ENERGIE – ETUDES ET ANALYSES – BARIL DE PETROLE – EVOLUTION DES PRIX- CHATHAM HOUSE/PAUL STEVENS
Le moral n’est plus au beau fixe chez les pays exportateurs de pétrole. Ces derniers veulent croire que la situation conjoncturelle dans laquelle s’est empêtré le marché pétrolier va s’améliorer. Après une décennie de pétrole cher, les prévisions les plus optimistes ne tablent plus sur la même embellie.
L’Arabie saoudite, chef de file des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l’Etat qui s’en sort le mieux de l’onde de choc provoquée par l’arrivée du pétrole de schiste US sur le marché, ainsi que de la mauvaise conjoncture économique, affiche ses pires appréhensions quant à l’évolution du marché pétrolier. Le prince saoudien Al-Walid Ben Talal a averti que la demande mondiale sur le brut était « en baisse continue », ce qui risque d’avoir un impact négatif sur l’économie du royaume. Jamais les plus hautes autorités du royaume n’étaient aussi manifestement pessimistes quant à l’avenir du marché pétrolier. Depuis toujours, l’Arabie saoudite tentait, parfois seule, de chasser les thèses pessimistes que développent certains autres membres au niveau de l’Opep et se met, seule contre tous, à l’opposé de ces thèses.
Ces thèses pessimistes sont remises au goût du jour par le professeur Paul Stevens du Chatham House (Institut royal des affaires internationales) qui s’est employé à faire un comparatif entre la crise pétrolière des années 1980 et les signaux de dépression qui profilent aujourd’hui sur le marché pétrolier. En effet, dans une analyse postée sur The Financial times, cet influent expert prévoit ( Juillet 2013) un choc pétrolier dans les années à venir semblable au choc des années 1980. D’après cet expert, très au fait de l’évolution des marchés pétroliers, la production du pétrole par les pays hors Opep devrait connaître des niveaux élevés, ce qui contribuera à la chute des prix, tandis que les nouvelles technologies introduites dans l’industrie du gaz et du pétrole de schiste changeront de fond en comble la structure des marchés. La force de l’Opep s’amoindrirait alors sous l’effet de la combinaison de ces différents facteurs. L’Opep, qui contrôlait la moitié du marché mondial du pétrole en 1973-1974, un quart en 1985, verra ses parts de marché se rétrécir davantage en peau de chagrin dans les années à venir, prévient l’analyste du Chatham House. L’Opep tente désespérément, d’après lui, de défendre un objectif de cours irréaliste autour de 100 dollars le baril à terme.
Aujourd’hui, soutient Paul Stevens, la situation est semblable à celle précédant le choc pétrolier des années 1980. Pour étayer ses thèses, l’expert met en avant le fait que la demande mondiale de pétrole soit anémique, tandis que la concurrence s’annonce de plus en plus accrue entre traditionnels et nouveaux fournisseurs du marché. La baisse des recettes pétrolières de certains pays exportateurs mènera à des bouleversements politiques. Suivant l’argumentaire du même analyste, les prix resteront plus volatils, voire même probablement inférieurs aux prévisions. Le pétrole de schiste conduirait à une forte croissance des volumes provenant de l’Amérique du Nord. La consommation, elle, va continuer à croître, même si les prix baissent de manière significative. Le plus grand contraste avec les années 1980 est que la demande mondiale de pétrole continuera d’augmenter, tirée par les « tigres asiatiques ». Si l’Opep dispose donc encore d’une petite marge de manœuvre pour défendre des prix à 100 dollars le baril en ajustant la production, les budgets consacrés aux plans gouvernementaux de développement risquent de s’avérer insoutenables. Le même expert prévoit une chute drastique des cours de pétrole dans les années à venir pour s’établir au seuil dangereux de 60 dollars le baril. Lequel seuil ne pourra, dans une bonne partie des pays membres de l’Opep, être rentable pour le soutien des dépenses.
C’est le cas de l’Algérie d’ailleurs qui, d’après les calculs du Fonds monétaire international (FMI), la rentabilité du prix du baril de pétrole pour l’économie algérienne est estimée à 122 dollars.
Note : Par ailleurs, l’APICORP (Arab Petroleum Investments Corp) vient d’estimer la rentabilité du prix du baril de pétrole à 123 dollars pour le soutien des dépenses publiques de l’Algérie (Qatar : 58, Iran : 144) Et, l’ Algérie arrive au deuxième rang des pays les plus dépensiers parmi les membres de l’OPEP