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Benjamin Stora (Novembre 2025)

Date de création: 28-11-2025 13:57
Dernière mise à jour: 28-11-2025 13:57
Lu: 27 fois


HISTOIRE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- BENJAMIN STORA, NOV.2025

Alors que Paris et Alger affichent affichent depuis ces dernières semaines leur volonté de renouer un dialogue plus serein et apaisée, la voix de Benjamin Stora retrouve une place importante. Historien reconnu des deux côtés de la Méditerranée, figure constante de l’apaisement même au plus fort de la crise entre les deux pays, il rappelle que la normalisation reste un objectif possible, mais fragile. Selon lui, elle demeure « complexe en raison du poids de l’Histoire et de la géographie », dans un entretien accordé au journal français Le Télégramme, publié dimanche 23 novembre 2025. Il évoque les « cent trente-deux ans de présence coloniale » et les traces profondes laissées par l’implication de «populations diverses : immigrés algériens, soldats français, harkis ». Il souligne également la proximité entre les deux rives, rappelant que l’Algérie partage « une frontière maritime de plus de 1 400 kilomètres avec l’Europe », ce qui en fait un partenaire incontournable. Pour lui, «les relations entre les deux pays sont à la fois indispensables et difficiles » et « l’Histoire ne pourra sans doute jamais être entièrement apaisée ». Il insiste sur le caractère singulier de la colonisation en affirmant que « l’Algérie n’était pas un protectorat, mais une partie intégrante du territoire français », ce qui a fait de l’indépendance « une perte inédite ». Interrogé sur le travail mémoriel mené depuis plusieurs années, notamment son rapport remis au président Macron en 2021, Stora estime que « ce n’est qu’un début ». Il juge que ces questions ne peuvent pas être réglées par « quelques gestes symboliques et autres grands discours ». Elles nécessitent « une série d’initiatives : l’ouverture réciproque des archives, la poursuite des recherches, l’écoute des acteurs ». Il rappelle que l’histoire franco-algérienne est souvent réduite à la seule guerre d’indépendance alors qu’« elle s’étend sur un siècle et demi». Selon lui, « un tel chantier est par essence long et délicat » et il note avoir vu, depuis 1974, « combien les avancées et les reculs se succèdent ». Si le travail de mémoire reste nécessaire, il précise qu’il n’est « pas forcément un préalable absolu » à la reprise du dialogue, qui doit aussi s’appuyer sur « l’économie, la sécurité, les questions migratoires », tout en encourageant la poursuite de la coopération entre chercheurs des deux rives. Concernant l’Algérie, Stora estime que « le pays n’est pas totalement figé : des journalistes continuent de travailler, des maisons d’édition publient ». Selon lui, les évolutions se font « par à-coups, au gré des rapports de force internes », alors que « le souverainisme politique demeure très affirmé ». À propos de l’arrestation puis de la libération de Boualem Sansal, il rappelle que « les frontières de l’Algérie ont été dessinées par la France », et que dans l’ouest du pays « le sentiment d’appartenance algérien est profondément ancré », ce qui explique le rejet de toute idée de rattachement au Maroc. Il mentionne Mascara, « capitale de l’émir Abdelkader », comme un lieu « au cœur de l’Histoire nationale ». Le sentiment national, affirme-t-il, « a eu le temps de s’enraciner et de se forger ». Alors que Paris a opté récemment pour une diplomatie plus discrète, Stora estime que « la relation doit se construire d’État à État, dans un rapport d’égalité ». Il met en garde contre les discours français trop fermes qui « réactivent en Algérie l’image d’un ministère de tutelle qui se mêle de ses affaires comme à l’époque coloniale ». Pour lui, « la seule voie valable reste celle du respect mutuel », une formule qui résonne avec le réchauffement actuellement recherché par les deux gouvernements. Face aux discours politiques évoquant une « colonisation à rebours », il affirme qu’«il est crucial de sanctuariser les acquis historiques ». Il rappelle plusieurs gestes officiels dont « restitution de la carte des mines sous Sarkozy, reconnaissance du 17 octobre 1961 sous Hollande, reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin sous Macron ». Ce qui l’inquiète, dit-il, c’est « la possibilité d’un détricotage de ces avancées ». Pour lui, « la colonisation n’a jamais été une entreprise civilisatrice » et le sujet reste « sensible bien audelà de l’Algérie ». Il estime enfin que le souvenir de la conquête reste « largement méconnu » en France et qu’« il n’a jamais été véritablement enseigné ». Beaucoup imaginent « une conquête pacifique » et pensent que la France aurait « créé l’Algérie en 1830 », alors que des figures comme « l’émir Abdelkader, érudit, poète et savant entouré de milliers de livres », témoignent d’« une société déjà structurée». S’il reconnaît que « le poids de l’Histoire est indéniable », il rappelle que «la France actuelle n’est plus celle de 1930». Le régime colonial reposait sur «une classification raciale des populations», mais « les imaginaires coloniaux persistent dans la société ». La décolonisation, conclut-il, « n’a pas entraîné la disparition immédiate de ces représentations profondes »