ENERGIE - ETUDES ET ANALYSES - SONATRACH - BOUZIDI ABDELMADJID- CHRONIQUE
DECODAGES:
La fonction nourricière des hydrocarbures :
le P-dg de Sonatrach rassure
Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
In Le Soir d'Algérie, mardi 9 octobre 2012
Faut-il se réjouir ou au contraire s’inquiéter lorsque les managers de Sonatrach nous assurent que ce groupe a encore de beaux jours devant lui, que la «rente» est encore là, que «l’après-pétrole», c’est encore le pétrole ? Les rigoristes nous diront que le «syndrome hollandais» va encore nous poursuivre, que le pétrole va encore nous endormir. Nous disons quant à nous que lorsque SH va bien, notre marge de manœuvre est toujours là et qu’il faut cesser d’être masochiste au point de souhaiter que l’on n’ait plus d’hydrocarbures et d’être «obligé d’être pauvre pour pouvoir devenir riche». A la fin du premier semestre de cette année (le mercredi 11 juillet exactement) le P-dg de SH a tenu une conférence de presse rappelant à tous ceux qui pensent que les hydrocarbures sont une ressource à cueillir facilement à ciel ouvert et à convertir aussi facilement en dollars, que ce secteur a besoin d’être managé avec efficacité, a besoin d’investissements, a surtout besoin d’éviter les erreurs de gestion et que la rente n’est pas une truffe que l’on ramasse «en passant par là». La gestion du secteur des hydrocarbures n'est pas une «petite affaire» et le pétrole et le gaz ont besoin d’être recherchés, explorés, exploités, valorisés, transportés, vendus… Le P-dg de Sonatrach a commencé par donner des chiffres sur le marché pétrolier mondial et la place qu’y occupe notre pays. Nous y reviendrons.
I/ Les ambitions de Sonatrach
«Sonatrach a des ambitions et doit poursuivre ses investissements pour les réaliser… Le poids de Sonatrach est par ses réserves et non par ses ventes.» Si l’on en croit M. Zerguine, P-dg de Sonatrach, le groupe Sonatrach va bien et compte bien atteindre les objectifs que lui a fixés l’Etat.
A) Un programme d’investissement ambitieux
Annoncé au mois de juin pour un montant global de 68,2 milliards de dollars, le plan d’investissement 2012-2016 de Sonatrach sera finalement de 80 milliards de dollars suite à la rallonge de 12 milliards de dollars qui a été approuvée par l’assemblée générale du groupe qui s’est tenue le 28 juin 2012.
B/- Les projets de Sonatrach dans l’amont pétrolier
L’un des objectifs stratégiques de Sonatrach dans l’amont pétrolier est de renouveler les réserves pétrolières et gazières du pays. Pour cela, il s’agit de développer les gisements existants (Sonatrach travaille actuellement à améliorer la récupération dans le gisement de Hassi Messaoud). Il s’agit aussi pour Sonatrach d’intensifier l’effort d’exploration à la fois par ses moyens propres mais aussi en partenariat avec des compagnies étrangères. A ce titre, le programme 2012-2016 prévoit des forages de 160 puits par an en moyenne. Les prévisions de croissance de la production sont estimées à 234 millions de TEP en 2016 contre 210 millions de TEP en 2012, soit une augmentation de 11%. Le P-dg de Sonatrach a précisé que les réserves prouvées de l’Algérie sont estimées à 4 milliards de tonnes équivalent pétrole (TEP).
C/- Les investissements dans l’aval pétrolier et gazier
Des efforts importants ont lieu actuellement et vont être plus développés encore dans les cinq ans à venir dans le domaine du raffinage. Un vaste programme de rénovation est en cours dans les raffineries de Skikda, Arzew et Alger qui vont faire passer la production à 26 millions de tonnes de pétrole brut (raffinerie) contre 22 millions de tonnes actuellement et 5 millions de tonnes de condensat. Par ailleurs, Sonatrach prévoit de construire cinq nouvelles raffineries de pétrole, trois au niveau des Hauts- Plateaux, une au Sud et une dans la région centre. Ces investissements vont doter l’Algérie d'une capacité de raffinage supplémentaire de 30 millions de tonnes. Les besoins du pays vont être correctement satisfaits.
D/ Les investissements dans la pétrochimie
Le programme d’investissements de Sonatrach 2012-2016 prévoit le développement de la pétrochimie à destination principalement de la satisfaction des besoins du marché intérieur en différents produits : différents types d’engrais, polymères, additifs… Ces produits sont actuellement importés et la facture est lourde. De plus, la pétrochimie va entraîner dans son sillage une multitude de PMI de transformation. Enfin, la pétrochimie valorise considérablement nos hydrocarbures puisqu’elle crée de la valeur ajoutée sur le territoire national, valeur ajoutée créée aujourd’hui dans les économies importatrices de nos hydrocarbures à l’état brut.
