VIE POLITIQUE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RÉCIT SAID SADI- « MÉMOIRES.L’HISTOIRE
COMME MIROIR. 2007-2019 »
Mémoires.L’Histoire comme
miroir.2007-2019.Tome V. Récit de Said
Sadi. Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2025. 395 pages, 2 500 dinars
78 ans en juillet 2025. Et, 23 années de
responsabilité partisane (jusqu’au 9 février 2018, lors du 5ème congrès
du parti)....et bien plus en activités politiques.Une
retraite qui , en réalité, n’en est pas une .Et, pour les mordus de la
vie politique nationale , un cinquième (et dernier ?) tome de ses
mémoires. Couvrant la période allant de 2007 à 2019.
Ce cinquième tome n’est pas très différent de ceux qui l’ont précédé :
un gros pavé .Heureusement, on est saisi , dès
l’entame, par un récit....facile à lire.Car, un
récit passionnant qui rapporte les grands et petits détails, les hauts et les
bas du parcours de l’auteur. Si nombreux que ,
souvent, on s’y perd. Normal, tant il est vrai que la vie politique nationale
des années couvertes a été riche en événements
et surtout en rebondissements. Pas seulement au niveau des sommets des pouvoirs
en place , mais aussi au niveau des formations
politiques et de leurs directions, le Rcd y compris
. Ainsi, ce qui a suivi le départ de la direction du parti
n’ a pas été parsemé de roses , amenant à s'interroger tant
les militants, tout particulièrement les « anciens » , que
le « père fondateur ». Qui s’est volontairement abstenu
-ce qui ne fut pas aisé chez quelqu’un qui a été très actif durant près de
trois décennies - de toute activité pouvant perturber la marche et/ou
l’existence du parti.
On a donc, revisitées, les cinq dernières années passées à la
tête du Rcd, ainsi que celles qui ont précédé le Hirak de 2019 .Revisitées, on le devine, avec le style
particulier de l’auteur : style engagé , militant, s’enfermant, et cela
est compréhensible et c’est alors bien franc et clair, dans des jugements sans
appel sur le système politique , sur les pouvoirs , sur l’histoire, sur
la guerre de libération nationale, sur l’identité berbère,sur
les langues , sur la religion ...... sur fond d’obsession sécuritaire.Il est vrai que pour lui, la libération
politique des concitoyens n’est pas uniquement le fait du baroudeur et que
l’émancipation citoyenne devait beaucoup plus au combat culturel. Il est vrai ,aussi, qu’il en a souffert, tout particulièrement au
début de sa carrière politique, le système en place n’ayant pas pris des gants,
avec un homme et un parti, accusé , bien souvent, de laïco-démocratique, de régionaliste, de .....La plupart du
temps, du n’importe quoi !..... Ajoutez à tout cela l’impression que le
parti déviait de son cours originel, entraînant un « effacement ».
L’Auteur : Né le 26 août 1947.Médecin psychiatre. Plusieurs fois
emprisonné pour son militantisme pour la langue et la culture berbères, les
Droits de l’Homme et les libertés démocratiques.Fondateur,
en février 1989, du Rcd.....dont il sera
président jusqu’à mars 2012.Il a été , aussi, député (Apn)
et candidat à une élection présidentielle . Auteur de plusieurs ouvrages.
Sommaire : Avant-propos/ XII chapitres/Index des noms propres
Extraits : « L’atmosphère de suspicion mine les structures et cause plus de
dommages que l’attaque contre un dirigeant. Mais ces opérations ne prospèrent
que lorsqu’il a eu au départ une frustration, une contrariété qui sert de
point d’ancrage à la manipulation » (p76), « Dans la conjoncture
politique d’alors, notre parti était de loin la formation politique de
l’opposition algérienne qui avait la meilleure assise organique et le projet le
plus cohérent » (p110), « Quand la Kabylie bougeait seule, le pouvoir
avait tôt fait de crier au séparatisme et au complot de l’étranger ; si
elle ne bougeait pas, la revendication démocratique restait orpheline de cadre
organisé » (p126), « En Algérie, le pouvoir est un peu comme ce père
qui maltraite sa famille ; il ne veut ni se regarder ni qu’on le regarde.pour échapper à un examen de conscience et au
jugement des autres, il doit attirer l’attention sur les aboiements du chien du
voisin ou les branches de son arbre qui débordent sur son jardin » (p 290),
« Le Hirak a échoué pour trois raisons (selon N.
