HISTOIRE – INDEPENDANCE- COUP D’ETAT DU 19 JUIN 1965
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Le coup d’État du 19 juin 1965 en Algérie est un putsch militaire animé par le colonel Houari Boumédiène ministre de la Défense, à l'issue duquel le président de la République Ahmed Ben Bella est renversé et Boumédiène devient le nouveau président de l'Algérie de 1965 à 1978.
L'Algérie devenue un État indépendant à l'issue du référendum populaire du 1er juillet 1962, le pays connaît immédiatement un conflit durant la crise de l’été 1962, qui oppose le GPRA, signataire des accords d'Évian et le « Bureau politique » formé par Ahmed Ben Bella qui a scellé un pacte avec le « clan d'Oujda »[1] - à sa tête le colonel Houari Boumédiène, chef d'État-major général de la fameuse « armée des frontières » forte de 35 000 hommes, bien équipée et disciplinée. Ben Bella impose peu a peu son autorité. Avec l'appui militaire du colonel Boumédiène, il organise les élections à une Assemblée nationale constituante, le 20 septembre 1962, qui le désigne comme chef du premier gouvernement algérien. L'année suivante il devient le premier président de la République de l'Algérie indépendante, par le référendum du 15 septembre 1963 avec 5 085 103 voix.
Deux années plus tard, Ben Bella ne voit pas monter le danger. Discrètement, le colonel Boumédiène « tisse sa toile », il est vice-président du gouvernement depuis 1963 et ministre de la Défense et donc chef de l'ANP, l’héritière de l'« armée des frontières » qu'il ne cesse de la renforcer et de l'équiper en faisant appel aux Soviétiques. À ce poste il dirige aussi la toute puissante Sécurité militaire, véritable police secrète à la disposition du chef des armées. « Nous soutiendrons Ben Bella tant qu’il sera utile à l’Algérie. Le jour où il cessera de rendre service, il ne nous faudra pas plus de deux heures pour le renverser », aurait déclaré Boumédiène à son clan.
N'osant pas s'attaquer directement au colonel Boumédiène, Ben Bella cherche à réduire l'influence du « clan d'Oujda » au sein de son gouvernement. Il provoque la démission d'Ahmed Medeghri, ministre de l’Intérieur, puis pousse Kaïd Ahmed à renoncer au ministère du Tourisme. Et lors d'un remaniement ministériel en décembre 1964, il réduit considérablement les attributions de Chérif Belkacem un des membres du « clan d'Oujda », ministre de l'Orientation, qui a sous son autorité l'Information, l'Éducation nationale et la Jeunesse. Le président de la République, déjà chef du gouvernement et secrétaire général du FLN, s'attribue les portefeuilles de l'Intérieur, des Finances et de l'Information. Ben Bella rassemble sur son nom toutes les oppositions. Son ministre de la Santé, le docteur Mohmaed-Seghir Nekkache, le met en garde, sentant l'imminence du danger[2].
Le 28 mai 1965, alors que le colonel Boumediene représente l'Algérie à la conférence des chefs de gouvernement arabes au Caire, Ben Bella annonce qu'il retire à Abdelaziz Bouteflika, autre membre du « clan d'Oujda », son portefeuille de ministre des Affaires étrangères. Bouteflika alerte aussitôt son « patron », le colonel Boumédiène. Ce dernier rentre aussitôt à Alger et il réunit ses compagnons du « clan d'Oujda » que viennent rejoindre les officiers chaouis du « groupe de l'Est » dont (Tahar Zbiri, Saïd Abid, Ahmed Draia, Salah Soufi, Abdelaziz Zerdani). Tous sont pour le renversement de Ben Bella. L'opération est minutieusement préparée.
Coup d’État
La villa Joly, où réside le chef de l’État est située dans le même quartier où se trouve l'appartement du colonel Boumédiène, à proximité de la Villa Arthur, où habite Bouteflika et non loin de l’état major de ANP où ont été mis au point les détails du complot[3]. C'est au chef d'état-major de l'armée, le colonel Tahar Zbiri et la Sécurité militaire que le colonel Boumédiène leur confie la tâche de mettre aux arrêts le président de la République.
