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France/Algérie- Liens- El Watan Week end

Date de création: 06-01-2013 17:45
Dernière mise à jour: 07-01-2013 19:38
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HISTOIRE – ENQUETES ET REPORTAGES - FRANCE/ALGERIE- LIENS- EL WATAN WEEK END 

(Article El Watan week end, 14 décembre 212, Zoheir Ait Mouhoub, extraits)

Quatre thèmes forts pour tenter d’esquisser l’état des  liens, des désamours et de l’avenir d’une  relation bien spécifique.

Les pensions de retraite

« ….ils sont 443 121 retraités algériens à bénéficier chaque année d’une pension de la Caisse nationale d’assurance vieillesse française (CNAV). Et la Cour des comptes française recense… quelque 539 centenaires bénéficiaires d’une retraite française. «Une proportion étrange», selon Rolande Ruellan, présidente de la VIe Chambre de la Cour des comptes. Le montant perçu par les Algériens avoisinerait ainsi 1 milliard d’euros. Les soupçons de la Cour des comptes française quant à l’existence de ces personnes ne sont pas fortuits, un trafic existe bel et bien.

A Tizi Ouzou ou dans plusieurs autres villes algériennes, un business des «pensions francaises» permet à de nombreux Algériens de s’enrichir. Des «agents» proposent leurs services aux personnes âgées pour leur permettre de percevoir une retraite de France, moyennant une commission  (……………………. .).  Pire : des ayants droit ou des proches de ces «retraités» continuent de percevoir de l’argent français bien qu’ils soient décédés depuis des années.

Pour comprendre la combine, Mourad, le fils d’une veuve décédée il y a cinq ans, raconte : «Chaque année, la CNAV nous envoie un formulaire à remplir et à signer à la mairie. Il s’agit d’un certificat de vie. Une fois reçu, je le remplis et grâce à la complicité d’un agent de mairie en Algérie, j’appose la signature et je le renvoie», révèle-t-il. Pour toucher l’argent par la suite, rien de plus simple : «Lors de l’ouverture du compte bancaire de l’ayant droit, vous devez établir une double procuration, une chez le notaire et l’autre à la banque, pour pouvoir gérer le compte sans la présence du détenteur», confie notre source. Ainsi, Mourad continue à bénéficier des 147 euros versés chaque mois sur le compte de la retraitée sans peine et sans être dérangé.

L’arnaque marche, bien que la rémunération soit dérisoire : ils sont des milliers à toucher ce pactole chaque année. Pour eux «il ne s’agit pas d’une arnaque, c’est notre dû, nos parents ont travaillé durement dans les mines et les usines françaises durant la guerre de Libération, c’est grâce à eux, en partie, que la France est une puissance économique. La France ne fait que rembourser, indirectement, sa dette envers les Algériens», se défend l’un des bénéficiaires. Les autorités françaises tentent de convaincre leurs homologues algériens de la nécessité de créer des mécanismes de contrôle pour parer à ses arnaques, notamment par la signature de conventions avec les différences institutions algériennes chargées de la question des retraites et des pensions versées par les différentes caisses françaises. 

L’ immigration convoitée

Les Algériens de France, estimés à plus de 3 millions de personnes, représentent l’une des plus importantes populations immigrées de l’Hexagone. Une communauté qui n’a pas pu s’ériger en une force ou former un lobby politique ou économique. L’Algérie n’investit que peu, pour ne pas dire pas du tout, en France pour le bien de sa communauté, mis à part la délivrance de passeports et de carte d’identité et autres services consulaires. Nos chancelleries n’ont pas su réactiver l’Amicale des Algériens en France, ni constitué un réseau d’associations de défense des intérêts des Algériens. Djamel Ould Abbès, ex-ministre de la Solidarité nationale et de la Communauté nationale établie à l’étranger, avait annoncé en 2009 que le gouvernement était disposé à ouvrir «prochainement» des succursales de banques publiques à l’étranger afin d’accompagner les investisseurs et les jeunes entrepreneurs algériens établis à l’étranger désirant investir dans leur pays d’origine.

Cette annonce a été faite lors de l’inauguration de l’atelier de rencontres regroupant vingt chefs d’entreprise issus de la diaspora algérienne résidant en France ainsi que les principaux acteurs de l’investissement en Algérie. Depuis, rien n’a été fait et même l’Ansej et l’Andi n’ont pu réussir à inciter les Algériens, que ce soit ceux issus de l’immigration, notamment en France, ou établis à l’étranger, à revenir au pays et lancer des entreprises. Chose que d’autres pays, qui avaient bien compris, se montrent prêts à prendre le relais. Le Qatar, ce petit Etat richissime du Golfe, vient de lancer en France un fonds d’investissement à destination des banlieues françaises doté de 600 millions d’euros (………)

Les anciens combattants

Toujours s’agissant des retraites et autres pensions, ils sont aujourd’hui quelque 52 000 anciens combattants algériens de la Seconde Guerre Mondiale à toucher les pensions militaires d’invalidité. 7000 sont des veuves. Pour rappel, le montant des retraites a été quadruplé suite aux mesures de revalorisations adoptées par le Parlement français en 2007 et en décembre 2010. Ils perçoivent 665 euros par mois. Ces anciens combattants et leurs ayants droit profitent aussi de soins et d’une assistance médicale renforcés récemment après la signature d’une convention avec l’Office algérien de l’appareillage de personnes handicapées. Quelque 350 personnes sont concernées. Le montant des pensions militaires atteint les 70 millions d’euros.