Boukrouh) : le nihilisme, « yetnehhaw gaâ, ils vont tous être
enlevés », le covid et l’entrisme islmsuite » (p 385), « Une langue n‘est pas un
habit que l’on change , ce ne sont pas des sonorités qui peuvent être étouffées
par d’autres.Ce sont des relations à soi et au monde,
un ressenti et une manière d’être qui ne peuvent pas être occultés par
des doctrinaires qui veulent réinventer l’histoire du peuple » (p386)
Avis :Encore un pavé (le
dernier ?) fourmillant d’informations sur la vie politique contemporaine
-perturbée - du pays. Un peu trop de détails éloignant de l’essentiel.
Peut-être ?......mais nécessaire.Se
lit d’un trait. Prix de vente élevé......et ne pas tenir compte des
élans-légitimes- d’auto-satisfaction et de l’obsession sécuritaire.
Citations : « La mémoire n’est pas l’histoire .Elle
en est la sève.C’est elle qui fixe et restitue des
évènements bruts constituant la substance sur laquelle les scientifiques
élaborent avec méthode et distance les récits qui permettent de mieux saisir
les subtilités du monde d’hier » (pp 15-16), « La déni historique
coûte cher, très cher aux Algériens. D’une part, la sacralisation et
l’invocation abusive de la guerre de libération pour légitimer échecs, prédations
et violences ont stérilisé la réflexion et la recherche ; d’autre part,
des segments entiers des nouvelles générations ne trouvant pas réponse à leurs
questionnements et aspirations dans ce narratif deviennent les proies des
sirènes du fondamentalisme islmamiste »
(p19), « Favoriser l’émergence d’une nation est assurément une belle œuvre.Encore faut-il savoir la faire vivre »
(p24), « L’âge avançant, les ardeurs s’émoussent et, si l’on n’y
prend garde, le confort atrophie vite les ressources originelles du militantisme.L’amnésie de la conviction est une menace qui
pèse lourd sur les moments d'atonie politique » (p 36) ,
« Depuis l’avènement de l’islamisme, l’Algérien n’est serein et
disponible que lorsqu’il est hors
de son pays « (p38), « Une des grandes failles de la psyché
de l’Algérien ordinaire, c’est qu’il refuse de se voir dans le miroir qui lui
est présenté quand il faut analyser son vécu et évaluer ses actes » (p
61), « Un peuple n’est jamais guéré de ses
démons et le pire est toujours possible.Dans les
années 40, on a idolâtré les poils d’une barbe, aujourd’hui, on se prosterne
sans vergogne devant un poster » (p 207), « Comme c’est souvent le
cas dans les pays du Sud, les grisailles qui voilent l’horizon sont zébrées,
l’espace d’un jour, par le divin football » (p229), « Eternelle
malédiction : l’Algérien vit dans l’instant et par l’instinct »
(p236), « Les épreuves de la vie politique ne sont pas uniquement celles
que vous inflige l’adversaire » (p269), »En politique, celui qui a
réussi n’est pas celui qui a imposé le monopole de la force brutale, mais celui
qui a marqué de son empreinte les consciences de ses concitoyens » (p315),
« L’islamiste, c’est bien connu, ne se soumet à aucune contrainte.S’il
tue, c’est pour éliminer un infidèle ; s’il vole, c’est pour appauvrir le
mécréant et s’il ment c’est pour valider son point de vue qui, évidemment, ne
souffre d’aucune discussion » (p383), « Quels que soient son
visage et son expression, l’islamisme avance toujours sur le cadavre de la
liberté »( p 387)