Les
étudiants algériens sont très intéressés par l’émigration. Ils sont plus de 75%
à vouloir tenter leur chance sous d’autres cieux, dans l’espoir de décrocher un «meilleur emploi» à l’issue de leur formation
universitaire. C’est ce que révèle une étude réalisée par trois sociologues, en
l’occurrence Zahir Hadibi,
Yasmine Musette et Sonia Kherbachi.
Pour leur enquête menée en 2024, les
chercheurs ont choisi un échantillon de 474 étudiants de l’universitaire de
Béjaïa. Cette étude révèle que 75,9% des étudiants souhaitent émigrer, souvent
dès l’obtention de leur baccalauréat. Ils avancent leurs raisons. Elles
concernent «la précarité de l’emploi en Algérie»,
«l’attractivité des opportunités professionnelles à l’étranger (94% perçoivent
plus d’opportunités hors Algérie contre 36% localement)» et «le rôle important
des réseaux familiaux dans le choix des destinations migratoires». «L’employabilité constitue un défi majeur pour l’université
et l’économie algériennes, avec un fort décalage entre la formation académique
et le marché de l’emploi.
Malgré une baisse générale du chômage en
Algérie entre 2003 et 2018, le taux de chômage des diplômés du supérieur reste
préoccupant (18,5% en 2018), particulièrement pour les femmes (23,6% contre
12,2% pour les hommes)», rappellent les chercheurs.
Selon le même document, la France demeure la première destination envisagée
(43,6%), suivie du Canada (30,5%). «L’intention de
migration est influencée par plusieurs facteurs : classe sociale, capital
culturel (niveau d’instruction des parents), employabilité perçue, et capital
social (réseaux familiaux à l’étranger).»
Cette
intention d’émigration des diplômés de Béjaïa, lit-on dans le même document, «est largement motivée par la recherche de meilleures
perspectives professionnelles et une valorisation de leur capital humain, dans
un contexte national où le chômage persistant et l’inadéquation
formation-emploi limitent leurs opportunités». «La
comparaison des résultats de notre enquête avec l’étude menée en 2017 sur trois
universités, dont un échantillon de 58 étudiants de Béjaïa (OIT 2018) sur
l’insertion des diplômés universitaires, révèle des différences significatives
à deux niveaux relatifs», notent les trois chercheurs. Selon le sexe,
notent-ils, «ils étaient, selon l’enquête de 2017,
plus de 68% à avoir l’intention de franchir les frontières pour les garçons
contre 39,6% uniquement pour les filles». «Or, en
2024, ils sont à 72,8% des garçons (dont 58,3% ont entamé les démarches) et
77,4% des filles, dont 49,5% ont engagé le processus de départ», soulignent les
chercheurs.
Concernant l’intention de migration,
expliquent aussi les chercheurs, «en 2017, les jeunes
diplômés des promotions 2014, 2015 et 2016, sont partagés presque d’une manière
égale à propos de l’intention de partir à l’étranger (51,9%) ou rester dans le
pays (48,1%) avec moins de 40% parmi eux ayant pris des dispositions concrètes
pour émigrer».
«En 2024,
sur notre échantillon, ils sont à 75,9% à avoir l’intention de partir avec
52,3% qui ont pris des dispositions concrètes avec un degré en intensité assez
révélateur, très fortes pour 36,3%, forte pour 23,4% et moyenne pour 30,6%.
Ils ne sont que 3% avoir une intensité très faible et 6,8% faible», font-ils remarquer.
Ils précisent, dans ce sens, que «Béjaïa se caractérise par la spécificité de la migration
de la Kabylie vers la France, connue pour être une zone pourvoyeuse de migrants
algériens à l’étranger, une émigration déjà ancienne et remonte à bien avant la
Première Guerre mondiale, aux ‘coloniaux-algériens’ qui travaillaient dans les
usines hexagonales et dont les Kabyles constituaient le socle de cette
immigration professionnelle (Mekki
2017)». Selon eux, il y a une forme de «perpétuation
des flux migratoires et de son renouvellement par une migration estudiantine à
travers la mobilisation des réseaux sociaux et les regroupements familiaux».