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Agence de presse Aps - Service public

Date de création: 02-12-2011 20:18
Dernière mise à jour: 22-02-2014 17:26
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COMMUNICATION - ETUDES ET ANALYSES - AGENCE DE PRESSE APS - SERVICE PUBLIC

 

 

Colloque APS, Palais de la Culture, 27-28 novembre 2011

MEDIAS PUBLICS : ENTRE EXIGENCES DU SERVICE PUBLIC ET COMMERCIALITÉ

Par Belkacem AHCENE-DJABALLAH

Professeur – associé à l’ENSJSI (Alger- Ben Aknoun

 

S’il y a une problématique qui reste encore posée dans son entier , car non totalement résolue, c’est bien celle concernant directement la définition du service public (appliquée à la presse dans son ensemble ne général et à la presse du secteur public en particulier) et sa mise en œuvre ……..et ce,  plus de deux décennies d’existence d’un paysage médiatique ouvert à l’expression politique pluraliste et à l’expression médiatique indépendante (ou privée)……Une non-maîtrise du concept a été aggravée , depuis un certain temps, avec la grande ouverture à l’économie marchande initiée à partir de la fin des années 80, , par une « confusion commerciale ».

L’irrésolution , jusqu’à nos jours, de la problématique – actuellement, par tous les acteurs du champ médiatique national -  n’est pas, à mon sens seulement lié à une (mauvaise) volonté politique (c’est trop simple ou simplement politicien comme argument !) , ou à une incompétence professionnelle ou encore à une méconnaissance des nouveaux défis de la communication (dont le marché des  consommateurs), mais bien plutôt liée à une  prise de conscience historique non achevée pour certains et totalement ignorée par d’autres, du développement de nos médias et des nouveaux défis de la communication. Il est vrai que les choses sont allées vite, très vite ,  avec des moments de fortes ruptures ( 1963, 1965, 1988 , années 90, années 2000, 2010….)  ne permettant pas des « passages » de flambeau , et des transmissions d’expériences et des accumulations de  connaissances  ,, le tout dans la sérénité.

 

De 1962 ( plutôt 1963,

avec l ’élimination, par nationalisation-récupération,  des titres de la  presse coloniale encore présente sur le sol national…ainsi , d’ailleurs que du marché des informations diffusées par les agences AFP et UPI au profit de l’APS , et encore plus à partir de juin 1965, avec l’ absorption-fusion  » d’Alger Républicain par le quotidien Le Peuple, ce qui a donné El Moudjahid) à mars- avril 1990 ( date de la promulgation d’une loi relative à l’Information libératrice du champ) , le paysage médiatique et ses travailleurs (directeurs, journalistes, travailleurs….) ont tous œuvré dans un cadre politique et idéologique mono-partisan (de gré ou de force……avec, certes,  des moments, des espaces et des hommes  de « résistance » et de « liberté » …sans que cela ne dure trop longtemps , moments, espaces et hommes assez vite récupérés par ce qu’on appelle communément les Pouvoirs : celui étatique, celui de l’Etat , celui des l’Armée, ou les trois confondus)

Globalement, les problèmes économiques étaient quasi-inexistants. S’ils étaient posés, discutés et/ou négociés, c’était généralement lors de la préparation des lois de finances ou des budgets annuels des Institutions, budgets  qui comportaient tous une ou plusieurs lignes consacrées de manière claire aux subventions des entreprises de presse …dont les plus importantes allaient aux entreprises gérant  la radio,  la télévision,  l’agence de presse et les quotidiens…..ainsi d’ailleurs que la production cinématographique (les Actualités, entre autres) . Seules échappaient aux subventions (sauf en cas de commémoration, de fêtes nationales ou de projets spécifiques) la société chargée de la publicité qui réussissait avec   ses ressources issues de la régie publicitaire (monopole absolu)  et de son imprimerie (presque la seule pour les commandes d’Etat)  à dégager des bénéfices .

