RELATIONS INTERNATIONALES- USA-
ALGERIE.USA.COOPÉRATION/ENTRETIEN AMBASSADEUR US À ALGER
© Entretien réalisé par : Mokrane Aït Ouarabi/El Moudjahid,
2 mars 2025
El Moudjahid : Le Président
Abdelmadjid Tebboune a assuré, récemment dans un entretien, que les relations algéro-américaines sont restées bonnes avec les différents
présidents américains, qu’ils soient démocrates ou républicains.Comment qualifiez-vous ces relations un
mois après l’investiture de Donald Trump comme 47e président des États-Unis ?
Elizabeth Moore Aubin : Je suis d’accord avec le
Président Tebboune. Les relations entre les États-Unis et l’Algérie sont
profondes, remontant à 1795, lorsque le premier président américain, George
Washington, et Hassan Pacha Dey ont signé un traité de paix et d’amitié. Nos
liens sécuritaires, économiques et culturels sont aujourd’hui plus forts que
jamais. J’ai récemment célébré mon troisième anniversaire en tant qu’ambassadeure en Algérie. Au cours de ces années, j’ai
visité 50 wilayas, rencontré des Algériens dévoués, émanant de tous les
secteurs, et constaté des efforts incroyables pour renforcer notre partenariat
économique, approfondir nos liens culturels et travailler ensemble pour
promouvoir la paix et la stabilité dans la région. Cette relation importante se
poursuit et nos deux nations ont d’innombrables possiilités
de travailler ensemble, pour un avenir sûr, fort et prospère sous
l’Administration du Président Trump.
L’Algérie et les États-Unis renforcent leur coopération militaire à travers,
notamment, les visites régulières du commandant de l’AFRICOM et la signature
d’un mémorandum d’entente en matière de défense. Qu’est-ce qui explique ce renforcement ?: Si
la coopération militaire n’est pas une nouveauté, les visites de hauts
responsables et la signature du protocole d’accord entre les États-Unis et
l’Algérie illustrent notre vision commune de renforcer la paix et la stabilité
régionales et internationales par le biais d’un dialogue stratégique.
J’attribue ces avancées à la compréhension et au respect mutuel entre nos deux
pays.
Comment cette coopération militaire
se traduit-elle sur le terrain ?: L’Algérie et les États-Unis participent régulièrement à des événements
militaires. Par exemple, l’Algérie a organisé un Iftar
à bord de l’USNS Trenton pendant le Ramadan de l’année dernière, un honneur et
un témoignage du respect entre nos forces armées.
L’année dernière, nous avons également envoyé une équipe d’experts médicaux du
centre médical régional de Landstuhl (Allemagne) en
Algérie, pour mener un échange médical avec les services de santé militaire
algériens.
En plus de ces événements et échanges, nous organisons des commissions
militaires bilatérales et multilatérales, des symposiums et des salons
professionnels, qui permettent à l’Algérie de partager son expertise
approfondie en matière de lutte contre le terrorisme et de stabilité régionale.
Où en est le dialogue sécuritaire
permanent entre les deux pays et la coopération bilatérale en matière de lutte
contre le terrorisme ?: Notre coopération en matière de
sécurité et notre lutte commune contre le terrorisme continueront d’être la
pierre angulaire de nos relations bilatérales, sachant que l’Algérie et les États-Unis
cherchent à promouvoir la stabilité et la prospérité en Afrique du Nord et au
Sahel. Nos deux pays sont très préoccupés par la présence déstabilisatrice de
groupes terroristes et d’acteurs non étatiques au Sahel. Les États-Unis
reconnaissent les excellentes capacités de l’Algérie en matière de lutte contre
le terrorisme et de maintien de l’ordre, comme en témoigne la récente mission
de libération d’otage. À cette fin, les États-Unis apprécient leur relation
continue avec l’Algérie en matière de partage d’expertise pour rendre le monde
plus sûr.
Les entreprises américaines, à
l’instar de Chevron ou Exxon Mobil, investissent en Algérie. Comment
expliquez-vous ce regain d’intérêt américain pour le marché algérien
?: Les échanges commerciaux sont en plein
essor. J’ai eu l’occasion de m’entretenir, à de nombreuses reprises, avec des
dirigeants algériens et américains du secteur de l’énergie, notamment au NAPEC,
en octobre dernier. Le bureau commercial de l’ambassade a également conduit une
délégation commerciale algérienne à la conférence de Houston Offshore Technology 2024, qui a abouti à la signature de contrats
commerciaux. Ces réalisations renforcent la participation des entreprises
américaines en Algérie et témoignent de l’évolution de la dynamique du paysage
énergétique international. Le marché algérien est attractif pour les
entreprises américaines dans divers secteurs, notamment l’énergie, mais aussi
dans les secteurs pharmaceutiques, des télécommunications, de l’automobile, de
l’agriculture, et bien d’autres. Plus de 100 entreprises américaines sont déjà
implantées en Algérie, créant des emplois et de la croissance économique, et je
m’attends à ce que cette tendance se poursuive.
