HISTOIRE - ENQUETES ET REPORTAGES - FRANCE- ANCIENS COMBATTANTS ALGERIENS- DNA
C’est un aspect méconnu de la présence française en Algérie. L’Office français des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC) a délivré 55 300 cartes d’ « ancien combattant » à des résidents algériens au cours des 15 dernières années, selon les chiffres obtenus par DNA auprès de cet office. Cette carte ouvre notamment droit à une pension annuelle de 667,68 euros versée aux bénéficiaires directement en Algérie.
La question est méconnue, voire même un tabou en Algérie. Entre 1997 et 2012, l’Office national des anciens combattants a délivré 55 300 cartes d’ « ancien combattant » à des Algériens ayant combattu dans les rangs de l’armée française.
Ce chiffre concerne ceux qui ont participé à la seconde guerre mondiale (1939-1945), à la guerre en Indochine ainsi qu’à la guerre d’Algérie entre le 31 octobre 1954 et le juillet 1962.
55 300 bénéficiaires depuis au moins 1997
« Nous n’avons pas les chiffres précis concernant ces Algériens qui ont combattu dans l’armée française durant la guerre d’Algérie, affirme à DNA Anita Roth directrice des missions à l’ONAC. Tout de même, une bonne partie de ces 55 300 bénéficiaires ont été enrôlés au cours de la seconde guerre mondiale. »
Selon diverses estimations quelques 172 800 Algériens ont été enrôlés dans l’armée française durant la seconde guerre mondiale dont 125 000 hommes ont participé à des batailles en Europe. Certains de ces combattants ont également pris part à la guerre d’Indochine entre 1946 et 1954.
Une fois démobilisés, certains ont choisi de combattre au sein du FLN (Front de libération nationale), d'autres ont opté pour l'armée française de leur plein gré ou de force. Et ce sont donc ces survivants de ces trois guerres qui réclament une carte d'anciens combattants.
Les bénéficiaires de ces cartes sont tous de nationalité algérienne ayant participé à la guerre soit en Algérie, soit au Maroc ou en Tunisie, précise Mme Roth. Parmi eux figurent des appelés ou rappelés, des engagés et des supplétifs, ces harkis qui ont choisi de prendre les armes contre le FLN.
La carte du combattant, accordée aux combattants en Afrique du Nord, a été instituée par la loi 74-1044 du 9 décembre 1974, puis ses dispositions ont été modifiées au cours des 4 dernières décennies, notamment en 2004.
Elle est aujourd’hui délivrée aux combattants âgés de plus de 65 ans révolus et qui ont servi dans les troupes françaises durant 4 mois, soit exactement 120 jours.
Accordée sous des critères précis, elle ouvre droit à une pension annuelle de 667, 68 euros, allouée deux fois par an et n’est pas transmissible aux ayants droits.
En Algérie, cette pension est versée directement au bénéficiaire par l’antenne de l’ONAC à Alger dès lors que le dossier du demandeur est accepté. Une fois liquidée en France par l’office, l’allocation est attribuée à ces anciens combattants en cash, via le réseau du trésor algérien en vertu d’une convention franco-algérienne.
En France le montant de la retraite est considéré plutôt dérisoire, en revanche il permet aux titulaires algériens de subsister ou d’améliorer l’ordinaire tant il atteint presque 70 000 dinars par an, voire 100 000 dinars si la retraite est échangée au marché parallèle comme c’est souvent le cas.
Dans un pays où le salaire minimum est plafonné à 18000 dinars ( environ 180 euros), où le pouvoir d'achat s'est substantiellement érodé, cette pension constitue un vrai complément pour les foyers.
Si le chiffre de 55 300 titulaires peut à priori paraitre négligeable, l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne continue pas moins de recevoir chaque année des milliers de demandes émanant de résidents algériens.
« Pour l’année 2010, nous avons reçu 15 500 demandes, 11 200 en 2011 et 5700 pour l’année en cours », avance Anita Roth. Et toutes ne sont pas satisfaites dans la mesure où elles ne remplissent pas les conditions requises.
Au cours des trois dernières années, l’ONAC a ainsi délivré 16 800 cartes d’anciens combattants et les demandes s’accumulent sur les bureaux à Alger. Pour faire face à cet afflux, l’office a donc dû recruter 9 vacataires pour accélérer le traitement des dossiers.
Bien sûr, en Algérie, cette question reste un sujet tabou, comme le rappelle Jean-Dominique Merchet, journaliste à Marianne, qui a révélé en premier l’existence de cartes d’anciens combattants délivrés aux Algériens.
Tabou dans le sens où les titulaires de ces cartes, anciens combattants qui ont participé dans les rangs de l'armée française durant la guerre d'Algérie, sont considérés comme des traitres à la nation pour avoir choisi la France plutôt que la mère-patrie.
Quand bien ces anciens algériens de l’armée française sont aujourd’hui aussi discrets que peu nombreux.
Site DNA, wwww.dna-algerie.com , vendredi, 14 Décembre 2012, Mehdi Benslimane et Farid Alilat