ENVIRONNEMENT – ENQUÊTES ET REPORTAGES – PARCS NATIONAUX – EL WATAN WEEK END/SALIM SADKI
Nos parcs nationaux manquent de vie
(C) Par Salim Sadki, El Watan Week end, vendredi 16 août 2013
Qu’ils soient anciens ou récents, grands ou petits, nos parcs animaliers ne jouissent pas toujours des meilleures conditions pour répondre à leur vocation originelle : celle de constituer un lieu de découvertes et de détente. Suivez El Watan Week-end pour une petite balade.
On dénombrait 19 parcs animaliers pour l’Algérie. Beaucoup ont disparu comme ceux de Batna, Béchar, du Centre national de recherches sur les zones arides (CRDZA) à Beni Abbès, de Beni Saf, de Bou Saâda, de Djelfa, de Djemaâ (Biskra) ou encore celui de Laghouat. N’existent aujourd’hui que ceux de Tlemcen, d’Oran, de Taza (Jijel), de Sétif, de Ghardaïa, de Braptia à El Kala (El Tarf) et à Alger celui de Ben Aknoun (PLZA) et celui du Hamma. Les parcs animaliers ouverts au public, car autrefois les souverains du Maghreb entretenaient pour leurs plaisir et loisirs leurs propres ménageries, sont apparus sous la colonisation française. C’était plus des collections vivantes d’une faune exotique. A l’exception du zoo du Hamma et celui du CRDZA, aucun n’a survécu à l’indépendance. Aujourd’hui, on en compte 8, dont la moitié privés, sont l’œuvre de la famille Hadj Aïssa de Ghardaïa. Les 4 autres sont publics, deux sont à Alger, le plus grand, celui de Ben Aknoun, a quelques vagues ressemblances avec les zoos d’ailleurs, et celui, plus petit, du Hamma. Ceux qui restent, les parcs de Taza à Jijel et de Braptia à El Kala, gérés tous deux par le PLZA, sont l’œuvre de Ahmed Maâbed, wali d’El Tarf après avoir été celui de Jijel.
Il y a 25 ans, il a fait ses classes à Braptia en qualité d’attaché de cabinet dans la réserve du cerf de Barbarie de Braptia, aujourd’hui engloutie sous le béton et l’asphalte du parc animalier éponyme. Les parcs algériens sont tous le fruit de l’improvisation. Ils sont de dimensions différentes. Les petits, ceux du privé, sont établis sur quelques centaines de mètres carrés, un avantage de taille pour leur gestion qui reste à la hauteur des moyens des gérants. Pour les plus vastes, il n’y a pas eu d’études préalables pour l’occupation de l’espace, sélectionner les groupes d’animaux et dimensionner les infrastructures avec des objectifs bien définis : ménageries, collections d’animaux à exposer, ou encore dans sa conception moderne comme centre de conservation de la biodiversité. Ce genre d’établissement est budgétivore. En Europe, des parcs zoologiques de renommée mondiale comme ceux d’Anvers (Belgique), de Vincennes (Paris, France), de Berlin, ont besoin, en plus des recettes de leurs millions de visiteurs, de subventions colossales de l’Etat, de la région et de la commune. Des associations et des laboratoires de recherche doivent aussi venir en aide pour prendre en charge des activités qui ne sont plus soutenues par les fonds publics.
Parc zoologique et des loisirs d’Alger (Ben Aknoun, Alger) :
Le PLZA a ouvert ses portes le 5 juillet 1982. Au forceps, les derniers animaux étaient arrivés la veille. Sa superficie est de 304 ha en plein centre urbain, ce qui fait dire à beaucoup qu’il a au moins le mérite d’avoir soustrait 400 ha à l’inexorable avancée du béton qui a submergé cette partie de la capitale. Il est divisé en deux zones : un zoo de 40 ha, un parc d’attractions de 50 ha et 200 ha de forêt où se trouvent aussi l’hôtel Mouflon d’or et l’hôtel Moncada.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur le PLZA, le plus grand des parcs animaliers du pays. Il tombe en ruine. Les équipements sont en panne ou hors d’usage et ils ne sont pas remplacés, mais les commerces et les lieux de restauration appartenant à des particuliers ont proliféré. Bien qu’un jeune hippopotame y soit né en 2012, l’état du parc zoo est considéré comme déplorable.
