ECONOMIE - ETUDES ET ANALYSES - FMI - ABDELMADJID BOUZIDI
LE FMI :
«Votre situation financière est bonne, votre croissance économique est molle»
Par Abdelmadjid Bouzidi ( Décodages: Le Soir d’Algérie , 14 novembre 2012)
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Nous le savions déjà : la situation financière de l’Algérie est bonne et sa position extérieure lui procure une appréciable marge de manœuvre, c’est ce que vient de confirmer encore cette année la mission effectuée par le FMI dans notre pays et qui a duré du 29 octobre au 11 novembre 2012. Cette mission d’évaluation a lieu dans le cadre des statuts du FMI et plus précisément de l’article IV de ces statuts. Nous savons que cela fait plus de sept ans que la situation financière de l’Algérie est bonne. Les réserves de change accumulées couvrent près de 40 mois d’importations, la dette extérieure est très faible, la dette publique interne est largement soutenable, les finances publiques sont saines avec un fonds de régulation de recettes (FRR) qui atteint près de 5 500 milliards de dinars. Il est clair que l’amélioration des recettes d’exportation des hydrocarbures grâce à un marché pétrolier favorable a grandement contribué à une telle embellie financière. Mais il n’y a pas que cela. Disposer de ressources financières est une chose, savoir les gérer et préserver les équilibres financiers internes et externes en est une autre…
Une économie désendettée
Après avoir été toute proche d’une situation de faillite, l’économie algérienne est aujourd’hui une économie désendettée. Rappelons-nous en 1994, durant le premier trimestre, le service de la dette, c’est-à-dire le paiement du principal et des intérêts dus par l’Algérie à ses créanciers était de 100%. Ceci signifie que l’Algérie devait consacrer l’intégralité de ses recettes d’exportation à ses créanciers pour le paiement de sa dette. Cette situation a conduit le pays à demander le rééchelonnement de sa dette extérieure après un accord signé avec le FMI qui imposait une réduction des dépenses publiques, un blocage des salaires, une réduction des subventions aux produits de première nécessité et une libéralisation des prix, une forte dévaluation du dinar. Les Algériens s’en rappellent bien ! Tout cela, dans un contexte de crise sécuritaire sans précédent. L’Algérie a ainsi rééchelonné 16 milliards de dollars à rembourser sur une période de près de 11 ans, sur une dette extérieure totale de plus de 30 milliards de dollars. Le pays a pu sortir ainsi du «piège de la dette» dans lequel il s'était enfermé et qui l’amenait à s’endetter pour rembourser la dette : les crédits mobilisés servaient non pas à financer le développement économique mais à rembourser la dette. En 2004, l’Algérie, grâce à des recettes d’exportations d’hydrocarbures en augmentation, a décodé de rembourser sa dette extérieure par anticipation et régler ainsi trois problèmes :
1/- diminuer le fardeau des intérêts payés aux créanciers ;
2/- assainir la situation financière vis-à-vis de l’étranger en faveur des générations futures ;
3/- augmenter la marge de manœuvre pour la politique économique nationale.
Ainsi, depuis 2004, ont été remboursés plus de 16 milliards de dollars : auprès du Club de Paris (dette publique) et du Club de Londres (dette privée), 8,5 milliards de dollars ont été remboursés auprès de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et des autres institutions financières internationales : 3,1 milliards de dollars. Auprès de la Russie 4,70 milliards de dollars de dette ont été annulés en contrepartie d’achat de matériel militaire. Ainsi, la dette extérieure de l’Algérie a évolué comme suit :
Evolution de la dette extérieure
(en milliards de dollars)
1999:28,14 / 2003: 23 / 2004: 21,8 / 2005: 16,5 / 2006: 5 / 2007: 4,9 / 2008: 4,3 / 2009: 3,9 / 2001: 4
En 2009, le service de la dette, c’est-à-dire la part des recettes d’exportations consacrée au remboursement de la dette extérieure (principal et intérêts) n’est que de 2% contre 39% en 1999, 9,5% en 2005 et 2,3% en 2007. Comme on peut le constater, l’économie algérienne n’est plus aujourd’hui une économie endettée. L’Etat algérien a-t-il eu raison de rembourser sa dette par anticipation ? Même si on n’en était pas convaincu au moment où la décision fut prise, la crise financière internationale lui a donné raison et lui a permis d’éviter d’avoir à recourir au marché financier international devenu très coûteux et d’économiser plus de 4 milliards de dollars de paiement d’intérêt si la dette était restée au même niveau. Enfin, il faut ajouter qu’aujourd’hui, l’Algérie a une qualité de signature rétablie sur les marchés financiers internationaux et la note que lui attribuent les agences de notation des risques est bonne. Bien évidemment, ces remboursements par anticipation ont été rendus possibles grâce à une amélioration sans précédent des recettes d’exportations d’hydrocarbures qui ont permis à l’Algérie d’accumuler des réserves de change très importantes estimées à quelque 188 milliards de dollars à la fin de l’année 2011 (y compris les avoirs en droit de tirage spéciaux (DTS) auprès du FMI). Hors DTS, les réserves de change sont évaluées à 187,22 milliards de dollars à fin 2011.
