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Catholicisme/ Eglise de Constantine Hippone

Date de création: 21-10-2025 17:50
Dernière mise à jour: 21-10-2025 17:50
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CULTURE- RELIGION- CATHOLICISME/ ÉGLISE DE CONSTANTINE HIPPONE

L'Église de Constantine-Hippone approfondit sa filiation avec saint Augustin

© https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2025 /Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican

 

Siège diocésain autrefois dirigé par saint Augustin lui-même, l’Église de Constantine-Hippone en Algérie voit son nouvel évêque ordonné ce samedi 18 octobre. Mgr Michel Guillaud, en Algérie depuis 20 ans, était jusqu'à présent administrateur de ce diocèse vacant. Avant son ordination épiscopale ce samedi en la basilique de Saint-Augustin à Annaba, nom actuel d'Hippone, il nous évoque toutes les particularités de cette Eglise locale. Entretien.

A quoi ressemble la vie spirituelle dans votre diocèse?

L’état de santé spirituel est bon. Nous avons une belle communion entre nous. D’autant plus que chaque paroisse est éloignée de plus de 100 kilomètres l'une de l'autre. Nous avons toujours bonheur à nous retrouver, à nous stimuler ensemble. Nous avons sept lieux dans sept villes avec un lieu de culte et une communauté. Il y a des chrétiens dans d'autres endroits, mais qui quelquefois font plus de 100 kilomètres pour rejoindre la communauté chrétienne le week end. Nous avons un grand territoire, une grande population. Nous sommes une petite Église numériquement, très variée. La majorité des fidèles sont des étudiants d'Afrique subsaharienne à qui l'Algérie donne généreusement des bourses sans s'enquérir de leur religion. Elle les accueille qu'ils soient chrétiens ou musulmans. Il y a aussi quelques enfants du pays qui ont adhéré et qui suivent le Christ. Il y a des prêtres et religieuses qui en général viennent de l'étranger, que ce soit du continent africain, européen, américain.

Cette variété nous amène des défis comme le défi linguistique. Il s'agit de parler à la fois en français, qui est la langue un peu traditionnelle de l'Église locale historiquement, mais aussi en anglais, parce que beaucoup des étudiants sont anglophones et que l'Algérie aujourd'hui fait le choix de l'anglais comme première langue étrangère, ce qui est une nouveauté. Il faut parler aussi en arabe, éventuellement en tamazight, la langue des chaoui ou des Kabyles. Il y a aussi des lusophones. Derrière les langues, il y a aussi les différences de cultures, y compris dans les manières de célébrer. Mais nous vivons cela avec bonheur et avec joie.

Comment l’héritage historiquement lointain de Saint Augustin, évêque d’Hippone, demeure-t-il présentement vivant?

Plus que jamais. D'abord parce que nous avons la basilique Saint-Augustin sur la colline d'Hippone, dans la ville aujourd'hui d'Annaba qui est bien visible et qui est un lieu où affluent les visiteurs, à 90% ou 98% des Algériens musulmans, et heureux de ce patrimoine. Pour nous, c'est aussi la seule église de notre diocèse. C’est à dire le seul bâtiment construit pour être une église. Tous nos autres lieux sont des salles aménagées, bien aménagées, mais n'ont pas été construits comme église, cela peut être le sous-sol d'une maison.

Saint Augustin est le patron de notre diocèse, et il a pris une actualité encore nouvelle avec notre Pape Léon XIV, dont l’une des premières phrases a été de dire "je suis fils d'Augustin". Tous les Algériens ont tremblé en se disant “Est ce qu'il est d'Algérie?Ils se sont mis à chercher un Mohamed Prevost. Et puis ils ont compris que ce n'était pas, bien qu'Américain, fils ou petit fils de migrant, quelqu'un d'origine algérienne, mais que sa filiation avec Augustin était d'un autre ordre.

Pour nous, comme pour les Algériens, nous nous sommes réinterrogés sur ce que cela signifie d'être fils d'Augustin. Est-ce uniquement par fierté, parce qu'il a grimpé presque au sommet de l'Empire romain? Est-ce parce que c'est l'Algérien le plus connu dans le monde, au moins dans les universités de philosophie ou de théologie? Est-ce parce qu'il y a, dans la manière dont il a vécu et dans quelques aspects de sa pensée, quelque chose qui est toujours source d'inspiration? Cela nous a renvoyés à tous cette interrogation.

