COMMUNICATION-
ETRANGER- USA/MÉDIAS ET TRUMP 2025
© Afp, 20/9 /2025
La suspension de l’animateur Jimmy Kimmel s’inscrit
dans une série de concessions des grands médias, soumis à une forte pression du
gouvernement Trump, pour préserver leurs intérêts économiques quitte à reléguer
la liberté d’expression au second plan.
Avant
le retrait de la grille du talk-show «Jimmy Kimmel
Live !» annoncée mercredi par la chaîne ABC, pour des commentaires jugés
déplacés après l’assassinat de l’influenceur ultraconservateur Charlie Kirk,
CBS avait annoncé, en juillet, la suppression de l’émission concurrente, «The Late Show» de Stephen Colbert. Celui-ci avait qualifié de «bon gros pot-de-vin» l’indemnité de 16 millions de dollars
versée par Paramount Global, maison mère de CBS, pour solder une procédure
intentée par Donald Trump. En décembre, ABC, déjà, avait accepté de régler un
autre contentieux qu’il avait aussi initié, en déboursant 15 millions de
dollars.
L’affaire
Kimmel a été amplifiée par un commentaire du patron du régulateur américain des
communications (FCC), Brendan Carr, nommé par Donald Trump, dénonçant les
déclarations de l’humoriste et appelant à une réponse. Jeudi, l’ex-rivale de
Donald Trump à la présidentielle Kamala Harris a fustigé sur X un «abus de pouvoir pur et simple» et une «attaque frontale
contre la liberté d’expression». Mais «les audiences
de Jimmy Kimmel sont mauvaises depuis longtemps», a commenté Jeffrey McCall,
professeur à l’université DePauw. Selon lui, ABC et
Disney (maison mère) se sont surtout décidés «par
rapport aux recettes publicitaires». Pour Ken Paulson, directeur du centre de
la liberté d’expression de la Middle Tennessee State University, «les entreprises se fondent uniquement sur des
considérations financières et ne protègent pas les intérêts du public».
La plupart des juristes s’accordent à dire que la
justice aurait débouté Donald Trump ou son gouvernement dans tous ces dossiers.
Mais, sur le cas Jimmy Kimmel, ABC a décidé qu’«il
n’était plus viable sur le plan des audiences et des revenus», estime Jeffrey
McCall. L’épisode Colbert est lui intervenu alors que la FCC devait statuer sur
le projet de rachat de Paramount Global par la société de production Skydance, feu vert obtenu quelques jours plus tard. Fait
sans précédent connu, la FCC a notamment obtenu de Skydance
la promesse d’adopter «des mesures de nature à
corriger les biais qui ont sapé la confiance (du public) dans les médias
nationaux». Dans le cas de Jimmy Kimmel, le groupe Nexstar,
qui contrôle plus de 200 stations locales aux Etats-Unis, a décidé le premier
de ne plus diffuser le talk-show après l’appel de Brendan Carr. Or l’entreprise
texane attend la validation, par la FCC, de l’acquisition de son concurrent Tegna, dévoilée en août. Plusieurs éditorialistes de droite
ont opposé aux critiques sur la suspension de Jimmy Kimmel l’exemple du
licenciement, en 2023, par la chaîne Fox News, appréciée des conservateurs, de
Tucker Carlson, objet de campagnes pour dissuader les annonceurs.
Revenait aussi le nom de la comédienne Roseanne Barr, débarquée par ABC en 2018 de son propre
sitcom, Roseanne, pour un tweet à caractère raciste. «Ce n’est absolument pas comparable», rétorque Ken Paulson. «Quand le public est mécontent, les chaînes peuvent en tenir
compte. Quand c’est le gouvernement, c’est de la coercition.»
Jeudi,
Donald Trump a évoqué la suspension de licence pour les chaînes qui seraient «contre (lui)». Dans un contexte d’offensive contre les
médias généralistes, considérés comme trop à gauche par le gouvernement Trump,
le Congrès a adopté en juillet une loi supprimant la totalité de la subvention
prévue pour l’audiovisuel public américain ces deux prochaines années. Jeffrey
McCall rappelle que la FCC n’a autorité que sur les grandes chaînes hertziennes
et pas sur la télévision câblée ou les plateformes en ligne. Pour autant,
certains craignent de voir la famille Ellison, proche de Donald Trump et déjà
aux manettes de Paramount Global, prendre le contrôle de Warner Bros Discovery
(une offre serait en préparation), et plus particulièrement de la chaîne
d’information CNN, bête noire des conservateurs.