Des réserves de change appréciables
Les réserves de change d’un pays remplissent trois fonctions essentielles :
1/ Garantir la valeur de la monnaie nationale
2/ Financer les importations
3/ Préserver la position financière extérieure du pays.
Ceux qui dans notre pays revendiquent l’utilisation des réserves de change pour financer les investissements et le développement économique font une erreur sur la compréhension qu’ils ont de la finalité des réserves de change. En Algérie, les réserves de change (en devises) sont gérées par la Banque d’Algérie. Une partie de ces réserves est placée en bons du Trésor américain et auprès de banques centrales étrangères. En procédant ainsi, la Banque d’Algérie a opté si l’on en croit son gouverneur pour :
- la sécurité
- la liquidité (on dispose de nos devises quand on veut)
- une bonne gestion des risques
- une diversification des devises.
Ces placements ont produit jusqu’à présent entre 2 et 4 milliards de dollars par an, ce qui a permis à l’Etat de maintenir les programmes d’équipement du pays malgré la baisse des recettes d’exportation des hydrocarbures de moitié entre 2008 et 2009. Ces placements ont permis aussi de préserver nos réserves de change et de les maintenir à la hausse. Les réserves de change de l’Algérie sont libellées en dollars (46%) et en euros (42%). Jusqu'à présent, l’Etat algérien a utilisé ces réserves de change à rembourser par anticipation la dette extérieure du pays et à assurer et consolider la position financière extérieure de notre économie. Il faut savoir que la contrepartie en dinars des réserves de change existe :
- dans le fonds de régulation des recettes
- dans le compte de Sonatrach auprès de la BEA
- en dépôts devises.
Il est incontestable de souligner que les réserves de change et le Fonds de régulation des recettes ont permis à l’Algérie de faire face à la crise financière et économique mondiale tout en maintenant et en poursuivant les importants programmes d’équipement du pays. Ces réserves de change ont aussi, bien évidemment, permis de préserver la stabilité macroéconomique du pays. Pour conclure, on peut reconnaître que dans le domaine particulier de la gestion des équilibres financiers du pays, et grâce à un marché pétrolier mondial favorable, l’Etat algérien a correctement géré les ressources du pays. Aujourd’hui, l’économie algérienne est pratiquement désendettée, la position financière extérieure du pays est favorable, l’avenir financier à moyen terme est préservé. Cette embellie financière qui, certes, a permis les énormes programmes d’équipements du pays, doit maintenant servir à reprendre le développement de l’outil de production du pays et relancer l’investissement productif.
Les chiffres du FMI pour 2012
La croissance économique pour 2012 sera de 2,5% tirée essentiellement par les secteurs hors hydrocarbures eux-mêmes tirés par la dépense publique. En 2013, le FMI prévoit une croissance de 3,4% mais souligne que cette croissance est molle et se situe en deçà des potentialités de l’économie algérienne. En 2013, la croissance sera tirée par la demande intérieure et la reprise dans le secteur des hydrocarbures. Le solde du compte courant est de +8,2% PIB en 2012 et sera de +7,1% en 2013. Le mauvais résultat enregistré par l’économie algérienne concerne l’inflation : elle est de +8,4% en 2012, chiffre jamais atteint durant ces dix dernières années. Le FMI recense pour les cinq années à venir trois défis que doit relever l’économie algérienne :
1/ Maîtriser l’inflation en contexte de poursuite de l’investissement public et de la dépense publique.
2/ Assurer la viabilité des finances publiques et travailler à consolider la soutenabilité des équilibres budgétaires.
3/ Renforcer la croissance hors hydrocarbures par l’amélioration du climat des investissements et l’encouragement du secteur privé.
A. B.