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Algérie/Critique littéraire

Date de création: 24-02-2025 19:23
Dernière mise à jour: 24-02-2025 19:23
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CULTURE- FORMATION CONTINUE- ALGÉRIE/ CRITIQUE LITTÉRAIRE

 

UNE CRITIQUE LITTÉRAIRE TRÈS ALÉATOIRE

© Pr Ahmed Cheniki, Fb, 20 février 2025

 

Il est très peu aisé de parler de la critique journalistique en Algérie où il n’a presque pas existé de journaux littéraires et de revues universitaires, souvent aléatoires. Les revues universitaires s’occupant du champ littéraire et artistique à l’université depuis l’indépendance sont trop peu fréquentes. Des revues mensuelles comme Novembre ou Amal accordant une place de choix à la production littéraire n’ont pas réussi à faire disparaître cette idée que la critique reste considérée comme le parent pauvre de la littérature ou une sorte d’avatar de la production culturelle.

Certes, des revues culturelles généralistes comme Promesses (Amel, depuis 1969), Ettaqafa (depuis 1971), El Moudjahid Ettaqafi ou Joussour ou certaines publications aléatoires comme Ettab’yin ou el Kitab ou Arts et Culture ont vu le jour et ont consacré des pages à la littérature, mais il n’en demeure pas moins que le regard porté restait superficiel dans la mesure où les revues fonctionnaient comme des espaces hétéroclites sans grands objectifs ni démarche éditoriale claire.

Cette réalité ambiguë va se retrouver également dans les pages culturelles des journaux qui, souvent, suppléeront l’absence de revues universitaires et de périodiques thématiques (à mi-chemin entre le style universitaire et le style journalistique). C’est la presse ordinaire qui va donc s’occuper essentiellement de la critique littéraire.

Des remarques s’imposent d’elles-mêmes : nous avons fréquemment affaire à des critiques de type universitaire ou spécialisée dans des quotidiens qui, en principe, fonctionnent comme des espaces instantanés et des lieux où l’immédiateté est de rigueur.

Mais le contexte lacunaire et anomique d’une société et d’une université quelque peu en panne va pousser au départ certains journaux à créer des suppléments culturels et d’autres à ouvrir leurs pages culturelles aux contributions des universitaires. Ce qui rend cet espace extrêmement ambigu, à tel point que critique journalistique et critique universitaire se côtoient étrangement dans un espace, en principe, peu ouvert à l’austérité et à l’aridité du langage universitaire algérien.

Cette absence de ligne éditoriale va amener le journal à une série de confusions au niveau des prérogatives et de la fonction du quotidien ou de l’hebdomadaire généraliste dont la fonction est tout à fait différente de la revue universitaire.

La critique qui est l’espace privilégié où se cristallise la subjectivité de l’individu n’a pas d’appareil scientifique, l’une et l’autre des deux critiques, journalistique et universitaire, emploient des outils d’interprétation et des démarches différentes et convoquent des publics radicalement distincts (même si un universitaire peut déchiffrer un texte journalistique).

Barthes a raison d’inviter le critique à assumer pleinement sa subjectivité. Certes, dans les deux cas, critique journalistique et critique universitaire se rejoignent au niveau des jeux ludiques de l’écriture. Ainsi, dans les deux cas, la relation avec le texte littéraire est d’abord de l’ordre de l’émotionnel et de l’affectif.

Sartre qui a énormément marqué Barthes se méfie de ceux qui sanctifient l’œuvre littéraire en faisant appel à un outillage dit scientifique rejoignant ainsi sans s’en rendre compte la critique positiviste du dix-neuvième siècle, même s’ils déifient l’immanence du texte, d’ailleurs espace des textes sacrés. Il fustige ceux qui, à force de traiter « les productions de l’esprit avec un grand respect qui ne s’adressait autrefois qu’aux grands morts, risquent de les tuer » (Situations, II).

De nos jours, la critique devient l’alibi de l’écriture, d’autant plus qu’il n’est nullement possible de définir l’objet de la critique comme faisant partie du domaine de la connaissance, mais il est, d’ailleurs, dans les deux actes de lecture, une pratique active de l’interprétation. Cette relation subjective a atteint son paroxysme avec Émile Zola qui animait dans le journal, Bien Public, une rubrique littéraire et dramatique intitulée « livres à ne pas lire » transformée par la suite après de virulentes protestations en un intitulé moins fort : « Livres que je n’ai pu lire ».

En Algérie où il n’existe pas de journaux littéraires au sens plein du terme, notre travail consistera à observer le fonctionnement des pages culturelles consacrant régulièrement des articles à la littérature. Les organes de presse se substituent dans de nombreux cas au paysage universitaire.

D’ailleurs, de nombreux universitaires interviennent dans les pages culturelles des journaux, daignant ouvrir une rubrique culturelle considérée souvent comme la poubelle du journal. Les « contributions » des universitaires qu’aucune indication ne distingue des autres articles reproduisent généralement des grilles et des termes techniques que ne comprendrait pas la grande masse des lecteurs à tel point qu’on s’interroge sur les objectifs de l’universitaire qui a l’illusion qu’en utilisant des termes barbares, son texte serait teinté de scientificité et du journal qui ne fait finalement que du remplissage, sachant à l’avance que ce texte ne serait lu que par une petite minorité.

Les deux émetteurs se trompent lourdement de cibles et de récepteurs. Il faut savoir que de nombreux journaux n’ont pas de pages culturelles. Quand elles existent, l’espace littéraire occupe une place trop peu importante. D’ailleurs, le problème des journaux, c’est l’absence totale d’une conception de la rédaction, donc du public. Les organes de presse algériens, surtout, depuis 1990, marginalisent la rubrique culturelle considérée comme la dernière roue de la charrette. La rubrique culturelle devient un fourre-tout. La programmation n’est pas rationnelle. Les comptes-rendus de livres sont souvent faits à l’initiative du journaliste.