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Elections - Transparence - Rôle des médias

Date de création: 13-02-2012 05:33
Dernière mise à jour: 13-02-2012 05:36
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VIE POLITIQUUE - ETUDES ET ANALYSES - ELECTIONS - TRANSPARENCE - RÔLE DES MEDIAS

 

 

      Atelier  de l’Association ADWAA RIGHTS sur la transparence des élections

(Alger,  samedi  11 février 2012)

 

Transparence des élections et rôle des médias

 

  Par REZIGUI Mazouz

                                                 Enseignant associé à l’ENSJSI(Alger/Ben Aknoun)

                                                 Ancien directeur de la régulation au CSI

 

 

 

I / Introduction générale

 

« Transparence des élections  et rôle des médias » : en fait,  mon intervention portera sur le dispositif de surveillance et de régulation des médias,  ceux du service public en particulier, en période électorale, à travers  l’expérience algérienne. A cet effet j’aborderai de manière succincte, le cas du Conseil Supérieur  de l’Information (1990-1993) et les fonctions qu’il a  assumées lors des scrutins de juin et décembre 1991, pour évoquer ensuite  les commissions politiques nationales de surveillance  qui lui ont succédé  depuis,  avec les attributions dont ont hérité  ces organes ad ‘hoc,  au terme de la loi électorale. Sachant qu’au cours des vingt dernières années, pas moins  de douze scrutins ont été organisés en Algérie, entre élections présidentielles, législatives et locales.

 

Auparavant il importe de pointer le rôle clé des médias en période de campagne électorale et de s’entendre sur l’interprétation de la notion de transparence.

L’on sait que lors des joutes électorales, le débat démocratique connait des moments d’effervescence  et de bouillonnement, la dimension polémiste pouvant s’exacerber, particulièrement lorsque le pays traverse une phase de transition institutionnelle ou bien qu’il se trouve au seuil de réformes importantes.

 Entre  candidats détenteurs du pouvoir et ceux de l’opposition, les discours seront critiques et parfois sans partage.

 Les médias constituent alors  un enjeu de premier ordre , chaque partie désirant influer sur l’opinion et attirer ses suffrages. Les médias  représentent par conséquent un des facteurs pertinents qui peuvent influer sur le déroulement du processus électoral et le biaiser.

 

Quant à la notion de transparence des élections, elle renvoie à la connaissance et à la compréhension  par les électeurs des règles qui régissent le processus électoral et  ainsi qu’à la visibilité et à l’adéquation du processus de prise de décision  à toutes les  phases du déroulement des opérations électorales. Une ONG internationale estime  que la transparence est concernée même  lorsqu’on déplace une urne d’un bureau de vote à un centre dépouillement.

 

 Ce faisant le caractère démocratique et la transparence des élections s’évaluent également à travers l’usage des médias et les garanties  qu’offrent à cet égard les règles et les modalités d’application de deux principes :

- le premier relatif à l’égalité d accès aux médias  qui doit être assurée à tous les  candidats  ,

 - le deuxième  se rapportant à l’équité qui doit prévaloir dans le traitement  de leurs activités par les médias dans le cadre du pluralisme et d’une information équilibrée.

A ce niveau des obligations sont à imposer aux médias, notamment à ceux du secteur public, à travers des règles et des organes de régulation ou de surveillance, indépendants chargés du contrôle de leur application.

S’agissant de l’ancrage juridique  des règles à édicter dans ce domaine, elles s’appuient   d’une part sur les cahiers de charges et les  obligations de service public accessible à tous les citoyens et d’autre part, sur les valeurs d’éthique et  normes de déontologie qui régissent la profession des journalistes tenus de fournir une information équilibrée  en  évitant les attitudes discriminatoires   et en respectant le caractère pluraliste du débat démocratique.

 

A la lumière des considérations générales qui précèdent quelle est l’expérience algérienne en matière de régulation des médias en période électorale ?

Avec  les premières élections pluralistes c’est le Conseil Supérieur de l’information  « autorité administrative indépendante de régulation » (1) crée au terme de la loi relative  à l’information d’avril 1990 qui inaugure cette expérience.