Le satut de la langue française (par Adlène Meddi)

«Butin de guerre», «idiome élitiste» ou «troisième langue nationale» ? Cinquante ans après l’indépendance, le statut de la langue française a épousé les grands bouleversements de la société algérienne.

Langue de conflit idéologique des années 1970-1980, le français n’est plus considéré «ni comme la langue du colonisateur ni comme une langue étrangère», selon l’écrivain de langue arabe, Bachir Mefti. «Le français fait partie intégrante de notre vie sociale quotidienne. Il se mélange parfaitement à l’arabe parlé, est présent partout, dans la rue et dans la bouche de nos officiels», ajoute l’un des jeunes auteurs arabophones algériens les plus lus du moment. En chiffres, l’enquête menée par le Centre national d’études et d’analyse pour la planification (CNEAP) démontre que, au niveau des enseignants, toutes disciplines confondues, la langue française recueille 53,33% des préférences par rapport à l’anglais qui n’en recueille que 40%.

Selon la même étude, les étudiants ont exprimé la même préférence avec l’indice de 85,22% contre 14,88%. Les résultats de la première enquête (CNEAP) montrent que «la langue française est de loin la mieux maîtrisée par les interrogés qui répondent qu’ils la maîtrisent très bien pour 44,21% d’entre eux et bien pour 28, 84% d’entre eux, ce qui représente en tous 73,05% des opinions sur les 1314 exprimées». Et d’après les chiffres de l’Organisation internationale de la francophonie, dont l’Algérie n’est que membre observateur, «le nombre de personnes, âgées de cinq ans et plus déclarant savoir lire et écrire le français, est de 11,2 millions, soit 33% (un tiers) des 34,4 millions d’Algériens» (chiffres de l’ONS en 2008).

Au-delà des chiffres, de la dynamique des médias ou de l’édition en français et de la présence de la langue dans l’enseignement et l’université, il reste que la langue française tient aussi sa place en Algérie du fait de sa propre mutation vers un statut moins marqué idéologiquement. «Il y a une dizaine d’années ou plus, mes étudiants hésitaient à se documenter en français, ils étaient encore dans cette vision de la “langue du colonialisme’’, note la linguiste Khaoula Taleb Ibrahimi de l’université d’Alger, mais ces dernières années, j’ai perçu un changement d’attitude. Parce que cette jeune génération est dans un rapport au monde, dont la France fait partie.». Aux yeux de la spécialiste «il y a une sorte de normalisation de ce rapport au français, nous ne sommes plus dans cette ambivalence, dans ce déchirement entre la langue du colon et la langue qui porte la modernité».

Depuis longtemps, les deux langues sont restées prisonnières de ce schéma. «L’arabe est ainsi “rétrograde’’, “réactionnaire’’, alors que le français reste “la langue de la modernité’’, regrette l’auteur Bachir Mefti. Mais le vrai problème qu’on essaie d’éviter, c’est qu’on n’a pas introduit la langue arabe dans la modernité, dans sa propre modernité.» Dans une récente étude sur la transition en Algérie, le sociologue Nacer Djabi souligne que «depuis au moins les années 1990, avec tout ce traumatisme qu’ont engendré les violences, le débat s’est rationalisé loin des joutes idéologiques.

Les bouleversements qu’a connus la société algérienne face à la mondialisation économique et aux enjeux de la distribution de la rente pétrolière depuis le début des années 2000 a déplacé les lignes de front.» Le statut officiel de «langue étrangère» reste une fiction vu l’étendue de ses champs sociaux en Algérie. Et même les quelques tentatives d’infuser la langue anglaise dans les premiers cycles de l’enseignement n’ont pas entamé sa prééminence. Il ne faut pas, conseille un spécialiste, appréhender cette question en termes de hiérarchie des langues : l’arabe et tamazight ont déjà leur propre place dans notre culture et notre quotidien, comme marqueur civilisationnel.

Or, «la vraie problématique aujourd’hui se résume à la reconnaissance enfin officielle du Maghreb comme carrefour multilinguistique. Les entités politiques maghrébines, depuis le Moyen-Âge, n’ont jamais été aussi stables et puissantes que lorsqu’elles ont accepté cette diversité, cette richesse entre l’arabe, le latin, l’hébreu, le tamazight et les langues du sud de l’Europe», assène un ancien membre de la commission de réforme de l’éducation.