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Arts plastiques, arts musulmans, design 2010 -Abrous Mansour, auteur (III / V)

Date de création: 14-05-2011 18:14
Dernière mise à jour: 14-05-2011 22:19
Lu: 1752 fois


 CULTURE – ETUDES ET ANALYSES – ARTS PLASTIQUES, ARTS MUSULMANS, DESIGN 2010 – ABROUS MANSOUR, AUTEUR

 (Troisième  partie)

 

L’Annuaire artistique de l’Algérie 2010 (Fondé en 1998) -  Un an / 1 numéro

 

Directeur de la rédaction : Mansour Abrous

Tél. : 06.85.18.77.47

E-mail : mansour. abrous@gmail.com

 

Objectifs : L’Annuaire des arts en Algérie se veut fidèle à sa

mission d’outil d’information et de source de références pour toute la

communauté artistique, les étudiants, les chercheurs et les praticiens.

 

 « Ce qui est révolutionnaire, c’est le bouillonnement culturel permanent, et

c’est précisément pour cette raison qu’on l’empêche en Algérie » (Kateb

Amazigh)

                                                       Page 9/13

re-porter sur l’Etat la prise en charge, quasi-intégrale, de la culture. C’est un

modèle de politique culturelle très centralisé, souhaité, et son département

ministériel, de fait, concentre l’exclusivité des moyens financiers et des leviers

d’intervention (ressources humaines, équipements, législation, aménagement

territorial déconcentré…), sans contre-pouvoir d’aucune sorte.

Culture de l’émeute, émeute dans la culture ? El Moudjahid construit sa

théorie du bonheur national, fantasme un renouveau culturel national et

déroule la mercuriale des structures culturelles inaugurées, à construire,

réhabilitées ou en projection, dans les différentes régions du pays43. Une partie

de la presse (44) cède à la tentation du bilan positif et quelques articles s’échinent

soit à vanter la qualité de l’animation culturelle, littéraire ou à enregistrer le

nouveau dynamisme du secteur. Certes, il existe des infimes îlots de bonheur

culturel.

Toutefois, la réalité dans son ensemble est toute autre. Une instance officielle,

la commission de la culture et du tourisme de l'assemblée de wilaya de

Constantine, conclue son enquête effectué sur les centres culturels de la

wilaya (45) en ses termes « l'état des lieux a été jugé déplorable et laissant à désirer,

sur bien des aspects », révélant les difficultés de statut de ces structures victimes

de « chevauchements inextricables des prérogatives de plusieurs tutelles ».

La protestation contre la mauvaise gestion du secteur de la culture est dans

l’air du temps. Les actions des artistes sont nombreuses et s’expriment dans la

rue. Le discrédit est jeté sur les responsables locaux de la culture. A Bejaia, un

sit-in des artistes dénonce la gestion du secteur de la culture, « le mépris affiché

à l'égard des artistes de la région » (46), exige « une commission d’enquête sur la

gestion » (47) et « la suspension du directeur de la Maison de la culture » (48).

A Batna, des artistes occupent à plusieurs reprises le centre-ville de Batna pour

« exprimer leur marginalisation », dénoncer la gestion des établissements

culturels, réclamer le départ du directeur de la culture et exiger une enquête sur

l’utilisation des moyens financés alloués à la région (49). Ils condamnent l’accès

aux projets artistiques « distribués aux proches » et la non-participation des

artistes à la vie institutionnelle « écartés par toutes les instances culturelles de la

ville », le fonctionnement de l’école des beaux-arts les indignent (« Dans cette

école, les étudiants sont exploités, les travaux qu’ils réalisent sont confisqués par

l’établissement »).

 

 

Notes

43 / El Moudjahid 22 novembre 2010

44/  La Nouvelle République 25 novembre 2010; L’Expression 12 mai 2010, 25 novembre 2010, 8 décembre 2010

45/  Le Quotidien d’Oran 26 novembre 2010

46/  Le Courrier d’Algérie 8 février 2011

47/  Le Jour d’Algérie 13 février 2011

48/  La Dépêche de Kabylie 10 février 2011

49/  El Watan 14 janvier 2011, 24 janvier 2011

 

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Les hommes de l’art confessent régulièrement leurs conditions de vie. A la

question « L’art fait-il vivre ses créateurs en Algérie ? » (50). Le plasticien

Ahmed Hamidi regrette « l’impossibilité de vivre et faire vivre leurs familles à

travers les seuls « cachets » des ventes de leurs toiles, qui restent pour le moment

« plus une passion qu’un moyen de vivre ». En marge des Journées d’arts

plastiques de Guelma (51), l’artiste peintre Khaled Khodja s’exprime sur le coût

de réalisation de ses oeuvres « Bien sûr que nos toiles ont un coût. Le matériel de

peinture (tube de peinture, rouleau de toile, pinceaux) est excessivement onéreux… ces

produits sont hors de prix » et leur vente « En plus, personne n’achète nos toiles à

Guelma. Il faut aller à Alger, et nous revenons généralement bredouille ».