 

(1) –Cf  Loi  du 3 avril 1990 –articles 59 à 76

 

II /L’expérience  du CSI  en 1991

 

 Le CSI est installé  fin juillet 1990. Parmi  ses attributions, il est «  chargé  de définir  les conditions d’élaboration, d’édition, de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales » (art.59 de la loi).

 Peu de temps après son installation, il est appelé à  mettre en application cette disposition de la loi, le Chef de l’Etat ayant annoncé  en octobre 90 l’organisation d’élections législatives pour le mois de juin 1991.

Dès ce moment, le conseil entame les consultations avec les représentants des partis politiques et les responsables des organes d’information, à l’effet de fixer les règles garantissant un égal accès aux médias audiovisuels publics à tous les candidats  durant la campagne électorale officielle.

Au terme des  préparatifs engagés, le CSI adopte une décision qui est publiée dans JO le 8 mai 1991 .La décision définit la durée globale des émissions d’expression directe, prévoit trois créneaux de quarante minutes à la TV (il n’existait une chaine TV à l’époque)  et quatre créneaux de 30 minutes pour les trois chaines nationales de la radio. Tous les créneaux  sont situés autour des grands rendez vous d’information (JT et JP) de la journée.

La décision précise également les modalités de répartition  de la durée globale entre les formations politiques. Le temps global imparti à chaque parti est calculé au prorata des circonscriptions couvertes ; il est converti en unités de 5 minutes.

 

Les genres d’émission sont également définies ainsi que les modalités d’enregistrement, qui exigent notamment la signature  du bon à diffuser qui par le représentant dument habilité de la formation politique  ou du groupe constitué par des candidats indépendants

Les dates et l’ordre de diffusion  sont déterminés par tirage au sort  au cours d’une séance publique à laquelle participent les représentants mandatés par leurs partis.

 

 Pour cette première sortie  du CSI, la  cérémonie  intervient le 27 mai 1991, après que la veille une réunion soit tenue avec les représentants des candidats  pour  explication de la procédure et remise de la documentation nécessaire.

Le même scénario sera repris quelques mois plus tard, le 27 novembre,  le scrutin ayant été reporté au 26 décembre 1991.

 

Deux cellules du CSI sont alors installées respectivement au niveau de l’ENTV  et de l’ENRS (Radio) , pour orienter les candidats et leurs représentants et, superviser les opérations d’enregistrement des émissions pendant tout la durée de la campagne électorale officielle qui s’étalera du 1 au 21  décembre 1991 .

Le CSI bénéficiera  lors de cette période difficile, de  compréhension de la part de toutes les formations politiques et trouvera toute la coopération attendue  des   responsables et des organes d’information audiovisuels publics.

 Ces derniers mobiliseront à cette occasion d’importants moyens de leurs établissements pour assurer cette opération première du genre dans le Pays.

Déclinée en chiffres, l’opération a concerné 41 partis et 1089 candidats indépendants en lice dans 430 circonscriptions. Elle a nécessité de la seule ENTV : un studio, un car vidéo, 04 caméras, 51 techniciens ,05 réalisateurs, 08 agents de production, et trois cadres supérieurs qui ont travaillé 10 h par jour, fournissant  un total de 10. 000 heures de travail.

Pour ce volet des émissions d’expression directe le Conseil note dans son premier rapport annuel qu’il n’a enregistré aucune contestation ni remise en cause.

 Il faut relever que la  décision du CSI, techniquement bien ficelée, a été élaborée par un  collège  dont la quasi-totalité des membres étaient soit  des journalistes élus, soit d’anciens cadres du secteur de la communication. Nous dirons plus loin un mot sur les avantages et les inconvénients qu’induit  une telle composante pour le fonctionnement d’un organe  de régulation indépendant.

 

Au chapitre de l’équité attendue des médias dans la couverture des activités des différents partis politiques  pendant et en dehors de la campagne électorale le CSI n’a pas chômé non plus durant la période qui nous intéresse.