Ben Bella est pris au saut du lit chez lui, le 19 juin 1965 à 2 h 30 du matin (deux milliards d'anciens francs en pièce d'or et devises étrangères sont découvertes dans sa chambre). Le colonel Zbiri accompagné de Ahmed Draia directeur de la Sûreté et Saïd Abid, commandant de la première région militaire du Grand Alger le réveille sans ménagement et le presse de s'habiller : « Au nom du Conseil de la Révolution, j’ai l’ordre de vous arrêter sous l’inculpation de haute trahison », lui lance t-il solennellement. Encadré par les trois officiers, le président monte dans une voiture noire qui l’amène vers une destination inconnue. Boumediene dans son quartier général, attend le rapport de ses hommes ; le téléphone sonne, au bout du fil, le colonel Zbiri : « Mission accomplie », dit-il.
À l'aube l'armée du colonel Houari Boumédiène vient de prendre le pouvoir, les Algérois se réveillent avec des chars et des hommes en tenue de combat, postés à tous les points stratégiques de la capitale. Les émissions habituelles de Radio Alger sont remplacées par de la musique militaire et la diffusion de communiqués en boucle en arabe et en français. Le président déchu y est qualifié de « despote » et de « tyran ». À 12 h 05, dans un message radiodiffusé, le colonel Boumédiène annonce la création d'un Conseil de la révolution qui assume tous les pouvoirs.
Ce coup d’État se produit à la veille du sommet afro-asiatique prévu à Alger, auquel le Premier ministre chinois Zhou Enlai et le président égyptien Nasser devaient participer, et au cours duquel le président Ben Bella devait apparaître comme l'un des principaux leaders du Tiers monde. Il intervient en outre quelques mois après l'accord secret entre Ben Bella et le FFS de Hocine Aït Ahmed qui était entré en dissidence dans son fief kabyle depuis 1963. Le colonel Boumédiène, dont les troupes quadrillent depuis un an et demi les maquis de Kabylie, n'est pas favorable à ce rapprochement.
Du point de vue technique, le coup d’État a été mené de main de maître, sans difficultés ni bain de sang. La presse étrangère est interdite dès la veille du coup d’État, les communications téléphoniques sont coupées pendant quarante huit heures.
Réactions et chasse aux Benbellistes
Dés le lendemain du coup d’État, la chasse aux Benbellistes et aux opposants de gauche est lancée dans les ruelles de la capitale, à la fois massive et violente. Les camions de l'armée sillonnent les rues d'Alger, les manifestants parcourent les rues aux cris de « Boumédiène assassin », ils sont environ entre 2000 et 3000 personnes. La radio passe en boucle des appels au calme et des menaces à l'encontre des manifestants. Plusieurs arrestations musclées, dont 50 Français d’extrême gauche partisans de Ben Bella[4]. À Constantine, les arrestations et les disparitions vont se multiplier au fil des semaines. À Annaba, plusieurs arrestations et une centaine de morts. À Oran, les rues sont quadrillées par les automitrailleuses et les patrouilles militaires. Une manifestation spontanée composée en majorité d'étudiants se déroule Place d'Armes, et plusieurs d'entre eux sont arrêtés par la Sécurité militaire.
Le premier président de la République algérienne restera enfermé pendant quinze ans et ne sera libéré que le 30 octobre 1980 sous la présidence de Chadli Bendjedid. Il s'exile en Suisse. Il crée alors le Mouvement pour la démocratie en Algérie et se rapproche de Hocine Aït Ahmed. Il revient en Algérie le 27 septembre 1990. Il assiste à la prestation de serment du président Abdelaziz Bouteflika en 2009 et il prône la réconciliation avec les islamistes du Front islamique du salut (FIS).
Depuis quelques jours, le réalisateur italien, Gillo Pontecorvo, tourne un film sur la bataille d'Alger et lorsqu'a lieu le coup d’État, les chars de Boumédienne sont déjà déployés dans les rues d'Alger. « J'ai cru que c'était du cinéma » se rappelle un journaliste. La plupart des Algérois pensent comme lui. « On était habitués aux chars de Pontecorvo. Sauf ce coup-ci c'était des vrais ». Les hommes du colonel Boumédienne s'adressent à la population : « ne vous inquiétez pas, population d’Alger, c’est la bataille d’Alger qu’on est en train de tourner, donc ne vous affolez pas »[4].
Célébration
Officieusement le « régime Boumédièniste » prend fin, en décembre 1978, avec le décès du président Houari Boumédiène et la dislocation du Conseil de la révolution. La journée du 19 juin célébrée comme « journée nationale » chômée et payée a fini par disparaitre, en 2005, du calendrier des fêtes nationales.