COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- JOURNALISME/SOURCES
©Pr
Ahmed Cheniki, Fb, août 2025
Il faut bien le constater : une part non négligeable
du journalisme contemporain, notamment dans la presse algérienne, semble s’être
installée dans une zone grise où l’imprécision devient méthode, et l’indéfini,
principe de narration. Les expressions telles que « un observateur averti », «
de source autorisée », ou encore « un proche du dossier » pullulent dans les
reportages et les enquêtes, comme si l’anonymat flou pouvait suffire à garantir
la crédibilité d’une information. À cela s’ajoutent des prénoms sans noms, des
initiales souvent fictives, des identités fabriquées, qui transforment le récit
journalistique en une sorte de théâtre d’ombres où l’événement réel disparaît
derrière le rideau de l’à-peu-près. Cette pratique se trouve aussi dans de
nombreux titres de la presse « occidentale »
Dans ce jeu d’écriture, l’événement est souvent exclu,
la « révélation » noyée dans les rets du mensonge, ,
mais mais par le confort et la paresse
intellectuelle. Trop de journalistes semblent avoir renoncé à l’effort de
terrain, à la confrontation des sources, à la patience nécessaire pour
construire une information solide. Se déplacer, consulter toutes les parties,
croiser les témoignages, autant de gestes professionnels devenus rares, car
jugés trop fatigants pour une brève qui ne tiendra qu’en quelques lignes.
Aujourd’hui, même dans la presse européenne, il n’y a qu’une seule voix (e), un
discours monologique, évacuant toute possible polyphonie.
Certes, toute enquête est traversée par des jeux de
subjectivité. Mais cela ne dispense pas du devoir de rigueur. L’acte
journalistique, même dans sa plus modeste expression, appelle à être accompli
avec sérieux. Le commentaire et la « chronique », trop souvent utilisés comme
substituts à l’information, manquent le plus souvent de faits. Il devient une
gymnastique solitaire, une performance d’écriture qui évacue toute instance
informative. Cette dérive est particulièrement visible chez certains
chroniqueurs, qui répudient l’actualité pour se réfugier dans une prose truffée
de clichés et de stéréotypes, références historiques, philosophiques ou
politiques, rarement explicitées. Des sermons. Comme si tout était évident. Or,
on nous a enseigné une vérité trop simple pour être négligée : rien n’est
évident, ni indéniable . L’évidence, dans la presse,
est un piège, un espace mortifère où la pensée s’éteint.
Ce manque de prudence engendre des malentendus
fâcheux, des césures tragiques, et une inflation de mises au point souvent
inutiles. L’absence d’un véritable conseil de l’éthique, dont l’existence
actuelle semble plus virtuelle que réelle, aggrave encore la situation. Le
journalisme, comme le discours politique, s’enlise dans les sentiers trop
confortables de l’approximation et de la précipitation. On écrit vite, on
publie sans relire, on commente sans vérifier.
Le vrai journalisme, celui qui mérite ce nom, est
cerné par des garde-fous : la vérification des faits, la distance critique, la
responsabilité éthique. Il repose sur une syntaxe juste, une écriture qui ne
trahit pas les faits, mais les éclaire. Écrire, c’est aussi éviter de blesser
injustement les acteurs de la vie sociale, politique, culturelle ou économique.
C’est aller au fond des choses, découvrir les mécanismes, révéler les enjeux,
sans céder à la facilité du sensationnalisme.
Le lecteur, lui, est juge. Il évalue la parole du
journaliste, du chroniqueur, et attend une écriture claire, accessible, débarrassée
de toute tentation narcissique. Le journal s’adresse à un large public, ce qui
exige une pédagogie du langage, une volonté de rendre intelligible ce qui est
complexe, sans jamais sombrer dans l’hermétisme.
Malgré toutes ces faiblesses, parfois structurelles,
qui caractérisent une grande partie de la presse algérienne, souvent à la
limite de la légalité (avec l’assentiment tacite de certaines structures
étatiques), en ne déclarant pas ses journalistes, en les sous-payant, en
l’absence d’un syndicat digne de ce nom, il faut reconnaître que la presse
privée est, dans bien des cas, plus audacieuse et plus avancée que la presse
publique, trop souvent engluée dans une médiocrité institutionnalisée. Il faut
reconnaitre aussi que les règles ne semblent pas claires à tel point qu’on ne
sait pas comment fonctionne la distribution de la rente publicitaire qui
devrait-être libéralisée.