Autrefois l’une des destinations de visiteurs de toutes les régions du pays et d’étrangers, il n’est plus fréquenté que pour l’évasion momentanée qu’offrent aux Algérois stressés sa verdure et ses promenades le long des voies bitumées. Le docteur vétérinaire Abdelmoumen Boumaza, l’un des artisans du PLZA dans les années 1970/80, nous parle du commencement. «Au début, nous dit-il, c’était de l’improvisation. Les réalisations s’effectuaient sans étude, mais au fur et à mesure des suggestions.
Par exemple, lorsque dans le cadre de visites officielles, on offrait des animaux au ministre de l’époque, Ahmed Bencherif, on les ramenait au parc et on essayait de voir ce qu’on pouvait faire avec.» Il faudra attendre la signature d’une convention avec le zoo de Berlin qui encadre le PLZA pour donner au parc (qui deviendra alors PLZA), une assise, une organisation, des buts et une stratégie pour y parvenir. Puis vint la période de l’acquisition des animaux. Beaucoup de hauts cadres se frottaient les mains parce qu’ils croyaient qu’ils iraient en safari chasser les animaux en Afrique !
budgétivore
Cela a été très dur de leur faire admettre que les zoos se peuplent avec les surplus des autres zoos. A quelques mois de l’ouverture, les animaux n’étaient toujours pas là et les infrastructures qui devaient les recevoir à peine entamées. Dr Boumaza, qui effectuait son service national, a alors bénéficié d’une autorisation spéciale pour faire le tour des zoos d’Europe et rapporter ce qui pouvait l’être. Tout a finalement pu être prêt pour l’inauguration par le président Bendjedid.
Mais c’est aussi à partir de cette date que commença le déclin du PLZA qui n’aura connu que quelques heures de gloire. On savait ce genre d’établissement budgétivore, c’est pour cette raison qu’on y a implanté deux hôtels et un parc d’attractions, mais c’était très insuffisant devant les exigences d’une telle réalisation. Faites d’abris, d’enclos ou de cages adaptés, les animaux s’y battaient, ou alors il était impossible de les approcher pour les soigner et nettoyer leur cage.
Un jour, un lion s’est échappé e il a fallu faire appel à un tireur d’élite de la police pour l’abattre. Les animaliers n’avaient aucune formation et la clinique vétérinaire pas encore fonctionnelle. Puis vint la période des restrictions budgétaires dont le PLZA n’a jamais pu se relever.
Parc animalier de Taza (Jijel) :
Situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Jijel, au bord de la route vers Béjaïa, le parc animalier de Taza occupe 25 ha dans une forêt clairsemée joliment aménagée. Les enclos et les cages pour animaux sont disséminés par groupes entre des espaces verts soigneusement entretenus. Ouvert en 2006, il accueille une moyenne de 10 000 visiteurs par jour qui viennent voir les quelque 130 animaux appartenant à 47 espèces différentes.
Les plus en vue sont les éléphants, les lions, l’ours et une panthère noire, la dernière locataire arrivée sur les lieux. On y trouve quelques attractions pour enfants et des commerces bien tenus qui ont pris la précaution de rester discrets. C’est le «bébé» du précédent wali, Ahmed Maâbed, qui semble s’être spécialisé dans le genre, puisqu’il a fait de même avec la réserve de cerfs de Braptia à El Kala (El Tarf).
Parc zoologique du jardin Hamma (Alger) :
Le zoo du Hamma est l’attraction centrale du Jardin du Hamma. C’est un jardin zoologique d’un hectare à l’ancienne mode des ménageries. Il a rouvert ses portes en 2009, après deux années de travaux onéreux mais qui ont considérablement amélioré le confort des animaux. A son ouverture en 1900, il a été le premier zoo d’Afrique du Nord et ses premiers pensionnaires étaient des autruches, des singes, des dromadaires et des sangliers.
Vers 1930, on a construit la cascade et les bassins cimentés pouvant accueillir des oiseaux d’eau comme les pélicans, les cygnes, les flamants roses et les canards mandarin. On y trouvait encore deux alligators et des fauves avec les lions, les panthères et l’ours. A l’indépendance, des pays amis comme la Corée, la Tchécoslovaquie et le Congo ont enrichi la collection zoologique par des dons de différentes espèces animales.
Depuis, il s’est étoffé d’une multitude d’animaux exotiques avec des vedettes comme le tigre du Bengale. Avant lui, il y avait Hector, un condor des Andes déjà pensionnaire en 1942 et qui est mort il y a tout juste 3 ans, le 26 juillet 2010. Selon le docteur Samia Assous, l’état des animaux est satisfaisant, car il bénéficie de tous les égards. Leurs enclos, les cages et les bassins sont nettoyés tous les jours par une équipe d’animaliers composée de 14 agents.
