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Emploi informel - El Moudjahid/Yacine Ould Mousa (II)

Date de création: 22-08-2013 16:02
Dernière mise à jour: 22-08-2013 16:03
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TRAVAIL - ETUDES ET ANALYSES - EMPLOI INFORMEL – EL MOUDJAHID/YACINE OULD MOUSSA (II)

 Pourquoi l'informel et l'emploi informel ? 

© El Moudjahid – Yacine Ould Moussa, jeudi 22 août 2013

Les raisons qui  ont généré l’informel et surtout l’emploi sont nombreuses et diverses, nous allons essayer d’en faire le tour et de voir comment elles s’additionnent ou se combinent pour produire de l’emploi informel.

Le premier facteur cité par les spécialistes est le facteur démographique  puisque à partir de la seconde moitié des années 80, la population en âge de travailler  enregistre une augmentation importante. En effet, la proportion des  15-60 ans  dans la population totale passe de 55% en 1990 à 57% en 1995 puis à plus de 60% en 2000 et 65% en 2005. A cela, il faut ajouter une double  mutation culturelle et économique, à savoir une participation croissante des femmes au marché de l’emploi, passant de 1,83 % en 1966 à 2,04% en 1977, puis de 3,86% en 1987 à 9,59% en 1998 (RGPH, ONS, cité par BIT, 2003).
Le deuxième facteur  se  situe au plan sécuritaire des années 90, qui a favorisé  le développement des activités informelles, le terrorisme, le non-droit ont généré de l’informel, voire de l’illégal, accompagné d’un exode massif des populations des régions  rurales, fortement ébranlées par les affres de l’insécurité et venant ainsi renforcer les rangs des personnes sans-emploi.   
En troisième position, on trouve la crise du système éducatif qui, malgré le  niveau élevé des taux de scolarisation en Algérie, subit chaque année des déperditions massives : 532 000 élèves déscolarisés en 1998 et 426 000 en 2001, dont plus d’un quart issu du cycle secondaire (CNES, 2004). Au regard  des limites — en termes de quantité et de qualité — du système de formation professionnelle, ces enfants déscolarisés ont trouvé un exutoire dans le secteur informel qui assure un
revenu  complémentaire ou principal à leurs familles dont le pouvoir d’achat s’est sérieusement dégradé  durant cette période.
Le quatrième facteur évoqué par les spécialistes est le programme d’ajustement structurel et la
libéralisation de l’économie et notamment du commerce extérieur  à partir de 1994. En effet, les mesures de libéralisation engagées à la fin des années 1980 et l’application du programme d’ajustement structurel (PAS) à partir de 1994 ont entraîné  des conséquences importantes sur le marché de l’emploi qui a connu une forte contraction sous l’effet des dissolutions d’entreprises publiques et la dislocation de secteurs entiers de l’économie nationale, frappée par la crise de l’endettement et l’inefficacité du modèle de gestion avec la détérioration du niveau de vie des populations.
Par ailleurs, la libéralisation de l’économie a légitimé les solutions individuelles et le recours au système «D» et notamment, l’émergence d’activités informelles.  
L’ouverture impréparée du commerce extérieur a nourri les activités spéculatives, dès lors que la démonopolisation et le principe de la  libéralisation de l’économie étaient consacrés  aux plans institutionnel et politique.  Avec 32.000 importateurs voire 40.000, il était prévisible que les activités parasitaires et informelles  allaient créer leur propre « chaîne de valeur ».
Cinquième facteur à  considérer, c’est bien  entendu  la crise du marché du travail et la montée du chômage. Avec l’effondrement du secteur public économique, un secteur privé fragile créant peu d’emplois  et composé pour la plupart de micro-entreprises de taille, conjugué à l’émergence de l’élément féminin sur le marché de l’emploi, le résultat fut l’accentuation du taux de chômage, passant  de 18,1% en 1989 à près de 30% en 2000 et touchant  les jeunes plus que les autres catégories. En 2001, alors que le taux de chômage global est de 27,3 %, celui juvénile s’élève à 51,4% pour la tranche d’âge 15-19 ans, 45,9% pour la tranche 20-24 ans et 37,6% pour la catégorie 25-29 ans (BIT, 2003). On observe que le chômage varie inversement avec l’âge.
Sixième facteur important à intégrer,  le  cadre réglementaire et institutionnel contraignant avec des instruments de régulation qui n’ont pu venir à bout  du développement des activités et pratiques informelles. Parmi ces instruments, il y a lieu de citer la fiscalité et la parafiscalité caractérisées par un nombre important  d’impôts et taxes  et  des cotisations sociales élevées. Cela explique sans justifie, la fraude et l’évasion fiscale  avec une propension importante à l’informel. La création d’entreprises reste encore un processus relativement ardu, indépendamment des dispositifs de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ...) et celui mis en œuvre par la Caisse nationale d’Assurance-Chômage (CNAC), le parcours d’un porteur de projet peut  faire reculer les plus courageux, notamment pour l’accès au crédit et au foncier. Ainsi, il devient plus aisé et plus lucratif pour les individus de s’orienter vers le marché informel  et en tirer des revenus substantiels, d’autant que le contrôle reste  faible et inadapté. Quantifier et évaluer l’économie informelle dans notre pays n’est pas chose aisée, car se pose le problème de la définition devant la diversité des formes que prend l’informel, à savoir petite production marchande, marché parallèle des biens,  activités illégales et criminelles. Il est patent que le secteur informel a pris des formes différentes au fil du temps et des époques, en  fonction de la structure économique et sociale, du niveau de développement mais aussi des facteurs politiques et institutionnels propres à chaque période de l’histoire économique de notre pays.  
                                                                                          Yacine Ould Moussa