Fraichement installé, le conseil a engagé la réflexion sur les « modalités de mise en œuvre des droits à l’expression des  divers courants d’opinion » (article 59 de la loi) et l’établissement de balises tendant à garantir « l’indépendance et l’impartialité des organes d’information du secteur public » (article 59).

Dans ce cadre le Conseil opte pour l’élaboration d’une recommandation  adressée  à l’ensemble de la presse et de la profession (écrite et audiovisuelle, publique et privée) et et de façon  plus soulignée encore, aux médias  relevant du secteur public (TV, Radio, Agence de presse) lesquels sont comme on le sait astreints  à des cahiers de charges incluant des clauses concernant le pluralisme.

La recommandation  adoptée le 29 avril 1991 et également très détaillée, comporte des prescriptions qui exhortent les responsables des médias et les journalistes à assurer une couverture de qualité des activités des partis et groupement politiques avec le souci constant de véracité et d’équité.

La campagne électorale  battant déjà son plein, avec en lice des candidats déclarés ou présumés mais qui sont investis de fonctions officielles. Le texte du CSI invite la presse à distinguer les informations qui sont à considérer comme émanant du gouvernement, de celles qui doivent être  classer comme s’inscrivant dans la campagne électorale.

 

A l’adresse des  organes d’information audiovisuelle,  le principe du traitement équitable et pluraliste est décliné sous formes de dispositions  techniques, portant à la fois sur la quantification  de la couverture dont a bénéficié les personnalités de chaque parti  que sur la qualité  des émissions consacrés aux uns et autres,  pour lesquelles les conditions de tournage , d’enregistrement  les éléments de  décor  ainsi que les heures de passage à l’écran ou dur les ondes  devraient être à l’identique .

A des fins d’évaluation de contrôle du degré d’application des règles édictées,   le Conseil  recommande aux organes d’information d’établir des relevés quotidiens des temps d’antenne et des temps de parole accordés aux différents acteurs politiques pour  toutes les émissions d’actualité. Les états tenus à jour permettent de déceler les éventuels déséquilibres au détriment de certains acteurs en vue d’y remédier dans les jours qui suivent.

 Au plan quantitatif, la règle des trois tiers devrait être appliquée ( un tiers pour les intervenants du gouvernement, un tiers pour ceux du courant de la majorité représentée au parlement, et un tiers pour ceux de l’opposition représentée au parlement )  pour parvenir à une répartition équilibrée des temps d’antenne .      

Dans quelle mesure les organes d’information ont respecté et appliqué les  dispositions  énoncées de la  recommandation du CSI ?

Il est difficile de répondre de manière de répondre à cette question en l’absence d’un monitoring  et d’une observation continue de la scène médiatique. Si on devait se fier aux doléances parvenues au CSI. Celui-ci a été saisi de manière officielle une seule fois en septembre pour un cas de droit de réponse refusé à une éminente personnalité politique par la télévision.   

 

Les taches de veille  exigent de mobiliser des moyens supplémentaires d’enregistrement et de mesure, ainsi que des compétences. Elles sont pourtant  indispensables par ce que c’est l’affichage des données recueillies qui incarne justement cette transparence recherchée pour  permettre  à l’organe de régulation et à toutes les parties concernée  de vérifier si la conditionnalité de l’équité  a été effectivement remplie.

 

Le CSI, organe de régulation qui joue aussi le rôle observatoire des médias, a ressenti  la nécessité de disposer d’outils de veille, et commençait à s’équiper  en  mettant en place un embryon d’une structure de veille  chargée de mesurer les temps de parole et les temps d’antenne à travers les programmes d’information de la radio et de la télévision.

 

Enfin  la recommandation consacrait aussi un chapitre à la presse écrite en reformulant  les mêmes dispositions adaptées aux techniques de traitement et de présentation des informations spécifiques aux journaux et revues.

Au niveau des commissions nationales de surveillance  des éléctions se sont succédé depuis 1999, cet aspect ne sera pris en compte qu’en 2009 à l’occasion des élections  présidentielles ,  quand la CNPSEP, présidée par M. Bouchair a fait appel une agence de communication spécialisée pour prendre en charge la veille presse écrite.