D’autres artistes évoquent le peu d’intérêt et de considération des pouvoirs

publics pour leurs projets. Auteur d’une exposition et d’un livre « Algérie, le

littoral et les zones humides », le photographe M’Hamed Kerrouche fustige les

entreprises qui « jettent de l’argent pour des opérations folkloriques qui n’apportent

rien à la société et se détournent des projets sérieux qui aident à découvrir l’Algérie »

et regrette que l’on refuse de l’aide aux photographes algériens, alors qu’elle

est accordée « y compris des hélicoptères, à des étrangers » (52).

Je suis à l’écoute d’autres avis et propositions, réceptif aux argumentaires

déployés, même si l’expression d’un point de vue contraire, au « politiquement

correct » du landerneau culturel, me transforme (et bien d’autres) en « croquemorts

de la pensée », un esprit chagrin, qui a de voeu pour la culture qu’un

« emmaillotements de momies » (53).

D’autres plaidoyers sont recevables, encore faut-il qu’ils résistent à l’examen

des faits ?. Des observateurs avisés de la vie culturelle nationale, développent

un certain nombre de réflexions sur ce qui leur semble être des éléments

factuels du renouveau culturel national :

- A propos des grandes manifestations culturelles (Djazaïr 2003 en France,

Alger capitale arabe, le festival Panafricain), il est certifié qu’elles sont

structurantes du projet culturel, qu’elles contribuent « à la reprise de la vie

culturelle », permettent « de remettre à l’ouvrage de nombreux artistes, groupes et

associations ». Je questionne : quelle est l’échéance et la portée (durabilité

d’impact) de leur effet structurant ? à quel prix ?. Quelle est la place de la

société civile dans la co-production de ces événements ?. Au-delà de la

satisfaction immédiate du besoin et de la « commande », je m’interroge, sur

l’évanescence des mobilisations humaines, des ressources et des projets.

 

 

Notes

50/  Liberté 22 novembre 2010

51/  El Watan 27 décembre 2010

52 / El Watan 28 mai 2010

53/  El Watan 25 décembre 2010

 

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- On plaide pour un débat associant l’Etat, le ministère et les acteurs culturels,

débat « vital à l’essor de la culture », mais on y voit deux contraintes « l’absence

de lieux ou d’espaces consacrés à ce débat » et « les pratiques d’échanges et de

critiques dans notre pays », considérées comme inexistantes ou frictionnelles. Je

souscris à l’idée d’un débat et m’essaie à la vérité : la seule contrainte à cet

échange, à cette re-dynamisation du champ culturel national, sont l’Etat et le

ministère qui ne souhaitent pas l’intrusion de la société civile dans la cogestion

et l’évaluation des affaires culturelles ?.

- Invoquant le soutien de l’Etat, il est constaté que « le développement de la

culture demeure en Algérie largement tributaire du soutien de l’Etat ». A l’appui de

« l’effort financier et organisationnel de l’Etat », le soutien de la société est

souhaité pour « tisser un formidable essor culturel ». S’agit-il de plaider pour un

soutien de la société au projet culturel officiel ou d’ouvrir ce projet à la

validation des forces vives (et intègres) du champ culturel ?. De même, il est

du devoir de l’Etat de soutenir financièrement le développement de la culture -

en veillant à diversifier les sources de financement - et tout aussi essentiel que

ce développement soit d’intérêt général, qu’il serve les publics, les aires

géographiques, dans leur grande diversité, d’une façon égale.

