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Arts plastiques, arts musulmans, design 2010 - Abrous Mansour, auteur (II / V)

Date de création: 14-05-2011 17:59
Dernière mise à jour: 14-05-2011 22:18
Lu: 1914 fois


 

 CULTURE – ETUDES ET ANALYSES – ARTS PLASTIQUES, ARTS MUSULMANS, DESIGN 2010 – ABROUS MANSOUR, AUTEUR

 (Deuxième  partie)

 

L’Annuaire artistique de l’Algérie 2010 (Fondé en 1998) -  Un an / 1 numéro

 

Directeur de la rédaction : Mansour Abrous

Tél. : 06.85.18.77.47

E-mail : mansour. abrous@gmail.com

 

Objectifs : L’Annuaire des arts en Algérie se veut fidèle à sa

mission d’outil d’information et de source de références pour toute la

communauté artistique, les étudiants, les chercheurs et les praticiens.

 

 « Ce qui est révolutionnaire, c’est le bouillonnement culturel permanent, et

c’est précisément pour cette raison qu’on l’empêche en Algérie » (Kateb

Amazigh)

 

 

 

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collectionneurs et acheteurs internationaux, une vente aux enchères d’art

contemporain arabe » (25).

La méditation officielle Questionnée, comme à chaque fin d’année sur le bilan

de son département ministériel (26), la ministre de la culture, satisfaite, égrène son

bilan « 2010 a été très bénéfique pour l’Algérie en matière de manifestations

culturelles », « l’Algérie possède, aujourd’hui, environ 150 festivals », « le budget de

fonctionnement (de son secteur) est passé de 0,01% en 2000 à 0,72% du budget de

l’Etat ». Elle se dit favorable à « un service public de la culture », ce qui pose la

question suivante : quel est donc, depuis l’Indépendance, l’opérateur du projet

culturel officiel ?.

Stratégie de la limace Souci de prudence ou lenteur maîtrisée ?. Depuis 2005,

le ministère de la culture annonce régulièrement la promulgation du statut de

l’artiste. Au mois de novembre 2010, la ministre évoque un texte portant la

création d’un conseil des arts et de la culture, « bientôt » proposé au conseil du

gouvernement, avec pour principale mission la délivrance de cartes d’artistes (27).

La ministre pousse son raisonnement plus loin et livre les ultimes réflexions du

think tank de son administration « Le coeur du problème de nos artistes c'est la

couverture sociale. S'ils veulent accéder à une caisse de sécurité sociale, ils doivent

être identifiés par une carte d'artiste ».

Les lignes de la main ou l’exigence de l’évaluation Un trimestre durant, la

presse nationale s’est faite l’écho d’un rare dysfonctionnement dans la gestion

des affaires culturelles, impliquant à l’échelle de la wilaya de Tizi-Ouzou, élus,

fonctionnaire, puis ministère.

Il est inutile pour un wali de se muer en agence de notation (« Tizi Ouzou a la

meilleure direction de la culture du pays ») (28), tout aussi ridicule pour un journal de

censurer l’expression légitime d’élus (« Le nihilisme des élus (d’un parti démocrate)

sur le secteur de la culture, ne reconnaissant aucune réalisation et activité, poussant la

critique jusqu’à considérer le secteur dans une totale agonie ») (29), grotesque l’idée

qu’un commis de l’état en charge des affaires culturelles de la région ne doive

pas rendre « spontanément » des comptes sur les missions et les crédits qui lui

sont confiés et révélateur des moeurs politiques en vogue, des collectifs

d’artistes, par déclaration interposée, confirmer ou infirmer un soutien à la

personne incriminée (30).

 

 

Notes

25 Hamza Bounoua, sélectionné par la société Sotheby’s pour une vente aux enchères à Londres « C’est

une fierté pour moi et pour mon pays d’être sélectionné. Pour moi, c’est un signe de

reconnaissance » (El Watan 9 décembre 2010)

26 L’Expression 19 décembre 2010

27 El Watan 7 janvier 2010: El Moudjahid 15 novembre 2010: L’Expression 18 janvier 2010, 27

janvier 2010

28 La Dépêche de Kabylie 7 novembre 2010

29 Idem

30 La Dépêche de Kabylie 9 février 2011, 12 février 2011; Le Temps d’Algérie 8 février 2011; Liberté

12 février 2011, 28 février 2011

 

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Quoi de plus légitime pour une collectivité territoriale de veiller à établir la

tracabilité des finances publiques « déterminée à faire la lumière sur les dépenses

publiques et à veiller sur l’utilisation rationnelle de l’argent du contribuable » (31), à

évaluer la pertinence et la réalité des dépenses programmées et engagées (32). Il

est dans les prérogatives de l’assemblée populaire de wilaya de demander « la

constitution d’une commission d’enquête sur la gestion du secteur de la culture dans la

wilaya de Tizi Ouzou » (33). Commission d’enquête dont la constitution sera rejetée,

avec un argumentaire non motivé, deux mois plus tard, par le ministère de

l’intérieur (34).

