HABITAT - VILLE - BOGHAR
(informations empruntées à Mohamed Abdelli et Ahmed Teta, in El Watan, lundi 6 janvier 2014)
Située à environ 1000 m d’altitude sur l’adret de l’Atlas tellien, la commune de Boghar, a été fondée en 1838. A peine quelques encablures entamées sur le chemin évoluant dans un paysage presque tapissé d’une multitude de roches très volumineuses aux couleurs jaunâtres sur lesquelles se projettent les ombres d’une forêt clairsemée de pins d’Alep, qu’apparaît le fameux camp Morand où des milliers de détenus, considérés comme les meilleurs fils de l’ALN, gisaient dans cet enfer des travaux forcés, attendant un sort qui se terminait souvent par une liquidation physique. Plus haut, le relief est très dominant, la géologie est souvent karstique, le pin d’Alep cède progressivement du terrain au chêne au fur et à mesure que nous gagnons en hauteur d’un étage bioclimatique à un autre. Mais le décor qui s’offre au regard reste toujours dominé par des cailloutis ponctuant à perte de vue les pentes du massif de Boghar. A Boghar, chef-lieu de commune, le frisson est plutôt glacial, obligeant les habitants à porter la traditionnelle kachabia.
Perchées dans une géologie très rocailleuse, avec ses 6200 habitants, les rues et ruelles de la commune de Boghar, aux tracés encore maillés, rappelant une architecture coloniale toujours présente sont très propres.
Le village de Boghar a connu le passage des Romains, des Berbères de Sanhadja ainsi que des Ottomans.
Ce lieu a servi, en 1839, de base de repli à l’Emir Abdelkader, secondé par son lieutenant Mohamed Benaïssa El Berkani (Khalifa de Médéa) pour lancer, avec ses combattants, de farouches batailles contre l’ennemi en lui infligeant de cuisantes défaites. La forteresse de Boghar, fortifiée par l’existence de la fameuse caverne, était imprenable. Elle constituait un véritable rempart devant l’avancée de la soldatesque française qui a été obligée de rebrousser chemin à chaque fois. C’est jusqu’au 23 mai 1841 qu’arrive à son tour le général Baraguay d’Hilliers à la tête d’une impressionnante armée en nombre, lourdement équipée, obligeant l’Emir à se retirer tactiquement vers Taguine, au sud-ouest du pays. L’armée française, dès qu’elle s’est emparée des lieux, a construit d’imposants bâtiments, entourés d’une haute muraille en pierres avec des tours de surveillance pour se prémunir des attaques répétées des résistants locaux.
Ces vestiges sont toujours debout dans l’enceinte de la caserne. C’est en 1844 qu’un village de colons est venu se greffer au bas de la caserne. Il a été peuplé par le déplacement volontaire à partir de la métropole (France) des familles de militaires et des colons qui se sont accaparés de force des meilleures terres fertiles de la population autochtone en la chassant vers les zones montagneuses difficiles et accidentées. Cette agglomération garde à nos jours intactes la placette avec son kiosque à musique et une piste de danse qui ont été conçues à l’époque pour les colons afin de se divertir en organisant des fêtes musicales collectives. Par contre, en parallèle, une politique d’apartheid et de mépris faite de répressions inhumaines et de persécutions a été menée contre les Arabes dits les indigènes par les autorités coloniales. Le témoignage du militaire Claude Aicardi sur le réseau social facebook est signifiant : «J’étais en garnison à Boghar au 18e Régiment des dragons. J’ai le souvenir de paysages magnifiques, mais aussi du dénuement total de ces populations indigènes dans ces années tourmentées.»