Source Youghourta Bellache
L’économie informelle en Algérie, une approche par enquête auprès
des ménages- le cas de Bejaïa, thèse de doctorat, 2010 Université de Bejaïa

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Les parades possibles

Au vu de l’ampleur du phénomène de l’emploi informel, il est impératif que  les solutions pour contenir un tel processus de fragilisation de l’économie et du corps social  méritent une réflexion sérieuse, une concertation  fréquente et large  et une action  pertinente et vigoureuse dans la durée  pour obtenir des résultats probants. Ces parades à l’emploi informel sont multiples et  leur mise  en œuvre cohérente et coordonnée  serait   un gage de succès pour réduire, à défaut d’éradiquer,  le mal  qui ronge le tissu économique et social en altérant les équilibres de la protection sociale et les ressources fiscales du pays indispensables au financement des dépenses publiques et collectives.
Ces parades sont pour la plupart institutionnelles et touchent l’organisation et le fonctionnement de l’économie nationale  et des marchés ; elles se situent à plusieurs niveaux  qui vont de la prévention à la répression du phénomène de l’emploi informel.
Pour ce qui relève de la prévention et donc de l’encouragement  à l’emploi et à l’emploi structuré, il convient de  bien cerner les effets économiques, sociaux et psychologiques du chômage pour pouvoir le résorber de façon durable et efficace. Rappelons  les effets économiques du chômage, à savoir la faible utilisation des ressources humaines, ce qui revient à dire un manque à gagner pour l’économie algérienne. La fuite des compétences et ressources humaines qualifiées qui ont couté à la collectivité nationale, et bien entendu  ne pas omettre cette rapide expansion de la sphère informelle et son lot de
« métastases »  et « foyers d’infection »  en termes  de découragement des investisseurs, de dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur  et  sur le plan du droit  les infractions, les activités illégales et les  pratiques criminogènes. La liste n’est pas
terminée puisqu’il faut ajouter  la détérioration du niveau de vie des couches touchées par le phénomène du chômage, celle des relations sociales, des relations familiales et des relations humaines. Et enfin selon l’expression consacrée, l’apparition de fléaux sociaux.
Cela fait cher l’addition  pour un phénomène  qui peut être maîtrisé  et pour le moins contenu  à un niveau sans retombées significatives pour  l’économie et la société.  
Bref, les pouvoirs publics ont  développé  des  mesures d’incitation à l’activité du secteur privé à travers  l’assouplissement des procédures réglementaires et la simplification de la fiscalité. En 2007 par exemple, les modalités d’inscription au Registre de commerce ont été modifiées dans le sens d’une  diminution de 12 à 8 le nombre de documents nécessaires pour l’inscription au RC (seuls les documents essentiels sont désormais exigés), et à la réduction substantielle depuis 2007 des délais de délivrance du RC qui sont ramenés de 2 mois (au minimum) à 24 heures. Cependant, les spécialistes considèrent que les formalités restent toujours nombreuses et compliquées. Par ailleurs, l’affiliation à la CASNOS reste  soumise  à la possession d’un registre de commerce ou toute autre autorisation administrative (carte d’agrément, carte d’artisan…).
L’amélioration des conditions d’exercice des activités commerciales s’est traduite par l’allègement  des procédures régissant les baux commerciaux, notamment en matière de durée qui est désormais fixée par un accord entre les parties, consigné dans un simple contrat notarié.
La libération du local commercial intervient à l’échéance prévue par le contrat sans prétendre à l’indemnité. Dans le langage courant, cette indemnité était considérée   comme le prix à payer  par le
propriétaire du local au  profit du commerçant locataire pour avoir  le droit de créer un réel ou supposé  fonds de commerce  (loi n° 05-02 du 06 février 2005 modifiant et complétant le code de commerce).
