COMMUNICATION- FORMATION
CONTINUE- UNE LECTURE DES MÉDIAS ALGÉRIENS /PREMIERS JOURNAUX A L’INDÉPENDANCE
(V/V)
© Pr Ahmed Cheniki/Fb, mars 2025
En Algérie, la belle aventure des premiers journaux de l'indépendance
Il y avait de
l’enthousiasme, mais aussi de l’inquiétude. A Tripoli, le verbe ne faisait pas
partie d’un lexique de haute voltige. A Alger, les gens étaient sortis dans la
rue pour calmer les belligérants. Il fallait construire un État, le
colonialisme a tout déraciné, il fallait le faire le plus vite possible.
C’était peut-être le piège. Mais pouvait-on faire autrement.
Dans ce contexte très
singulier, les rares intellectuels tentaient de construire quelque chose. Des
débats et des discussions partout. La presse rendait compte de ces moments
enrichissants. Surtout Révolution Africaine et Alger-Républicain. On bougeait,
il y avait encore dans les rédactions des Français qui avaient soutenu
l’indépendance. C’était l’euphorie.
Au théâtre, au cinéma,
à l’UEA (Union des Écrivains Algériens) ou à l’UNAP (Union Nationale des
Peintres Algériens) qui venaient de naître, on parlait de tout, mais davantage
de quel art faire pour dévélopper un pays qui voyait
le jour, pour la première fois. Il y avait des journaux qui entretenaient les
lecteurs de tout ce qui se passait. Des réussites, mais aussi des blocages. Des
titres algériens dans les kiosques, c’était nouveau.
Peuple qui était le
journal gouvernemental officiel de septembre 1962 à juin 1965 : Echaab, puis Le Peuple à partir de mars 1963. Il existait
également d’autres titres durant la période 1962 à 1965 : Alger ce soir (avril
1964-septembre 1965, fondé et dirigé par Mohamed Boudia,
son rédacteur en chef était Serge Michel. Son crédo : « donner plus souvent la
parole aux dockers qu’à leur ministre », Révolution africaine (né en 1963) avec
comme premiers journalistes des noms prestigieux : Georges Arnaud, Gérard Chaliand, Juliette Minces, Siné,
Robert Namia, Jacques Vergès qui était son premier
directeur avant d’être remplacé par Mohamed Harbi, El
Joumhouria, An Nasr et Révolution et travail.
À côté des journaux
algériens, continuaient à sortir des quotidiens, existant durant la période
coloniale, dont La dépêche de Constantine et L’écho d’Oran, qui ne disparaitront
qu’en 1963. Il y avait aussi la belle revue culturelle, de très sérieuses
contributions, « Novembre », née grâce à Mohamed Boudia,
mais aussi El Moudjahid (Hebdo, en arabe, qui a pris le relais d’El Moudjahid
de la lutte de libération), pas El Moudjahid actuel, apparu après le coup
d’État du 19 juin 1965, à la suite de l’annonce d’une fusion Le Peuple-Alger
Républicain, réalisée dans la douleur.
Il y avait des débats,
beaucoup de débats, la presse, il faut le dire, proposait souvent des articles
bien écrits, de beaux moments de débats. Théâtre, cinéma, littératures, arts,
on essayait de donner à lire les différents projets possibles. Discussions
contradictoires.
A Révolution Africaine,
un débat sérieux est parti d’un entretien de Mostefa Lacheraf,
en exil, accordé à la revue de Sartre et de Jeanson, « Les Temps Modernes »,
reprise par l’hebdomadaire dirigé par Harbi. Mais
vite arrêté.
La censure y était
déjà. La presse était peut-être l’expression d’un pluralisme qui s’imposait,
dans certaines structures, grâce à de grandes et prestigieuses signatures. Il y
avait dans les espaces culturels et médiatiques, des intellectuels libres,
dignes qui osaient s’exprimer, -qui pouvait les arrêter à l’époque ?-, ils
disposaient déjà de la légitimité historique et intellectuelle, Boudia, Kateb, Mammeri, Haddad, Djebar, Ouettar,
Verges, Harbi, Bourboune et
beaucoup d’autres, ils comprirent vite que le véritable pouvoir n’était pas le
lieu de la mise en œuvre de projets de société, surtout dans un pays piégé dès
le départ par un parti unique qui semblait carrément éloigné des définitions
politiques et idéologiques.
Ce qui était important,
c’étaient les affaires de personnes. Au-delà de quelque discours idéologique.