Quoi de plus loyal de voir le fonctionnaire, au service d’une politique

publique, signifier sa disponibilité à faire la « transparence » sur les dépenses

au sein du secteur de la culture (35)… pourtant sa première réaction qui fût de

clamer sa défiance à l’adresse des élus et des pouvoirs publics est plus

« interpellante » « J'invite les détracteurs de notre action à apporter la moindre

preuve à leurs accusations » (36).

On pourrait conclure à une cascade d’incompréhensions et d’expressions

déplacées. Non !. Ce qui s’est passé dans la wilaya de Tizi-Ouzou est

l’expression d’une absence de tradition, celle de l’évaluation des politiques

publiques, qui est une exigence démocratique. Au-delà des formes qui ont été

ignorées, des invectives qui sont des ponctuations du délitement du consensus

social et moral, il n’est en rien exagéré ni déplacé de demander des comptes,

d’en rendre et de porter tout cela à la connaissance publique. Il est vrai que

l’Etat est incapable de transparence. A aucune échelle ou niveau de décision de

notre pays, on est tenus de faire un bilan, un vrai. Il est difficile ensuite de le

voir demander à une échelle plus locale. La gestion de ce dossier dévoile l’inhabitude,

depuis des années, d’un nombre très grand de décideurs du champ de

la culture, de rendre des comptes sur la gestion des deniers publics. Leurs (im)

postures « professionnelles » sont en total décalage avec la déontologie du

fonctionnaire et la responsabilité morale du « décideur ». La défaillance de

l’Etat et du ministère compétent est avérée, comme l’est la propension à

confier la gestion de projets culturels à des personnes peu qualifiées ou peu au

fait des règles élémentaires de la gouvernance et de la gestion.

 

Notes

31 Liberté 28 décembre 2010

 

32 Les élus réclament « une décentralisation dans la gestion de l’action culturelle » et demandent à

consacrer l’argent à « la réalisation d’infrastructures culturelles dans les villages dépourvus jusquelà

» (Liberté 10 novembre 2010)

33 Liberté 28 décembre 2010

34 Le Courrier d’Algérie 14 mars 2011; Le Soir 14 mars 2011

35 Le Courrier d’Algérie 3 janvier 2010

36 Le Temps d’Algérie 1 janvier 2010

 

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L’argent pèse trop lourd sur la culture Avantagée par une disponibilité sans

précédent de moyens financiers (37), la culture met aux prises d’un côté le monde

des « intéressés » et ses défenseurs, de l’autre ceux qui s’inquiètent et mettent

en garde contre ce faux enthousiasme, cet engouement pour la culture-événement

qui ne pourra durer. La culture-événement rend enthousiaste les

« capteurs » de crédits, une caste de courtisans, qui pour une exposition, un

catalogue ou un commissariat d’exposition, font allégeance. Ceux qui

s’insurgent ont de bonnes raisons de le faire, car l’absence d’un projet culturel

cohérent, la déficience de la politique de développement culturel, la

désorganisation et l’incompétence de l'appareil chargé de ce secteur mettent le

ministère de la culture dans l’incapacité de proposer une vision et une stratégie

claires pour le présent et pour l’avenir. Le constat est amer et l’échec est

programmé. Les écoles d’art sont en souffrance (38), les acteurs et les projets

culturels sont peu qualifiés, les prescripteurs de publics sont inexistants, la

démocratisation de la culture en panne (39). L’étude « Les droits culturels au

Maghreb et en Egypte », publiée par l’Unesco, début de l’année 2011, et

dirigée pour la partie algérienne par trois chercheurs (40), remarque que la

promotion des cultures spécifiques n’est pas soutenue par une « éducation au

patrimoine culturel » et évoque « le risque de folklorisation » des manifestations,

dont l’aspect événementiel, ayant trait à la valorisation de ces cultures.

Le culte de l’événementiel est sans doute lié à la re-découverte par les

autorités, hommage distancié à notre tradition bédouine, de la tente. Plus

aucun événement n’échappe à l’imprimatur de la « maison mobile ».

L’événementiel à tout va, cette sympathique absurdité, est le symbole du peu

de culture et du peu de conviction et d’ambition pour l’Algérie.