Globalement donc, les entreprises de presse n’avaient aucun grand souci économique et commercial ….seulement des soucis d’ordre financier  (pour boucler les fins d’année en matière de fonctionnement ou pour faire face aux projets d’équipement) …..toujours négociables avec les tutelles, toujours autoritaristes,  à l’exemple du  ministère de l’Information, du  ministère de la Défense nationale pour les réalisations de son Commissariat politique , le Parti, unique , du FLN…avec une quantité imposante d’ Organisations de masse nationales, chacune avec ses publications spécialisées. Tout était donc organisé et planifié à l’avance dans le cadre de Plans ou Programmes annuels, bi- annuels , quadriennaux ou quinquennaux

En définitive, le seul grand souci était d’assumer les fonctions de Formation, d’Information …et de Distraction  dans le cadre d’une « unité de pensée et d’action » idéologique et politique……socialiste ou pseudo-socialiste, en fait « national-populiste »,  dans le respect d’un melting-pot de  constantes  définies par le parti du FLN……..avec , d ’abord et avant tout, une obligation professionnelle : « le  sens de la responsabilité »……la liberté venant bien après. Bien sûr, toute cette démarche n’était pas du goût de bien des acteurs du champ médiatique. C’est pour cela , et  je l’ai dit ,au départ qu’il y eut de beau et grands moments et espaces de liberté, moments menées et espaces occupés par des hommes qui plaçaient d’abord la liberté en tête , une « liberté responsable » comme on disait alors….Mais il n’y en eut pas beaucoup.

Résultat des courses : la liberté de la presse était conjuguée à l’humeur et aux calculs ou aux grandes et petites manœuvres politiques  des décideurs……et des « patrons » de l’époque. Le service public n’était en fait que le service du Pouvoir, en place et en force, du moment, avec l’émergence , en douceur mais, hélas,  en profondeur, du phénomène de l’auto - censure. Il n’y avait pas d’imprimatur déclarée mais il existait une « censure » (administrative ) sous la forme du contrôle de toutes les informations officielles (exemple des communiqués de presse des institutions dont ceux  du Parti et des Entreprises publiques…et en fait d’informations officielles , il n’y avait que ça) par le fameux Bureau des communiqués du ministère du l’Information, un passage obligé..  

 

DE 1990 à 2000 ,

 le paysage médiatique s’est trouvé totalement bouleversé avec , d’abord, l’émergence d’un journalisme se voulant résolument indépendant et critique, suivi, après juste après mars 1990 et la loi d’avril 1990, d’une presse dite « indépendante »,.

Il faut seulement se souvenir que les nouveaux éditeurs (et, aussi, les anciens) moins par pudeur que par attachement à un passé récent dont il ne voulait pas faire totalement « leur deuil » ont toujours rejeté le terme « privé » (un terme tabou au niveau de toute la société, les décideurs en particulier)

Il faut se souvenir que le premier projet de loi relative à l’Information (avec Kasdi Merbah comme Chef du gouvernement et  Mohamed- Ali Ammar en tant que ministre de la Communication) , renvoyé en seconde lecture et rejeté, avait fait la part belle au secteur public et proposait des ouvertures très timides sur l’initiative privée. On avait même imposé à tous les organes de presse, sous la pression des journalistes, surtout ceux dits de « gauche », il est vrai,  pour la bonne application du « service public », un « Comité de dialogue et de concertation », composé d’élus des rédactions et de représentants de la direction et qui devait, chaque semaine, analyser, critiquer et « redresser » les lignes éditorialistes. Le seul qui ait tenu le coup durant presque une année  a été celui de l’APS….qui a été,  rappelons-le ,  le seul média public à élaborer une Charte du service public ; charte qui a rendu bien des services surtout face aux demandes et autres pressions  de plus en plus pressantes et même agressives de la nouvelle société politique , FLN  y compris .