Quelle est la teneur du dialogue interreligieux avec les musulmans dans votre diocèse?

C'est le quotidien de nos vies. Il y a beaucoup de journées où l’on ne rencontre que des musulmans. Que l'on soit étudiant à l'université, que l’on soit prêtre ou religieuse. Ceux qui franchissent le seuil de nos lieux d'Église sont d'abord des musulmans qui viennent par amitié pour une activité, pour une visite.

Nous n'avons pas beaucoup de choses au plan institutionnel mais ce n'est pas d'abord ce que nous cherchons. Les Algériens ont la sensibilité spirituelle à fleur de peau. Là où dans d'autres pays, la sécularisation prédomine, ici nous exprimons la foi qui nous habite de facon très spontanée. C’est un partage presque quotidien. C'est très fort.

Quelles vont être vos priorités pastorales?

Elles ont déjà été fixées par le précédent évêque et demeurent: se structurer dans notre foi chrétienne, affermir la communauté locale et creuser nos relations avec les autres, avec le monde musulman. J'ai évoqué le défi des langues et des cultures différentes, mais il y a aussi celui de la communauté. Nous avons des paroisses où il n'y a pas de prêtre à demeure et qui ont la messe dominicale deux fois par mois. Mais elles se réunissent régulièrement.

Qu'est ce qui fait une communauté? Est-ce d'abord la présence d'un prêtre ou est-ce la présence de chrétiens qui se réunissent, s'organisent, y compris pour partager ensemble sur la Parole de Dieu? J'étais à Béjaïa, l’une des paroisses du diocèse. Ils ont un prêtre deux fois par mois le vendredi, puisque nous célébrons la messe dominicale le vendredi, jour de congé. Le dimanche, tout le monde est au travail ou aux études. Le vendredi où il n'y a pas de prêtre, ils se réunissent, ils célèbrent, deux d'entre eux, à tour de rôle. C'est une mission. Ce n'est pas une question de volontariat. Qui commente la Parole de Dieu? Comment retentit-elle dans leur vie? Il faut vraiment que chaque communauté arrive à vivre cela. Quand il y a un prêtre, c'est une grâce supplémentaire et on célèbre l'Eucharistie.

Nous avons bien sûr le défi des permanents d'Églises, prêtres, religieuses. Nous manquons aussi de volontaires, pour animer nos communautés, pour un certain nombre de services. L’économe doit etre renouvelé. La difficulté d'obtention de de visas nous ralentit. Il y a un défi aussi de ressources matérielles dans une Église dont dont les fidèles sont à 90% des étudiants. On essaie de faire face, on a confiance. Le Seigneur a fondé son Église, il a son projet. Comme le dit Augustin, on chante "l'Alléluia de la route", c'est-à-dire l’Alléluia de la certitude que le Seigneur nous accompagne, même si, c'est un Alléluia quelquefois difficile, mais il nous porte.

Selon vous, quel est le témoignage de votre Église locale au sein de l’Église universelle? Que lui dit-elle?

L'Église universelle sait ce qu'elle reçoit et ce qui la touche. Nous essayons d'avancer très modestement. Devant les vicissitudes, nous essayons de continuer à aimer, chanter et avancer. Ce sont les trois mots de la pensée d'Augustin que j'ai retenu comme devise “aime, chante et marche et va de l'avant”. Chaque Église a ses défis. Mais là aussi, c'est signe d'encouragement. Que l’on s’encourage mutuellement est précieux.

En cette Année sainte du Jubilé, aussi celle de votre ordination épiscopale, quelles espérances chérissez-vous?

A mon ordination, le 18 octobre, il va y avoir peut être 400 personnes. C'est la capacité maximale de la basilique. Parmi eux, je pense qu'il n'y aura pas plus de la moitié, sans doute moins de la moitié, qui seront des catholiques. Une part d'entre eux seront les étudiants d'Afrique subsaharienne, d'autres dénominations chrétiennes. Au moins un tiers seront des amis musulmans, peut-être plus encore. Le défi pour nous, c'est vraiment que la bonne nouvelle que nous annonçons, dont nous sommes porteurs, soit bonne nouvelle pour tous. Qu’elle ne soit pas ressentie comme une menace, comme une concurrence, comme un travail pour nous, mais un travail au service de tous. Une Bonne nouvelle pour tous.