L’événementiel, la suprématie de ce mode de monstration, sa philosophie est

souvent la phase ultime, aboutie, de savoirs faire et savoirs être dans les pays à

fort potentiel culturel, l’incarnation finale de leurs efforts. Il n’est pas

indécence financière, il n’est pas supercherie intellectuelle. Il n’est pas l’alpha

et l’oméga de l’illusion culturelle comme il tend à se scarifier dans la tête de

bon nombre de « responsables ».

 

 

Notes

37 Entre 2003 et 2006, le budget de la culture a connu une hausse de 400%, passant de 74 à 360

millions de dollars

38 Grève des élèves de l’école régionale des beaux-arts de Constantine pour protester contre les

conditions de scolarité (El Watan 11 janvier 2010); Les travaux d'extension et de rénovation de l'école

régionale des beaux-arts d’Azazaga, entamés depuis 2007, sont gelés à cause d'un glissement de

terrain (Le Temps d’Algérie 22 novembre 2010).

39 El Watan 21 novembre 2010 (Le directeur du musée d’art moderne et contemporain d’Alger constate

et tente de comprendre les difficultés d’organiser, en direction du public scolaire, l’accès à l’offre

muséale).

40 Mme Zennaki Dalila et Messieurs Hamdi-Chérif Abdelhafid et Kahloula Mourad

 

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Il y aurait intérêt, bien évidemment, aux projets-événements, s’ils ne

dévoyaient pas les fonds financiers et à moyens constants, dégraissaient les

subsides des autres actions culturelles et institutions. Il y aurait intérêt à

l’événementiel permanisé, s’il était réalisé en régie directe, n’important pas

une ingénièrie, un concepteur, un producteur, une logistique externalisée, s’il

était porté par les corps de métiers du pays que l’on aurait bien formés depuis

des années, que l’on faisait confiance aux intelligences et aux savoir-faire

« indigènes », s’ils n’étaient pas « patronnés » par des prestataires occidentaux

et orientaux, courtisés au seul intérêt de montrer que l’Algérie est attractive et

fréquentable.

L’opacité sera-t-elle toujours à la mode ? Il est bon pour les décideurs, si cela

pouvait les aider à rompre l’opacité de leur fonctionnement, de savoir que tous

leurs actes sont accompagnés d’une défiance absolue.

Pour assécher les suspicions qui couvent au-dessus du « monde officiel de la

culture », de la culture-événement et de sa fonction de « pompe aspirante »

d’argent, nous leur conseillons de s’essayer à la transparence et à l’évaluation

de la performance des politiques culturelles publiques, à la publication des

informations (financements accordés, leur affectation projet par projet,

indiquer les objectifs attendus et mesurer l’impact, la pertinence, l’efficacité et

l’efficience de la manifestation). L’évaluation doit être le levier de la confiance

accordée.

La seule façon de traiter les problèmes culturels de fond passe par une action

politique claire en faveur de la démocratie, de la transparence et de la probité.

Les racines profondes de la crise de la culture sont l’autoritarisme, l’opacité et

la fausse compétence. Seule une action sur ces terrains peut apporter une

réponse efficace à la stratégie désastreuse du pouvoir actuel.

Intuition La refonte du code communal aurait dû inspirer les législateurs pour

faire avancer la question de la gestion des affaires culturelles par les communes

(institutions, patrimoine et projets) et en faire des compétences obligatoires (41).

Sous d’autres cieux, le projet culturel national est financé, à hauteur de 75%,

par les collectivités locales et territoriales. En Algérie, le code communal

prévoit par une série d’articles (42), la possible prise en charge des aspects de la

vie culturelle de la cité dans l’intérêt de la population et la satisfaction de leurs

besoins (éducation artistique, animation culturelle de proximité, création et

diffusion de la création), la mise en valeur du patrimoine et la gestion des

équipements domiciliés sur leurs aires de compétence géographique. La quasi inexistence

d’intervention de cet échelon territorial communal a pour effet de

 

 

Notes

41 El Watan 2 janvier 2010 : Dans l’article « L’année culturelle 2009 », l’auteur estime « il ne s’agit

pas de leur demander (au communes) d’agir directement dans le domaine culturel » et d’ajouter « les

amener (les communes) à encourager les initiatives émanant de leurs administrés ou des associations

relevant de leur territoire ». Encourager les intiatives culturelles et étayer le réseau associatif s’appelle

du développement de l’action culturelle et cela relève du domaine culturel.

42 Articles 94, 149, 151, 159, 163, 227 du code communal