 

III/ La période des Commissions nationales  de surveillance des élections

 

Après l’amendement de la loi relative à l’information en 1993, et  le transfert des prérogatives du CSI à la structure gouvernementale chargée de la communication, la surveillance des médias en période électorale, incombe à partir de 1995, en vertu de la loi électorale à des  commissions nationales  de surveillance des élections.

Cet organe ad hoc, composé des représentants des partis en lice pour les élections et présidée par une personnalité nationale * non partisane a été crée à l’occasion des élections présidentielles de 1995.

La CNSEP ou CNSEL -selon qu’il s’agisse d’élections présidentielles, législatives ou locales- est en fait chargée du contrôle et de la surveillance de l’intégralité des opérations du scrutin et pas seulement de celles qui  concernent la campagne électorale.

(*) M.Habachi, membre du groupe des 22 historiques en 1995, le Colonel de l’ALN Salah Boubdiner en 1999, M.Teguia ancien ministre de la Justice en 2002, M.Bedjaoui  ancien ministre, et ancien magistrat de la cour internationale de justice en 2004, M.Bouchair ancien président du Conseil Constitutionnel  en 2009

Au titre de la régulation des médias  relevant du secteur public, la CNSE est expressément chargée par  une disposition de la loi relative au régime électoral, de « délibérer sur la répartition de l’égal accès des candidats aux médias publics ». Cette disposition est réaffirmée dans l’article 180 de la nouvelle loi organique du 8 janvier 2012.

 

En pratique les modalités d’égal accès  aux médias, qui ont prévalu à ce jour, sont identiques à celles qui ont été définies par le CSI pour ce qui concerne les émissions d’expression  directe réservées par les chaines de radio et de télévision publique aux candidats et à leurs représentants.

Les commissions nationales de surveillance des élections qui ont l’avantage d’avoir des prolongements au niveau des wilayas et des communes, ont également un accès de droit des médias publics, devant lesquels ils peuvent aussi présenter leur rapport d’étape pendant tout le déroulement du scrutin.

A l’occasion des scrutins précédents, des conférences de presse étaient organisées régulièrement par le président ou le porte parole de la commission de surveillance au Centre International de presse, en présence des journalistes et correspondants  de la presse internationale.

Pour ce qui concerne la couverture équitable par les médias de l’actualité des différents candidats ou groupes de candidats en lice, et le traitement des éventuelles doléances à ce sujet  par la CNSE , les approches ne pouvaient être que ponctuelles , s’agissant d’un organe ad ‘hoc dont la mission est limitée dans le temps et dont la composante est totalement partisane  mis à part son président .

 

III/ Quelques commentaires en guise de conclusion

 

Avec la mise en place des organes de régulation prévus ou annoncés  par la nouvelle loi organique relative à l’information du 12 janvier 2012, la mise en œuvre des principes d’égal accès  et d’équité va être certainement plus affinée , techniquement mieux outillée et continue dans le temps.

Il est en effet prévu un organe de régulation de la presse écrite, un conseil composé en partie de journalistes élus (comme c’était le cas du CSI), un conseil d’éthique émanant de la profession des journalistes et un organe de régulation de l’audiovisuel dont les missions seront explicitées par la future loi sur la communication audiovisuelle.

 

 L’organe ad’hoc reprendra sa place en tant qu’organe politique composé de partisans. Il ne sera plus confronté directement aux médias( tout en étant juge et partie). Les nouveaux organes indépendants ou strictement déontologiques (  comme le sera le conseil d’éthique) pourront jouer le rôle d’interface entre acteurs politiques et médias.

 

Il va de soit que la future configuration des structures  de régulation médiatique va pousser les formations politiques à disposer de stratégies de communication élaborées et à se faire représenter par des militants ayant une certaine expertise dans le domaine de la communication et des médias voire à se moderniser encore davantage en s’appuyant sur les services d’ agences de communication. La transparence dans l’usage des médias est à ce prix. Evidemment qu’elle concerne également le jeu des médias et leur fonctionnement.