Il faut citer également  la série d’exonérations au profit des créateurs d’entreprises et porteurs de projets. En effet, les avantages fiscaux accordés nombreux, tels qu’  exonérations d’impôts pour les nouveaux investisseurs, investissements de rénovation et d’extension pour une période de 3 à 5 ans,  avantages fiscaux accordés dans le cadre de l’ANSEJ, CNAC, ANDI, franchise de TVA, des droits de douane au taux réduit pour les équipements, exemption du droit de mutation, exonération de l’IBS, de la taxe foncière dans le cadre de la loi sur la promotion de l’investissement.
Les pouvoirs publics ont décidé d’éliminer l’alibi de la pression fiscale utilisé par les opérateurs pour s’orienter vers l’informel : c’est ainsi que dans cette perspective,  il a été décidé la réduction des tranches du barème de l’IRG de 5 à 3 en 2007, la réduction du nombre et des niveaux d’imposition (pour faciliter la création des entreprises), la réduction de  l’IBS,  passant de 50% en 1991, puis à 42%, à 38 % et 30% en 1999, à 25% depuis 2005 ; pour ce qui est de  l’IRG, le taux marginal baisse  de 70% en 1991, à 50% puis à 40% en 1999 ; la taxation des biens et services connaît une inflexion indicative  en nombre et en niveau des taux : 18 taux en 1991, 4 taux en 1992, 3 taux en 1995, 2 taux depuis 2001 ; le taux normal est de 25% en 1991, 21% en 1992, 17% depuis 2001 (7% pour le taux réduit) ; les droits d’enregistrement sont simplifiés et revus à la baisse ; la baisse des niveaux des impôts d’exploitation (TAP et VF) : la taxe sur l’activité professionnelle (TAP) passe de 2,55% avant 2001 à 2% depuis 2001 et le versement
forfaitaire (VF) de 6% avant 2001, il passe à 5% en 2001, 4% en 2002, 3% en 2003, et 0% depuis 2005.
La simplification fiscale opérée par les pouvoirs publics aura été la mise en œuvre et en place de  deux mesures importantes.
La première a trait à  l’institution d’un impôt unique sur le revenu des personnes physiques (IRG applicable au total des revenus dont dispose une même personne) et de l’IBS applicable aux personnes morales. La seconde est la création  d’un Impôt Unique Forfaitaire (IUF) qui remplace les impôts et taxes (IRG, TVA et TAP) auxquels étaient soumis les contribuables soumis  au régime du forfait : le taux de l’IUF de 12% est applicable à l’activité de prestation de services, le taux de 6% est applicable à l’activité d’achat et de revente en l’état.
Cet IUF s’applique aux personnes physiques dont le commerce principal est la vente de marchandise ou d’objets et dont le C.A ne dépasse pas 3 millions DA, y compris les artisans exerçant une activité artisanale d’art ; aux personnes physiques exerçant d’autres activités et prestations de services relevant de la catégorie des BIC lorsque leur C.A annuel n’excède pas 3 millions DA ; aux personnes physiques exerçant simultanément ces deux activités (LF 2007).
A côté de ces mesures incitatives,  des  mesures réglementaires à l’encontre du secteur informel ont été  prises pour sanctionner les comportements dérivant vers l’informel et l’opacité qui l’entoure. C’est ainsi qu’il faut rappeler que la Loi de Finances Complémentaire (LFC) pour 2005 a mis  en place  une disposition limitant  les activités d’importation de matières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état, aux  seules  sociétés (personnes morales) dont le capital social est égal ou supérieur à 20 millions de dinars entièrement libérés.
Cette mesure a contraint  les importateurs à se constituer en sociétés (personnes morales) au  capital social  minimum de 20 millions de DA entièrement libérés (ordonnance n° 05/05 du 25 Juillet 2005). Avec cette loi,  toute société d’importation est soumise  à une domiciliation auprès d’une banque et des services fiscaux.