Les rations alimentaires sont pesées pour chaque animal et affichées au niveau de la cuisine du zoo. Chaque animal a un régime alimentaire qui lui est adapté. Un budget important est consacré à l’alimentation des animaux. Les soins sont apportés par une clinique vétérinaire suffisamment équipée pour les traitements de tous les hôtes du parc zoologique.
Parc animalier d’El Atteuf (Ghardaïa) :
Le 8 mars 2013, le docteur Mahfoud Hadj Aïssa procédait, à El Atteuf (Ghardaïa), en présence de l’ambassadrice de Hongrie et de 400 personnes, à la l’inauguration d’un nouveau parc animalier de 2000 m2 face à celui que son père, le défunt El Hadj Aïssa, a créé à la fin des années 1970. Le parc compte une trentaine d’espèces achetées ou échangées, dont le tigre du Bengale, le crocodile du Nil, le singe magot à côté de nombreuses espèces d’oiseaux et de reptiles.
Le petit zoo accueille jusqu’à une heure tardive 1000 personnes par jour ; même les femmes mozabites s’y rendent accompagnées de leurs enfants. Dans la famille Hadj Aïssa, le père avait été chasseur de vipères pour le compte de l’Institut Pasteur, puis à sa mort, ses enfants ont créé les parcs animaliers de Djelfa, de Sétif, de Tlemcen et d’Oran et bientôt celui d’Oum El Bouaghi. «Celui qui vient d’être ouvert à El Atteuf est une succursale de celui d’Oran», a déclaré Mahfoud Hadj Aïssa.
Les petites ménageries de la famille Hadj Aïssa sont, de l’avis de beaucoup de gens, très bien tenues et les animaux en parfait état. Chez les Hadj Aïssa, la stratégie de gestion est différente de celle des parcs «publics». Le choix d’un nouveau pensionnaire est mûrement réfléchi, pesé et calculé au centime près. Il doit pouvoir bénéficier des meilleures conditions de captivité, d’hygiène, de nourriture et de soins. Les propriétaires veillent également à un renouvellement constant de leurs animaux en effectuant des échanges avec les naissances qu’ils obtiennent et les achats qu’ils peuvent se permettre.
Parc animalier de Braptia (El Kala, El Tarf) :
Il attire les foules. Ça vient de partout, de tout l’Est algérien. Les voitures stationnent jusqu’à un kilomètre de ses portes, viennent et reviennent voir les animaux, les lions, l’ours, le crocodile, les singes et puis tous les autres qu’il serait long de nommer. En fait, on ne sait plus très bien combien il y en a depuis que les cerfs ont disparu. On ne sait pas non plus quelle est sa superficie et quelles sont ses limites, tant elles changent au gré des lubies des décideurs.
En fait, c’est une réalisation qui fait certes le bonheur et la joie des familles et des enfants, mais qui est, comme tous les parcs animaliers d’Algérie, le fruit de l’improvisation et du bricolage. Rien à voir avec le but fixé aujourd’hui aux parcs zoologiques dans le monde : la conservation de la biodiversité. C’est tout juste le contraire à Braptia. Le parc animalier actuel a été réalisé sur les ruines d’un plus petit adjacent à une réserve de 400 ha pour le cerf de Barbarie.
Cette espèce en voie de disparition avait bénéficié en 1985 du seul et unique programme de conservation du Parc national d’El Kala au profit d’une espèce donnée. Ce programme a permis d’obtenir une centaine d’individus qui, ensuite, ont été relâchés dans leur aire de répartition, et ce n’est pas rien si l’on sait que les effectifs actuels ne dépassent pas la cinquantaine de cerfs. Dans l’un des enclos de cerfs qui ne sont plus là, il y a des ânes, plusieurs dizaines. C’est, nous a-t-on expliqué, le garde-manger des lions. Comme on n’a pas les moyens de nourrir les fauves, on leur donne à manger les ânes pris aux contrebandiers.
Et quand il n’y aura plus de contrebande et d’ânes ? Le parc animalier de Braptia, géré aussi par le PLZA (Ben Aknoun), est aussi le bébé de l’actuel wali d’El Tarf qui vient de Jijel où il s’est aussi distingué avec le parc animalier de Taza. Pour la petite histoire, sachez qu’il y a fait ses armes en qualité d’attaché de cabinet dans l’ancien petit parc de Braptia il y a de cela un quart de siècle.
Salim Sadki/ El Watan Week end