Les réformateurs hamrouchiens sont allés bien plus loin, par calcul, et/ou par logique économique…..Ils sont allés , d’ailleurs, par souci de « rentabiliser » les appareils de production, même ceux immatériels ou y contribuant  (les journaux, la diffusion de la presse, les imprimeries .) , jusqu’à restructurer le secteur public de la presse écrite,  en créant dix (10)  Fonds de Participation (actionnaires à 100%)  , gestionnaires des capitaux de l’Etat, …..au sein desquelles les journaux répartis (22 octobre 1990) devaient être « gérés » comme des entreprises industrielles et commerciales banales (ex : El Massa et El Hadef étaient affectés au Fonds « agro-alimentaire » ,  El Djoumhouria et Parcours Maghrébins au Fonds « services »……) .

Il faut seulement se souvenir que les nouveaux éditeurs (et, aussi, les anciens), moins par pudeur que par attachement à un passé récent dont il ne voulait pas faire totalement « leur deuil », ont toujours rejeté le terme « privé » (un terme tabou au niveau de toute la société, les décideurs en particulier) . D’ailleurs , les animateurs du Mouvement des journalistes algériens, MJA,  (déjà début 1986) recherchaient beaucoup plus une plus grande liberté d’expression qu’une  liberté d’entreprise…..C’est pour cela que certains disent que l’argent perçu à titre de dédommagement n’était autre qu’« une prime de licenciement » déguisée …pour « vider les lieux » de la presse publique.

 

Les journalistes issus du secteur public, devenus éditeurs indépendants, se lancèrent dans ce qu’il est convenu de nommer l’ « aventure intellectuelle »,  sans tenir compte des difficultés d’un marché concurrentiel et soumis aux lois d’un marché qui s’ouvrait. Ils connurent , dès le départ, un certain succès commercial dû à plusieurs raisons :

-          La découverte, par le public, d’une nouvelle forme de journalisme, toujours aussi engagé, assez soucieux d’être respectueux du « service public », mais assez offensif dans la collecte et la présentation de la nouvelle…allant jusqu’au sensationnel  à la contre-vérité. Il est vrai que la recherche de lecteurs…..et de publicité faisait oublier certaines règles déontologiques.

-          Un marché publicitaire en expansion.

-          Une certaine aide matérielle et financière (directe ou, surtout, déguisée) …sinon une large « compréhension » de l’Etat et de ses opérateurs

-          L’inexistence de la presse quotidienne étrangère durant quelques années (en raison d’un contentieux Enamep - Nmpp France  .

-          Et, surtout, un journalisme relevant du secteur public (mis à part une courte embellie, avec Abdou B.  à la télévision) toujours proche des « pouvoirs » en place..et, donc, assez éloigné de la mission de « service public » ;..et , toujours, alimenté prioritairement par l’Anep en publicité institutionnelle.

-          Un Etat quelque peu « falot » qui, par calculs politiciens (la situation sécuritaire « aidant ») , n’arrivait même pas à assumer ses fonctions de « régulateur » ou de « gardien des lois ». Il ira même, exploitant l’ « état d’urgence » jusqu’à supprimer le Conseil supérieur de l’Information qui avait commencé à assurer cette régulation avec plus ou moins de bonheur.

Cette aventure «intellectuelle», vécue par le premier secteur du pays s’étant ouvert largement à l’initiative privée, aventure malgré tout grande et belle,  a mis en exergue :

La volonté des journalistes et des médias nationaux à agir  « au plus près »  du service public et de l’intérêt général

Leur incompétence à « manager »  des entreprises de presse, et continuant à quémander (tous secteurs confondus) les aides multiformes de l’Etat (soutien papier et impression, distribution, publicité…)….au nom du service public

Leur inorganisation socio- professionnelle, ce qui a nuit à leur capacité de négociation

Leur incapacité à s’adapter à un mode de gestion moderne, restant ainsi confinés dans une administration boutiquière de leur capital . Seules quelques entreprises réussirent à sortir du lot, beaucoup furent absorbés par le nouveau « gros capital » national qui, déjà, au milieu des années 90, pressentait l’importance informative …et financière (et politique)  future de l’industrie de la communication…….A la fin des années 90, sur les 1000 titres de presse créés, plus de 700 avaient disparu en cours de route et  bien des titres de la presse publique comme  Algérie Actualités, Révolution Africaine, Parcours Maghrébins, Es Salam , Adwa, Api, Enpa…. ne survécurent pas . Ici, on ne peut s’empêcher d’évoquer un commentaire de El Kadi Ihsène dans Horizons en date du 9 octobre 1991 : «  Les EPE de  presse courent à la faillite dans un train plombé et scellé par les pesanteurs de la gestion bureaucratique , voire politique ». Il n’avait pas tort !

