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Journalisme et Intelligence artificielle/Entretien Ahcene Djaballah Belkacem, Horizons, octobre 2025

Date de création: 26-10-2025 17:18
Dernière mise à jour: 26-10-2025 17:18
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COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- JOURNALISME ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE/ENTRETIEN AHCENE DJABALLAH BELKACEM.HORIZONS, OCT.2025

 

© Assia Boucetta/Horizons, jeudi 23 octobre 2025

Belkacem Ahcene Djaballah, universitaire, auteur et journaliste indépendant, recommande de «ne pas laisser son intelligence démissionner» face à l’IA.

Le journalisme comme tout autre métier ne peut échapper à la révolution numérique. L’IA s’est immiscée dans toutes les rédactions dont beaucoup étaient peu préparées à cette mutation silencieuse. Des questions se posent et s’imposent, ainsi, sur cet outil aussi fascinant, efficace que menaçant pour la pensée humai­ne, la créativité et le sens critique du métier.Dans cet entretien, Belkacem Ahcene Djaballah, ancien professeur associé des Universités, journaliste indépendant, auteur, ayant occupé plu­sieurs hautes fonctions dans des institutions de l’État, revient sur l’importance de la formation des journalistes à l’IA qui doit, selon lui, être un outil de travail et non un substitut à l’intelligence humaine.

Quels sont, selon vous, les avantages concrets de l’intelligence artificielle pour les journalistes et les rédactions aujourd’hui?: L’intelligence artificielle peut constituer une aide inestimable pour accumuler des connaissances et les diffuser. Cependant, tout comme toute autre nouvelle technologie de la communication, elle comporte aussi des aspects négatifs. Il ne faudrait pas que l’élément artificiel occulte le rôle essentiel de l’intelligence natu­relle, à la base de toute créativité et qui a un rôle irremplaçable. Ce qui est normal du fait que notre intelligence repose sur des percep­tions, des sensations et des sentiments, qui pèsent sur la manière dont les événements sont saisis pour influencer directement la compréhension.L’IA est utile dans le domaine scientifique et technologique, mais elle doit être un outil d’appui dans le travail journalistique où l’être humain doit rester impliqué dans l’écriture et l’analyse. L’outil est bénéfique, à condition d’être utilisé avec précaution et de demeurer un simple assistant à la réflexion humaine, jamais un substitut à la pensée critique et à la sensibilité du journaliste.

Peut-elle, à votre avis, libérer le journaliste des tâches répétitives, de relecture et de correction, pour lui per­mettre de se concentrer sur l’analyse du sujet traité?: Elle facilite surtout le travail de documentation et de collecte d’informations, notamment dans les domaines technique ou scien­tifique. Mais le journaliste ne doit pas laisser son intelligence démissionner face à ce que lui fournit la machine. L’IA commet encore de nombreuses erreurs, près de 30 à 40%, selon les estima­tions, car elle repose sur ce qui a déjà été écrit ou produit.Or, tout ce qui circule aujourd’hui n’est pas forcément fiable. Il faut donc redoubler de vigilance et vérifier chaque donnée. L’intelligence artificielle doit rester un outil d’assistance. Elle peut aider à gagner du temps, mais la rigueur, le sens critique et la nuance demeurent des qualités humaines irremplaçables.

Peut-on considérer l’intelligence artificielle comme une véritable révolution pour les médias ou une arme à redouter?: Elle accélère la circulation de l’information et élargit le champ d’action du journaliste. Mais il faut éviter la précipitation, source d’erreurs parfois graves. En se basant uniquement sur les contenus existants, on risque de diffuser des informations fausses ou incom­plètes, d’où l’importance de bien vérifier les sources d’information. Il est donc essentiel de ne pas sacraliser l’intelligence artifi­cielle qui peut parfois nous jouer des tours avec notamment les fake news.Cette technologie représente une évolution majeure, certes, mais elle ne remplace ni le discernement ni la responsabi­lité éditoriale. Le véritable progrès réside dans la capacité du jour­naliste à conjuguer rapidité technologique et profondeur humaine dans le traitement de l’information.

L’IA peut-elle stimuler la créativité ou menace-t-elle d’affaiblir la dimension humaine du métier?: Les outils modernes simplifient le travail, mais ce qui compte, c’est l’usage qu’on en fait. Le contenu prime sur la technologie. Ce sont les questions, les idées et la manière de traiter l’information qui font la valeur d’un travail journalistique. La technologie ne doit jamais devenir une fin en soi, mais rester au service de la pensée et de la créativité du journaliste. L’IA peut aider à complé­ter une analyse, mais elle ne remplace pas le discernement humain. L’essentiel reste la qualité de la réflexion. La créativité véritable naît de la sensibilité et de l’expérience, deux dimensions que la machine ne peut ni ressentir ni reproduire.

Quel rôle doit jouer le journaliste dans un futur dominé par l’intelligence artificielle?: Le journaliste ne sera dépassé que s’il se contente de la routine. Il doit évoluer avec son époque, s’adapter aux outils et se former en continu. Informer implique aussi une forme d’éducation. Le journaliste doit lui-même s’auto-former pour rester à la hauteur des événements, qui se déroulent à un rythme rapide. S’il ne s’adapte pas, il sera inévitablement dépassé, au détriment de la profession et du lecteur. Le journaliste doit connaître les outils modernes pour rester à l’avant-garde. Mais au-delà de la maîtrise technique, son rôle reste avant tout d’interpréter, de donner du sens et de préserver la dimension humaine de l’information. C’est cette responsabilité éthique et intellectuelle qui garantira sa place dans un avenir dominé par l’intelligence artificielle.

Faut-il une formation spécifique en intelligence artificielle pour les journalistes afin d’en tirer le meilleur parti tout en évitant les dérives?: Le journaliste doit avant tout se former par lui-même. Les ins­titutions peuvent l’accompagner, mais c’est à l’université d’assurer la formation de base et de mettre à jour régulièrement leur pro­gramme de formation pour qu’il soit adapté aux mutations tech­nologiques. Ensuite, dans son environnement professionnel, le journaliste doit s’adapter aux nouvelles techniques. Il ne faut pas attendre que d’autres le fassent à sa place. Je suis personnellement réservé sur les formations improvisées. Les journalistes doivent prendre ce volet en charge et se former en continu pour pouvoir s’adapter à la nouvelle donne au risque d’être dépassé par l’évolution de ce métier.

L’intelligence artificielle peut-elle aider les petites rédac­tions à rivaliser avec les grands groupes de presse, dans la mesure où elle peut remplacer l’humain dans certaines tâches? L’IA est un outil. Si on ne la maîtrise pas, elle reste sans effet, quelle que soit la taille de l’entreprise qu’on gère. Les grands groupes disposent certes de moyens, mais les petites rédactions ont, elles aussi, leur proximité et leur réactivité. Tout dépend de la compétence humaine, car c’est l’intelligence naturelle, ouverte sur le monde et la modernité, qui fait la différence. Ce sont la créati­vité, l’engagement et la connaissance du terrain qui permettent aux petites rédactions de se distinguer, bien plus que la puissance technologique.