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Edition France /Marché 2025

Date de création: 07-03-2025 16:14
Dernière mise à jour: 07-03-2025 16:14
Lu: 16 fois


CULTURE- ETRANGER- EDITION FRANCE/MARCHÉ 2025

Le marché de l’édition poursuit sa consolidation en France

 

 © https://la-rem.eu/Alexandre Joux*/ N°71 Automne 2024

 

Négociations exclusives entre Delcourt et Editis, Humensis en vente, Michel Laffon en quête d’investisseurs, rachat de Christian Bourgois… La concentration du secteur de l’édition se joue lors des successions et devrait renforcer les quatre acteurs principaux du marché français.

Après une année marquée par des mouvements capitalistiques d’ampleur qui ont vu le groupe Vivendi se séparer d’Editis afin de prendre le contrôle de Lagardère , le marché de l’édition s’apprête à entrer dans un cycle de consolidation. En effet, plusieurs facteurs plaident pour une concentration du marché de l’édition. Ce dernier,

d’abord, est un marché mature avec peu de perspectives de croissance, sauf à acquérir de nouveaux actifs. Si le marché de l’édition a profité de la crise sanitaire – à l’inverse d’autres secteurs des industries culturelles –, puisque son chiffre d’affaires 2023 est supérieur de 12 % à celui de 2019, sa croissance se tasse désormais. Après avoir bénéficié du « pass Culture » et de l’envolée des ventes de mangas, ces dernières ralentissent et seul le récent succès de la romance permet de redonner à la littérature générale la première place sur le marché. Pour le reste, ce sont les fonds qui assurent la survie des éditeurs, puisqu’ils représentent un peu moins de la moitié des ventes mais une grande partie de la marge. Cette activité est toutefois menacée par le développement du marché de l’occasion.

La deuxième raison qui plaide en faveur de la consolidation est la situation de plusieurs acteurs, amenés à se repositionner parce qu’un changement de génération se profile à leur tête, qu’il s’agisse de grands groupes comme Madrigall (famille Gallimard) ou d’éditeurs intermédiaires comme Actes Sud. Certains groupes cherchent de leur côté un repreneur ou des soutiens pour gérer leur succession, ainsi de l’éditeur indépendant Michel Laffon. Ensemble, ces mouvements devraient conduire au renforcement des principaux acteurs du marché – Lagardère, Editis, Madrigall et Media-Participations –, quand de nouvelles maisons d’édition devraient émerger pour saisir les occasions que ces mouvements capitalistiques ne manqueront pas de provoquer, qu’il s’agisse de récupérer des auteurs en vue ou des éditeurs tentés par de nouvelles aventures.

Quatre exemples récents attestent de ce mouvement en cours. Editis, le numéro deux du secteur, désormais contrôlé par Daniel Kretinsky, a annoncé en juillet 2024 être entré en négociations exclusives pour racheter l’éditeur Delcourt à son fondateur, un moyen pour Guy Delcourt de gérer sa succession. Il s’agit d’une opération d’ampleur puisque Delcourt a franchi en 2023 le seuil des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, essentiellement grâce à la BD et au manga, Delcourt étant le troisième acteur du marché de la BD derrière le leader Média-Participations et Glénat. L’opération permet à Editis de se positionner dans un segment de marché où le groupe était jusqu’ici peu présent. En même temps, elle confirme la volonté de Daniel Kretinsky de donner à son groupe les moyens de se développer. Les Échos annoncent pour preuve une cession à 100 millions d’euros, ce qui correspond à une valorisation élevée pour une transaction dans le domaine de l’édition française.

L’enjeu des successions, déjà souligné pour les éditeurs Michel Laffon et Guy Delcourt, est également au cœur de la vente d’Humensis (PUF, Belin, Éditions de l’observatoire) depuis le décès en 2023 du fondateur du groupe, Denis Kessler, à la tête du réassureur Scor. Déficitaire, Humensis a été mis en vente par Scor et intéresse deux grands groupes de l’édition française : Madrigall et Albin Michel. Alors qu’une opération était annoncée, les deux prétendants ont convenu d’attendre face à la situation d’incertitude politique en France. En effet, l’activité d’édition scolaire de Belin, quatrième acteur du marché, est fortement tributaire des réformes des programmes, dont celle portée par le gouvernement de Gabriel Attal avant que celui-ci ne démissionne début juillet 2024.

Le troisième exemple d’initiative répond de son côté à la concentration en cours dans un contexte de successions à la tête des groupes d’édition familiaux. L’évolution du contrôle du capital des éditeurs fait immanquablement émerger quelques inquiétudes chez les auteurs et les éditeurs, et elle rend possible l’apparition de nouveaux acteurs pour en tirer profit, ce qui devrait permettre de reconstituer une frange concurrentielle. À titre d’exemple, Arnaud Nourry, ancien PDG d’Hachette Livre (Lagardère), a lancé un nouveau groupe d’édition en juin 2024, baptisé Les Nouveaux Éditeurs, afin d’accueillir tous ceux qui, s’inquiétant de la concentration et des risques qu’elle peut faire courir au pluralisme des expressions, chercheront à l’avenir des alternatives aux plus grands groupes sur le marché.

En septembre 2024, Madrigall a annoncé le rachat de Christian Bourgois Éditeur dont il assurait déjà la distribution des livres. Pour cette raison, le groupe dirigé par Antoine Gallimard renforce son offre dans la littérature étrangère, domaine de prédilection de Christian Bourgois. Le groupe avait déjà perdu son indépendance, en 2019, avec l’arrivée à son capital de Premier Investissement, à l’époque une opération de soutien pour un groupe spécialisé dans la construction. Premier Investissement cède aujourd’hui cet actif afin qu’il rejoigne une structure spécialisée qui dispose de la taille et de la compétence pour développer le catalogue de Christian Bourgois. Les équipes en place ont toutefois vocation à être conservées.

SourcesCariou Antoine, « En pleine succession, les éditions Michel Laffon suscitent les convoitises des géants du livre », La Lettre, 2 avril 2024./ Cohen Claudia, « Vincent Montagne : « La France doit limiter l’accès aux écrans pour les plus jeunes » », Le Figaro, 12 avril 2024./ Loignon Stéphane, « L’ex-PDG d’Hachette lance son groupe d’édition », Les Échos, 14 juin 2024./ Richaud Nicolas, « La vente d’Humensis ralentie par la situation politique », Les Échos, 12 juillet 2024./ Richaud Nicolas, « Editis en passe de reprendre Delcourt, poids lourd de la BD et du manga », Les Échos, 24 juillet 2024./ Richaud Nicolas, « Antoine Gallimard met la main sur Christian Bourgois Éditeur », Les Échos, 6 septembre 2024.

*Alexandre Joux

Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)