Outre l’énergie, les entreprises américaines s’intéressent fortement au
secteur agricole. Peut-on connaître les investissements concrétisés ou en voie
de l’être dans ce secteur ?:
Le gouvernement américain soutient la volonté de l’Algérie de développer et de
renforcer davantage sa production agricole par le biais d’échanges
scientifiques et le commerce agricole bilatéral. Par exemple, la génétique
bovine américaine est disponible en Algérie depuis 2023, ce qui permet aux
producteurs laitiers et bovins algériens de l’utiliser dans leurs fermes, pour
élever du bétail à haut rendement. Je suis ravie d’annoncer que les premières
vaches de cette génération, dotées de la génétique américaine, naîtront en mars
prochain. Les représentants des sociétés de génétique américaines ont établi
des relations avec les fermes algériennes pour les conseiller, non seulement
sur la manière de sélectionner leurs produits, mais aussi sur la nutrition
animale et la gestion des fermes - il s’agit d’un partenariat holistique. De
même, en 2024, les deux ministères de l’Agriculture américain et algérien ont
convenu d’un certificat permettant à l’Algérie d’importer des vaches laitières
américaines vivantes. Cela permet aux entreprises algériennes de travailler
avec des éleveurs américains, pour sélectionner des bovins appropriés pour
leurs fermes, et ces vaches produiront à leur tour plus de lait, de fromage et
d’autres produits, favorisant ainsi une plus grande prospérité et une plus
grande sécurité alimentaire en Algérie. Ces étapes marquent une nouvelle ère de
partenariat agricole entre nos deux pays, et les entreprises américaines
explorent diverses initiatives agricoles en Algérie, qui laissent présager des
gains communs encore plus importants à l’avenir.
Quel est le volume des échanges
commerciaux entre les deux pays ?: Le commerce total entre l’Algérie et les États-Unis est passé de 1,2
milliard de dollars, en 2020, à 2,6 milliards de dollars, en 2021, pour
dépasser les 4,2 milliards de dollars, en 2022 et 2023. Je ne mets aucune
limite à la possibilité d’échanges commerciaux entre nos deux pays. Cependant,
il existe clairement des étapes qui pourraient accélérer et renforcer notre
relation commerciale, dont le lancement d’un vol direct entre l’Algérie et les
États-Unis serait un élément clé.
Justement, vous avez dit en 2024 que
vous faites de la création de cette ligne aérienne votre priorité économique.
Où en est aujourd’hui le processus ?: Les États-Unis sont heureux de poursuivre le dialogue avec le gouvernement
algérien concernant le lancement d’un vol direct entre Alger et New York. Nous
avons récemment rencontré des responsables clés du secteur des transports et de
l’aviation, pour discuter de la prochaine étape de ce processus, et nous
attendons avec impatience le déroulement des négociations techniques dans un
avenir proche. Une fois lancé, un vol direct propulserait notre relation à un
niveau supérieur, renforçant notre partenariat grâce à un commerce bilatéral
accru et des liens culturels plus forts, tout en consolidant le rôle de
l'Algérie en tant que hub régional de transport et d’aviation.
L’Algérie œuvre à renforcer
l’apprentissage de l’anglais à l’école et à consolider son usage dans les
différentes institutions publiques. Comment les USA contribuent-ils à l’essor
de cette langue en Algérie ?
Je suis constamment impressionnée
par l’anglais des Algériens, en particulier parmi les jeunes générations.
L’anglais est une langue qui ouvre des portes aux opportunités commerciales et
académiques, et c’est pourquoi nous soutenons pleinement le désir de l’Algérie
d’améliorer l’enseignement de l’anglais. Nous avons plusieurs initiatives dans
ce domaine en collaboration avec le gouvernement algérien. Par exemple, le
ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et
l’ambassade des États-Unis ont coparrainé une conférence internationale pour
les enseignants d’anglais, en décembre dernier, à l’Université d’Alger 2. De
plus, nous avons récemment conclu un projet avec le Columbia Teacher’s College, pour soutenir
le ministère dans l’élaboration d’un plan de transition vers l’anglais comme
langue d’enseignement. Au-delà de cela, l’ambassade des États-Unis soutient un
réseau de professionnels algériens pour l’enseignement de l’anglais, fait venir
des assistants américains pour l’enseigner dans des institutions à travers
l’Algérie, et propose des cours et des activités gratuites pour pratiquer
l’anglais dans nos cinq centres culturels américains à Alger, Constantine,
Oran, Ouargla et Béchar.