La LFC pour 2005 a contraint  également les SARL (forme très répandue, fondée par deux personnes au moins, dont le nombre est estimé entre 45 000 et 50 000 en 2005) à recourir aux services et à l’intervention d’un commissaire aux comptes à partir de janvier 2006, faute de quoi, elles se verront imposer un commissaire aux comptes (jusqu’ici seules les SPA étaient obligées de recourir aux services de commissaires aux comptes). Cette mesure vise à améliorer la gestion et la comptabilité des entreprises mais surtout à lutter contre la fraude fiscale.
Autre mesure pour lutter contre l’opacité et un nouveau métier chez nous,  à savoir « la location de registres de commerce » (location supposée ou réelle) en établissant  une  solidarité automatique entre le titulaire du RC et le bénéficiaire de la procuration pour le paiement des impôts et taxes par la loi n° 04.08 du 14 août 2004 impliquant  l’application de la sanction, en cas de pratiques commerciales frauduleuses ou illicites, au titulaire du RC, au bénéficiaire de cette procuration et au notaire ou à toute personne ayant établi ladite procuration.
De plus,  la généralisation du numéro d’identification statistique et l’obligation de sa présentation pour toute opération de dédouanement  ont renforcé le contrôle à priori des activités, accompagné  de la création  du Fichier national des fraudeurs, mis en place en 1997 sur la base d’une instruction interministérielle pour avoir une meilleure visibilité sur les pratiques frauduleuses et leurs
auteurs.
La facturation n’a pas été oubliée puisque décision fut prise de  renforcer les sanctions pour infractions aux règles de facturation par la LFC 2006 (amendes variant de 50 000 DA à 1 million de DA et saisie de marchandises ou des véhicules de transport) ; les autres mesures concernaient la modification des dispositions de l’article 65 de la LF pour 2003 pour couvrir toutes les formes d’irrégularités constatées (fausses factures, factures fictives...), la sanction pour défaut de déclaration des stocks (institution d’une amende de
100 000 DA par défaut de dépôt des stocks dans le délai prescrit) et enfin la mise en place de brigades mixtes de contrôle (Impôts, Douanes et Commerce).
Il faut signaler la mise sur pied  d’une structure nationale chargée du contrôle : la Direction des Recherches et Vérifications, la  généralisation du contrôle des revenus dans le cadre des opérations de Vérifications Approfondies de la Situation Fiscale d’Ensemble (VASFE), la mise en place d’un comité interministériel de coordination des actions de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ; la prohibition de l’importation à l’état usagé de pièces détachées, parties et accessoires de véhicules et engins destinés à être commercialisées (LF 2007)  et enfin  l’obligation pour les commissionnaires en douanes d’être munis d’un mandat établi ou dûment signé par l’importateur ou l’exportateur concerné (LF 2007).
Toutes ces mesures et dispositions avaient pour objectif de juguler l’informel et l’emploi informel à tous les stades de l’activité économique et dans tous les secteurs en mobilisant toutes les institutions en charge de l’encadrement et du contrôle des marchés de biens et services dans le pays. La résorption de l’informel passe par la disparition du « principe cancérigène » pour notre économie qui veut que « l’occasion fait le  larron »  quand ce n’est pas le larron lui-même qui crée l’occasion  pour développer les pratiques informelles et frauduleuses préjudiciables à l’économie nationale.
L’enjeu et le défi pour l’avenir et pour  chacun des acteurs institutionnels et économiques  de notre pays est de mettre fin  à l’inflation  à travers un encadrement plus ferme mais plus favorable aux activités transparentes,  créatrices de richesses  et de flux physiques et financiers dont la traçabilité ne souffre d’aucun maillon « faible » ou « défaillant », afin de construire une économie de marché performante, génératrice de croissance. Tout est affaire de volonté et d’imagination.
                                                                      © YACINE OULD MOUSSA/EL MOUDJAHID

Source : Youghourta Bellache
L’économie informelle en Algérie, une approche par enquête auprès
des ménages- le cas de Bejaîa thèse de doctorat 2010 Université de Bejaïa