CULTURE – ARTS PLASTIQUES – CERAMIQUE- BOUMEHDI MOHAMED
© Par Fella Hassan/ Liberté, samedi 4 janvier 2014
Il y a 7 ans , Mohamed Boumehdi, le maître céramiste algérois, s’en est allé, laissant dernière lui un héritage culturel : “la céramique d’art”. Une céramique d’art, expression d’un raffinement, d’un art de vivre citadin dont la qualité est reconnue par tous. À ce jour encore il n’y a pas de travail qui puisse se mesurer à sa créativité, tant dans la forme que sur les couleurs de ses myriades florales de ses tableaux inspirés du style de Racim, le maître de la miniature algérienne.
Humble et modeste toute une vie durant, Mohamed Boumehdi, cet artisan du beau, n’avait jamais eu le vertige du succès, pourtant ses œuvres, partout où elles ont été exposées dans les salons internationaux (Paris, Rome, Madrid ou Doubaï), partout elles n’ont pas démérité, ont attiré la foule et raflé des médailles. Sa vie, il l’a vouée à sa passion, l’art de la céramique, devenue son métier ; un label, comme le “bleu” Boumehdi, ou le carreleur du ciel, en référence au minaret de la mosquée de Dar Saada au clos Salembier. Un travail commandé par l’architecte français Fernand Pouillon, qui lui permettra un compagnonnage pour le côté décoration de ses œuvres architecturales, qui depuis sont un référent de l’architecture néo-mauresque qu’est Moretti notamment. Ses œuvres, nous les retrouvons dans les instituts comme la présidence de la République, les hôtels de prestige (St Georges, le Sofitel ou le Sheraton). Ses faïences d’art, tableaux frisent dans les belles demeures des quartiers huppés d’Alger, leur jardin, comme celui de la résidence de l’ambassade d’Italie, véritable quitus d’une reconnaissance, et pas des moindres ! Mohamed Boumehdi est resté l’artisan humble et modeste travailleur jusqu’à sa mort, déployant la même discipline et la même rigueur dans la transmission de son savoir.
Il se rendait à son atelier de Kouba tous les matins, à 80 ans ! Dans mes souvenirs, je le vois encore déambulant dans la poussière (résidu du polissage des œuvres) pour la touche de couleur, dernière étape avant cuisson ; s’asseyant près des apprentis artisans, leur prodiguant conseils et observations à voix basse, avec calme et fermeté à la fois. Jamais d’état d’âme quand le maître était là ; point de bavardage tous se devaient d’être concentrés sur leur travail. D’un abord a priori réservé, voir distant et bourru à la fois, le maître m’avait accordé un entretien, à la grande surprise de son fils Hachmi qui m’en avait dissuadé, certain d’un refus sec et maladroit. Depuis, Mohamed Boumehdi était devenu un ami, un complice, nous partagions nos émotions, notre sensibilité du «Beau».Mohamed Boumehdi était d’une grande sensibilité cachée derrière une carapace d’ours. Je le taquinais souvent à ce propos en le lui chuchotant à l’oreille, il en souriait parfois jusqu’au rire, enfin libéré ! 7 ans déjà. C’était hier, mais ne vous méprenez pas, la page de Mohamed Boumehdi n’est pas achevée. C’est toujours une page qui est en train de s’écrire par ses enfants, disciples et héritiers de leur père, chacun dans son style, dans le continuum du label Boumehdi, toujours, dans l’humilité et la discipline de Mohamed.