ENERGIE – EUDES ET ANALYSES – SONATRACH- BILAN 2011- NOUREDDINE LEGHELIEL/L'EXPRESSION
LE GROUPE VIENT DE PUBLIER SON BILAN FINANCIER
Les chiffres que Sonatrach nous a cachés
Par Noureddine LEGHELIEL (analyste boursier auprès de la banque suédoise Carnegie) – in L’Expression ©, mercredi 27 Fevrier 2013
Il y a quelques jours, la Sonatrach publiait enfin son rapport financier de l'année 2011, ce qui devait se faire au plus tard le 31 mars 2012 si Sonatrach respectait les normes internationales.
En lisant ce fameux rapport, tant attendu, on a eu la désagréable surprise de découvrir que celui-ci n´est certifié par personne. En tous les cas, le nom du commissaire aux comptes chargé de contrôler et de certifier ce rapport ne figure pas sur le document. Pour les observateurs il s'agit là d'un manque de sérieux de la part de ce groupe.
Dans ce chapitre, il convient de rappeler que le 22 novembre 2011, on a publié sur ces mêmes colonnes, un article intitulé «La face cachée de Sonatrach» où j´avais, en toute objectivité, apporté quelques critiques envers la politique d´investissement de Sonatrach. Avec des chiffres à l'appui je m´étais même posé la question: «A quoi servent les investissements de Sonatrach?».
Des questionnements légitimes et justes puisque tous les scandales qui ternissent aujourd´hui l´image de ce groupe trouvent leur source dans cette désastreuse politique d´investissement. Des investissements sans rentabilité menés de 2006 à 2010 par les anciens dirigeants de Sonatrach et suivis et même développés bien plus tard.
Citons un exemple pour mieux voir ces défaillances afin de comprendre le sens propre de la mauvaise gestion du capital chez Sonatrach.
En 2005, la situation financière du groupe se présentait comme suit: un chiffre d´affaires de 3 536 milliards DA et un prix du baril moyen de 54 dollars, des fonds propres de l´ordre de 1 881 milliards DA, un actif total de 3 158 milliards de DA, avec 1 dollar valant 67 DA et un investissement de 6,4 milliards de dollars. Avec cette situation, Sonatrach a réussi à engranger un bénéfice net de l'ordre de 576 milliards de DA.
12,4 milliards de dollars investis
En 2011, avec un chiffre d´affaires de 5500 milliards DA, un prix du baril moyen de 112 dollars, avec un actif total de 7442 milliards de DA et un cours de change 1 dollar pour 72 dinars et un investissement de 12,4 milliards de dollars, Sonatrach n´a réussi à avoir un bénéfice net que de 688 milliards DA!
Mais vous allez dire qu'en 2005 Sonatrach était dirigée par Mohamed Méziane et le ministre de l'Energie s'appelait Chakib Khelil. Ce qui est vrai et ce sont ces hommes qui ont fait le bonheur de Sonatrach de 2002 á 2005.
Ce fait est reconnu par les milieux pétroliers internationaux puisque Sonatrach était la dixième compagnie pétrolière au monde. Son malheur a commencé de 2006 à 2010. Ce sont les chiffres des performances et des sous-perfor-mances de la compagnie qui le prouvent.
Remarquez que de 2005 à 2011 les résultats nets du groupe fluctuaient entre 550 et 700 milliards de DA avec une exception en 2009 où le bénéfice net avait chuté à 345 milliards DA.
L'actuel P-DG de l'entreprise, Abdelhamid Zerguine, essaye, avec des discours à la Démosthène qui, malheureusement, sont rattrapés par la réalité sur le terrain et se transforment en une des chansons de Dalida (Paroles, paroles... paroles).
La compagnie de M.Zerguine a investi 12,4 milliards de dollars en 2011. 40% de cet investissement ont été faits en amont ce qui est bien.
Le groupe a réussi le forage de 161 puits de pétrole mais la question qui se pose est: «Où est la rentabilité de ces 12,4 milliards de dollars investis et où est l´impact de ces investissements sur le résultat net de 2011?» Sachant que la hausse du chiffre d´affaires et du résultat opérationnel de Sonatrach de 2011 dépendait uniquement de la hausse du prix du baril de l´année 2011.
Où sont passés tous ces investissements colossaux des années 2008, 2009, 2010 et 2011 d´un montant avoisinant les 40 milliards de dollars? Est-ce que ces investissements ont aidé la Sonatrach à augmenter sa production de pétrole ou de gaz.
Quel a été l'impact de ces investissements quant à l'expansion de Sonatrach à l´étranger? Rien ne filtre de ce côté, bien au contraire, d´après le rapport de Jodi, la production de pétrole en Algérie a baissé de 5,5% en 2012.
Dans l´affaire Sonatrach - Gas Natural Fenosa, la presse algérienne qui se référait aux déclarations des dirigeants de Sonatrach, nous a informés que l'entreprise algérienne est sortie vainqueur de ce litige qui l´oppose á la firme espagnole.
Seulement voilà, on découvre dans les comptes des résultats du rapport financier de 2011 (la note 8) dans le poste des charges opérationnelles le montant de 88 milliards de DA (l´équivalent de 1,2 milliard de dollars) que Sonatrach devrait payer à Gas Natural Fenosa! Oui! 1,2 milliards de dollars à payer. Aucun responsable de ce groupe n'a expliqué aux Algériens à quoi correspond cette somme à payer.
124 millions d'euros s'évaporent
Dans la partie du bilan non courant de 2011 (la note 12), on lit dans le poste des équipements fixes et complets de production le montant de 1 236 milliards de DA.
Or, en 2005 le montant des équipements était déjà de 908 milliards de DA.
Ce qui est bizarre c'est que malgré tous ces investissements colossaux durant la période 2005-2011, Sonatrach n´a pas vraiment investi dans un domaine aussi stratégique qui est celui des équipements de production.
Dans la partie des titres de participations, la première remarque est que Sonatrach refuse de publier le montant de sa prise de participation dans le capital de Energias Do Portugal, pourtant, elle le faisait chaque année auparavant.
On va tenter de le faire: le titre boursier de la firme portugaise valait 2,38 euros le 31décembre 2011, la Sonatrach avait acheté ces titres au printemps de l´année 2007 à raison de 4 euros le titre (c´était un pic historique du cours de l´action) et elle détient plus de 88 millions d´actions. Ce qui signifie que le groupe pétrolier algérien a perdu la bagatelle de 124 millions d´euros dans cette affaire datant du 31 décembre 2011!
Dans la partie réservée aux charges du personnel (la note 5), économiquement parlant, les charges du personnel de Sonatrach ne représentent pas une tare pour ses résultats et par conséquent une réduction ou un licenciement même partiel du personnel ne serait pas légitime car les charges du personnel ne représentent que 2,8% de la valeur ajoutée et 2,3% du chiffre d´affaires de Sonatrach, les ratios sont vraiment faibles. Il y a bien une face cachée dans les chiffres de ce grand groupe. Dans la partie du bilan courant, on constate visiblement une faiblesse incompréhensible des immobilisations corporelles par rapport à l'actif total (le ratio immobilisations nettes/ actif total), quant à la valeur des immobilisations en cours inscrite dans le poste du bilan (note 12), cette valeur est toujours en progression, c'est tout à fait normal, mais on aimerait bien connaître avec précision la valeur des immobilisations déjà réalisées car si l'on se réfère à la valeur des immobilisations corporelles actuelle qui est inscrite sur la partie du bilan, c'est vraiment faible.