Bonheur nomade

- La villa Abdeltif retrouve « sa vocation d’antan » (54), en accueillant, l’été

2010, une résidence de jeunes étudiants de l’école supérieure des beaux-arts

d’Alger « ce séjour artistique renoue avec une tradition ancienne de la villa Abdeltif,

sauf qu’elle ne s’inscrit pas dans la continuité de la visions des orientalistes. Dans

notre cas, on va accaparer le patrimoine national et tenter de retrouver l’expression

picturale algérienne et donner une vision ou une version contemporaine de ce

patrimoine ». En novembre, une résidence algéro-européenne de photographie

est organisée, avec l’intention de porter un regard croisé sur le patrimoine

architectural de la ville d’Alger, « travailler ensemble, échanger des expériences et

surtout développer un dialogue autour d’un métier qui les passionne » (55). Alger

encore, comme thématique de la résidence de dessinateurs et de graphistes,

initiée par les éditions Barzakh et l’agence de dessin graphique Ganfood, pour

créer une revue graphique et « montrer notre Alger, le Alger de ceux qui le vivent

tous les jours, à travers un bus, un café, un quartier… » (56).

Promesses d’avenir

- Rétrospective consacrée à M’Hamed Issiakhem au musée d’art moderne et

contemporain d’Alger (57) qui présente de nombreuses oeuvres issues de

collections publiques et privées. Un livre catalogue est publié. « La place de

 

 

Notes

54/  Liberté 26 juillet 2010

55/  Liberté 11 novembre 2010 ; L’Expression 9 novembre 2010, 11 novembre 2010 ; El Watan 11 novembre 2010

56/  El Watan 2 juillet 2010

57 / El Watan 4 décembre 2010; Liberté 4 décembre 2010; La Nouvelle République 8 décembre 2010; El Watan 13 décembre 2010, 29 décembre 2010; Le Temps d’Algérie 20 décembre 2010

 

 

 

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l’art dans les pays émergents » est le thème de la table-ronde organisée et

quatre communications portent sur l’oeuvre et l’artiste (58).

L’intérêt de cette initiative est à mettre en résonance avec quelques verbatim

d’étudiants « On ne sait pas qui c’est…tous ces peintres du début sont un peu oubliés

aujourd’hui. Avant de venir aux beaux-arts, on n’avait jamais vu un tableau de notre

vie » (59) et d’un enseignant de l’école des beaux-arts d’Alger « la peinture

d’Issiakhem est assez complexe, difficile à regarder. Cette nouvelle génération a décidé

de rompre la filiation qui la liait avec l’ancienne génération des années 1960 et 1970.

Elle est plus portée par les innombrables possibilités qu’offre le multimédia. On est

dans la globalisation. Les artistes préfèrent l’image au chevalet » (60). Aux Etats-Unis,

à Merrimack, Miloud Chenoufi, enseignant au collège Royal militaire de St

Jean de Toronto, lui consacre une communication « M’Hamed Issiakhem :

Anticipating Cultural Postcolonialism in Algéria ».

- Le développement de l’activité de la galerie Lotus d’Oran. Elle fête le 8

octobre 2010 son premier anniversaire. Moussa Médiène, le maître des lieux,

crée de nombreux événements et rassemblements d’artistes (61), avec une

régularité rare et affirme son lieu de vie comme un pôle de rayonnement

artistique et culturel.

- La formation à la restauration des biens culturels de jeunes étudiants de

l’école des beaux-arts d’Oran, bénéficiant d’un programme de coopération

avec l’association espagnole Restaurateurs sans Frontières (62).

- La poursuite de l’expérience du Festival international de la bande dessinée

d’Alger qui se développe, se densifie, valorise les talents locaux, diffuse la

création des « anciens » et offre un espace d’expression, de qualification, et de

dialogue des compétences et des expertises. Il s’ouvre à des collaborations

internationales, pour exemple la réalisation du dessin d’animation « Papa

Nzenu le chasseur et l’antilope » coproduit par un bédéiste camerounais et le

producteur Djillali Beskri qui déclare sa foi « l’avenir appartient aux relations

interafricaines » (63).

- Ali Dilem est décoré de l'insigne du Chevalier des Arts et des Lettres (64). La

représentante de l’Etat français estime que l’artiste fait « dans la création

intelligente, impertinente et dérangeante parfois ». Au nez et à la barbe d’un Etat,

algérien celui-ci, qui se terre dans « l’incurie de l’ignorance ». Son hommage à

Slim et Saïd Mekbel est l’extrême courtoisie d’un esprit qui a conscience

d’être une conscience, d’un témoin qui prend à témoin d’autres consciences.

 

 

Notes

58/  El Watan 5 décembre 2010

59/  El Watan 3 décembre 2010

60/ El Watan 3 décembre 2010

61/  La Nouvelle République 9 décembre 2010; Le Temps d’Algérie 9 janvier 2010

62/  El Moudjahid 24 octobre 2010

63/  El Watan 17 octobre 2010

64 / Liberté 7 octobre 2010, 12 octobre 2010