E/- Le groupe Sonatrach à l’international
Sonatrach est présente à l’étranger depuis plus de dix ans dans ses métiers de base que sont l’exploration, la production d’hydrocarbures, l’aval pétrolier et gazier, le transport maritime et par canalisation ainsi que la commercialisation. Sonatrach a créé une filiale Sipex qui lui permet d’être présente dans quelques pays du Sahel et en Afrique du Nord. Elle travaille sur des blocs d’exploration au Mali et au Niger, en Mauritanie et en Libye. Sonatrach est aussi en partenariat en Tunisie, Libye, Mauritanie, Mali. Sonatrach est également présente en Amérique latine, au Pérou précisément. Elle négocie actuellement sa présence en Afrique de l’Ouest dans les domaines de l’exploration et la production. Par ailleurs, dans le domaine du gaz, Sonatrach est devenue un acteur incontournable sur le marché international : elle est actuellement actionnaire à hauteur de 36% dans Medgaz et exporte du gaz en Espagne et en Italie. Enfin, Sonatrach est actionnaire à 49% dans l’usine Propanchem avec Basf à Tarragone et détient 10% des parts dans le terminal de regazéification de GNL de Reganoza en Galice (Espagne) (cf. interview du P-dg de Sonatrach à El Moudjahid - mai 2012).
F/ L’offshore et le gaz de schiste
L’exploration pétrolière en off-shore est une nouveauté pour Sonatrach. Le groupe en est pour l’instant au stade du recueil d’informations sur les données géologiques. Au large de Annaba et sur la base des données géophysiques recueillies, la décision d’exploration a été prise. De même les zones de Béjaïa- Annaba et Tenès-Mostaganem font l’objet actuellement d’analyse de données géophysiques. En ce qui concerne le gaz de schiste et pour compenser l’épuisement proche des réserves des hydrocarbures conventionnelles, la décision a été prise d’aller vers l’intensification de l’investissement dans les gaz non conventionnels et notamment le gaz de schiste. Le P-dg de Sonatrach a indiqué que selon «les études en partenariat faites sur trois provinces d’une superficie globale de 180 000 km2 et avec juste un taux de récupération de 20%, nous enregistrons des réserves récupérables de gaz de schiste qui représentent quatre fois nos réserves actuelles de gaz conventionnels ». Le vice-président Amont de Sonatrach a pour sa part informé l’assistance qu«’après avoir signé des accords avec le groupe italien Eni et la compagnie Talisman, Sonatrach allait conclure deux autres accords avec le groupe Shell et Exon». Enfin le P-dg de Sonatrach a précisé : «Nous sommes optimistes à l’idée de dominer cette technologie. Notre groupe dispose d’une expertise beaucoup plus en avance sur beaucoup de sociétés pétrolières et de services spécialisées dans ce domaine. » Comme nous l’avions indiqué en début de notre présentation, le P-dg de Sonatrach a, durant sa conférence de presse, présenté les résultats chiffrés de l’activité production et exportation de Sonatrach durant le premier semestre 2012. Le P-dg de Sonatrach ne semblait pas particulièrement inquiet du fléchissement constaté les dernières semaines du mois de juin du prix du brut. Il y a certes quelques pertes de recettes mais il n’y a pas lieu de changer quoique ce soit au programme d’investissement de Sonatrach. Ceci dit, «nous continuerons à suivre de près les évolutions du marché pétrolier mondial», a-t-il précisé. En matière de chiffres, le P-dg de Sonatrach a indiqué que le chiffre d’affaires réalisé par son groupe durant le premier semestre 2012 a été de 37,7 milliards de dollars et les recettes d’exportation de 36 milliards de dollars. Le prix du baril a été de 113,4 dollars à fin juin 2012, contre 112,9 dollars à fin juin 2011 et 77,7 dollars à fin juin 2010. La fiscalité pétrolière versée au Trésor public a été de 2, 230 milliards de dinars à fin juin 2012. Il faut rappeler que le prix du baril est passé de 125,45 dollars en mars 2012 à 95 dollars en moyenne trimestre à juin 2012. M. Zerguine a indiqué que cette baisse est certes due aux fondamentaux du marché qui se sont détériorés ainsi qu’aux effets de la spéculation mais il y a eu aussi «des augmentations injustifiées de la production au sein de l’Opep». Et il a ajouté : «Affaire à suivre».