SCIENCES- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ETUDE
FARID BENRAMDANE- « NATION ET NOMINATION.... »
Nation et nomination.L’Algérie par
l’histoire de ses noms propres. Essai (Étude) de Farid Benramdane.
Édité par le Haut Commissariat à l’Amazighité, Alger
2024, 300 pages, ?????dinars
L’Algérie est un pays vaste.Rien d’étonnant donc de
constater (sur le terrain, et avec les chercheurs, bien sûr) que son système de
dé/nomination n’est pas chose aisée. Un tel patrimoine immatériel dans ses
expressions linguistiques les plus diverses et
ses catégories de nomination les plus usitées investit des domaines
d’investigation multiples et divers. Pour s’en sortir, il y a toute une science ....celle des noms propres, appelée par les spécialistes
« l’onomastique »........la science des noms propres.
A travers cette science,
on peut arriver (peut-être !) à avoir des réponses à bien des
interrogations : Qui sommes-nous ? Qui sommes -nous par rapport aux
noms que nous portons, que portent nos massifs montagneux, nos cours d’eau, nos
reliefs, nos habitats, nos saints, nos tribus et familles... ?
L’étude attache une
attention particulière à la citation de beaucoup de noms propres à titre d’illustration.Des noms employés
tous les jours.Des noms de lieux (toponymes) et des
noms de personnes (patronymes) qui font l’objet d’un traitement systématique
approfondi à l’effet de rendre compte de la profondeur des ancrages historiques
du patrimoine onomastique algérien et de la richesse des hypothèses
explicatives de ces noms. Surtout ne rien rejeter car tout est possible.
Chapitre intéressant , celui portant sur l’écriture des noms
algériens, abordée sous l’angle culturel mais surtout sous ses déclinaisons
fonctionnelles dans la gestion moderne d’un pays.Souvenez-vous
du temps récent avec un gros lot de plaintes , auprès des services de
l’Etat-civil, ayant trait à l’écriture des noms. Le rapport
colonialisme/onomastique a pris dans le contexte algérien une des expressions
culturelles et redénominatives uniques dans
l’histoire de l’humanité .Une entreprise génocidaire soft « ayant
touché aux noms propres de tout un peuple avec pour but de fonder et/ou de
refonder autoritairement et arbitrairement une nation homogène, sur la base
d’une langue unique, au mépris des populations qui la composent, dont le passé
et la culture sont déniés et dont les droits sont bafoués » (Lapierre, N.,
2001 cité).
A souligner que l’étude
exprime clairement un objectif : poser l’Algérie comme sentiment collectif
d’appartenance (Nation), la penser comme totalité (Territoire), la désigner
historiquement (Nomination) et la restaurer comme concept fédérateur (Algérianité).Bonne lecture...et
vous irez de découverte en découverte....peut-être sur votre nom ou sur
l’endroit où vous êtes né
L’Auteur : Professeur de
l’Enseignement supérieur en sciences du langage et spécialiste en onomastique
(sciences des noms propres).Ancien doyen de Faculté
(lettres et arts). Chercheur -fondateur (Unité de recherche « Rasyd » au Crasc) .Président de la « Saso »
(Société algérienne savante d’onomastique). Auteur de nombreuses publications .
Table des matières : Introduction/ 9 chapitres.... dont
« Identité , culture nationale et question des noms propres »,
« Qui sommes-nous par rapport aux noms que nous portons ? »,
« Algérie : les noms propres
algériens...... », « Théorie coloniale et noms propres... »,
« Les noms algériens et leur(s) écriture(s)..... / X.
Conclusion : L’Algérianité
Extraits : « Si le concept
d’ « algérianité » est une centralité,
ses paradigmes, tels que façonnés par l’histoire et la culture, substrat de
base et apports étrangers: amazighité, arabité, islamité, africanité, méditerranéité, latinité, ottomanité ,
etc....sont des composantes » (p16), « Un nom propre est aussi
bien un produit que le fait d’un processus, soit il est saisi tel qu’il est
usité et perçu présentement (exemple en 2024), soit il est apprehendé
dans le cheminement temporel de sa formation linguistique à travers le
temps » (p 21), « De temps en temps, depuis des décennies, le
champ politique et médiatique national s’emballe, avec stupeur pour les uns,
inquiétude pour les autres, curiosité pour les étrangers, et non sans grande
peur, cette fois-çi, pour les forces patriotiques du
pays, quand les insultes, les injures ciblent , à une telle échelle de
généralisation, jamais égalée depuis l’indépendance, avec une précision inouïe,
les ressorts les plus profonds de la matrice ethnolinguistique de l’Algérie
( p25), « A partir du VII° siècle, avec la conquête musulmane,
l’onomastique algérienne va connaître une arabisation massive de son stock lexical.Les noms de souche arabe constituent désormais une
composante importante du patrimoine local, en toponymie mais surtout en
anthroponymie » (p 111), « Cet Etat civil (note :colonial),
comme cela a été orchestré , a opéré une rupture dans la continuité identitaire
de l’Algérien et a opéré une « fracture du nom » et par là-même une
fracture dans l’identité algérienne que l’on traîne toujours.L’Algérien
vit aujourd’hui « le syndome identitaire nominal »
du fait qu’il y a eu détournement du sytème nominatif
traditionnel » (p 128), « Du point de vue de l’histoire de
l’Afrique du nord, seule la France coloniale a procédé à des changements
radicaux dans la matrice ethnolinguistique des populations autochtones :
« Les Romains ont généralement respecté dans les pays conquis les noms
préexistants à leur venue, à l’inverse de ce qui se passe de nos jours, où des
noms de lieux français sont journellement substitués aux noms indigènes »
écrit Mercier Gustave en 1924 ( p 136)
Avis : Des hommes, des noms, et
des lieux....à la loupe très , très grossissante d’un
spécialiste. Une recherche très, très pointue mais globalement accessible.....et même plus que passionnante. A noter que
« deux sociétés savantes en onomastique existent en Afrique et dans le
monde arabe : celle de l’Afrique du sud et de
l’Algérie...........précurseurs en la matière »
Citations : « Il ne suffit pas de décréter que le débat sur
l’identité est clos pour que la lumière fut.Le
paraître est une chose, l’être en est une autre » (p27), « Ce qui
fonde le peuplement en Algérie et au Maghreb, en matière sociale et
culturelle, ce n’est pas la personne mais le groupe (noms formés avec béni,
ouled, ait/at, douar, ahl, doui, al...) , d’où l’importance stratégique des
ancrages communautaires d’ordre généalogique et de leurs légitimations »
(p 35), « Les
noms algériens sont là, tout de même, pour rappeler ceci : l’ancestralité
en Algérie et au Maghreb, un des paradigmes d’une nation , a un rapport beaucoup
plus avec le Sol qu’avec le Sang (come en Orient)........la Terre ou le
Territoire et sa dénomination joueront un rôle d’une forte identité et la
fonction d’une puissante identification » (p157)