 

A la fin du 20è siècle, « l’aventure intellectuelle » et les bonnes résolutions du départ , assez militantes ou désintéressées  , c’était définitivement fini ! En quelque sorte, la récréation était terminée.

Pour les médias publics, il n’y avait plus que le service public qui comptait , se trouvant de  fait, et dès le départ,  au service du programme présidentiel . Il est vrai que le Chef de l’Etat a , dès son arrivée à El Mouradia , été très clair quant à la ligne éditoriale à suivre : « Qui paye , compose la musique ! ».

Les rédactions alors EPE étaient transformées en EURL facilitant ainsi l’emprise de la tutelle et renforçant la fidélité, les médias lourds toujours restaient EPIC toujours, les imprimeries et la publicité restèrent EPE ….et le tout était regroupé d’abord , parallèlement aux Holdings qui avaient remplacé le Fonds, dans  un grand groupe de presse, GPC, dirigé au départ, par un fidèle d’entre les fidèles, déjà PDG de l’EPE ANEP, Abdelkader Khomri, la seule exception de cumulard, ce qui veut tout dire  (à l’image de ce qui se faisait parallèlement pour d’autres pans de l’économie nationale) …un groupe qui dure encore , mais avec une tutelle renforcée….afin d’éviter toute dérive, d’abord rédactionnelle ensuite économique .

Aujourd’hui, on a donc, sur le plan économique, un terrain soumis en apparence aux lois du marché , bien souvent un marché sauvage, et un certain désengagement de l’Etat  (du peu d’Etat, on était passé au pas d’Etat…sauf en cas de besoin). Ce dernier , pour ce qui concerne ses entreprises, entreprit de faire  appliquer par les gestionnaires des règles économiques et commerciales encore plus strictes que par le passé……..tout ne continuant à vouloir imposer aux rédactions (en douceur ou brutalement, de manière franche ou déguisée) un concept de « service public » conjugué à la gouvernance officielle .

Cette démarche antagonique, ni totalement commerciale , ni totalement politique ,se déclarant commerciale sans aller jusqu’au bout de sa logique, et permettant l’intervention à tout-va de l’Etat dans la production éditoriale,  de plus en dehors d’un cadre de régulation précis, repose dans son entier la problématique de la nécessité ( car la seule  permettant  le développement) ,dans un organe de presse du secteur public, d’une démarche managériale et économique rigoureuse (sur le plan commercial et financier) , associée à la défense et à la promotion de l’intérêt général.

Autre terme de la, problématique : Peut-on demander au secteur privé de la presse de faire du service public, et si oui, dans quelles conditions ?

 

Que peut-il y avoir comme propositions ? A mon sens, le seul espoir réside dans la promulgation rapide de la loi organique relative à l’information qui va ou doit mettre en place (ou remettre) un Conseil supérieur de l’Information, instance ou autorité indépendante   de régulation de tous les médias et qui édictera, des cahiers des charges de service public , décrira avec précision les dites-charges, charges qui peuvent même être proposées (ou négociées) au secteur privé . La précision devra concerner  tout particulièrement les domaines d’intervention de l’Etat, ainsi que les (justes) compensations financières y afférentes.

Une instance qui devra aussi avoir de larges attributions en matière de publicité (dont la répartition équitable  de la publicité institutionnelle), en matières d’aides directes et indirectes à la presse, tous secteurs confondus,……..et, pourquoi pas, jouer le rôle de « conseil » en matière de nominations des premiers responsables des médias publics lourds et des autres entreprises de presse du secteur public  …qui doivent désormais être beaucoup plus de grands « managers » que des rédacteurs en chef. Ceci est aussi valable pour la presse privée ! Concurrence interne et internationale oblige !