reste (94%) se fait à travers des obligations, des bons du Trésor et des actifs bénéficiant d'une bonne notation auprès des agences internationales”. “Les statistiques de la Banque centrale algérienne démontrent qu'aucune part de ces réserves n’a été placée dans des actifs à risque comme les titres gouvernementaux émis par des pays en crise tels que la Grèce, le Portugal, l'Espagne”, a affirmé le premier responsable de la Banque centrale.  L’intervention récente de M. Laksaci a également confirmé que le rendement des placements réalisés par la Banque centrale reste modeste. Selon les chiffres de la BA pour 2012, ces dépôts ont réalisé une moyenne annuelle de revenus estimée à 1,93%.

Les investisseurs privés aussi
On relève pour l’instant une seule exception à la doctrine formulée par les autorités algériennes. À l’heure actuelle, seul le groupe Sonatrach qui depuis des années finance ses acquisitions à l’étranger avec des créances non perçues sur ses clients, bénéficie dans ce domaine d’un statut privilégié. Ainsi que l’a encore montré voici près de 2 ans sa prise de participation dans le capital de l’espagnol Gas Natural.
Au-delà même de l’enjeu de la création d’un fonds souverain public, on peut se demander si  les appels à un assouplissement de la loi algérienne en matière d’exportation de capitaux par les opérateurs économiques ne vont pas trouver un supplément de crédibilité dans le contexte de la  crise en cours des dettes souveraines.
De nombreux opérateurs économiques privés manifestent une impatience croissante à l’égard de la rigidité de la réglementation dans ce domaine. Beaucoup d’entre eux soulignent que leur déploiement à l’international est aujourd’hui bloqué par les restrictions imposées au financement des investissements à l’étranger par les règlements de la Banque d’Algérie.  Un banquier commente : “Notre réglementation sur l’investissement est l’une des plus archaïques du monde. Sa mise à niveau devrait passer d’abord par la suppression de l’autorisation d’investir délivrée par la CNI et ensuite par un examen au cas par cas des projets d’investissement à l’étranger des opérateurs économiques, ainsi que le font depuis longtemps beaucoup de pays voisins.”

Les fonds souverains, nouveaux rois de la finance
Avec des actifs cumulés de plus de 5000 milliards de dollars, les fonds souverains sont une force nouvelle et conquérante au sein de la finance mondiale.
Parmi les 63 fonds souverains recensés par le SWF Institute au niveau mondial, 36 sont alimentés par la rente pétrolière ou gazière du pays concerné (Norvège, Arabie Saoudite et pays de la péninsule Arabique, Russie, Kazakhstan, Libye, etc.) et six autres sont financés par des ressources minérales comme le cuivre (Chili) ou le diamant (Botswana). D'autres fonds souverains sont l'émanation de pays, souvent asiatiques, qui leur allouent les ressources issues de leur forte capacité exportatrice, comme Singapour, la Corée du Sud ou bien sûr la Chine, qui ne détient pas moins de cinq fonds souverains. C'est souvent en raison des montant colossaux qu'ils gèrent que les fonds souverains font parler d'eux. Au total, ces investisseurs pas comme les autres détiennent des avoirs de plus de 5000 milliards de dollars.

Des acteurs majeurs de la finance
Avec 656 milliards de dollars à lui seul, le Fonds de pension gouvernemental norvégien, connu sous le nom de fonds pétrolier norvégien en raison de l'origine des capitaux dont il dispose, est le plus important fonds souverain au monde. A la différence majeure des grandes sociétés de gestion d’actifs comme les fonds de pension américains ou européens qui gèrent de l'argent “pour compte de tiers”, les fonds souverains peuvent investir de manière parfaitement discrétionnaire, puisque l'argent qu'ils mettent en jeu leur appartient en propre et qu'ils n'ont pas à respecter des contraintes ou engagements pris auprès d'investisseurs ayant souscrit à un produit financier défini.

Une vocation à diversifier l'économie locale
Les fonds souverains ont souvent vocation à assurer une diversification de l'économie du pays dont ils dépendent. “Renforcer l'économie nationale en la diversifiant dans différentes classes d'actifs”, telle est ainsi l'ambition de l'émir du Qatar. Le fonds souverain national, le Qatar investment authority, dispose de 115 milliards de dollars à investir et s'est illustré récemment par ses investissements dans de grandes sociétés européennes comme Vinci, Barclays, EADS, Suez ou Volkswagen. L'objectif du petit émirat est de faire en sorte que la production de gaz, dont il est le leader mondial, représente moins de 50% de la croissance économique du pays dès 2014, contre plus de 85% en 2011.

H. H.