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Lecture des médias algériens/Trois quotidiens (I/V)

Date de création: 23-02-2025 18:38
Dernière mise à jour: 02-03-2025 20:46
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COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- LECTURE DES MEDIAS ALGERIENS/TROIS QUOTIDIENS (I/II)

© Pr Ahmed Cheniki, fb, fin février 2025....

1/ Trois quotidiens: El Watan, Le Soir d’Algérie et El Khabar

La lecture, aujourd’hui, m’a permis de confirmer mon appréhension de départ, l’état peu reluisant de nos journaux. Mon objectif est de suivre régulièrement le parcours de la presse algérienne en proposant une lecture critique des médias. Ainsi, j’avais prévu d’entreprendre une étude comparée de journaux et chaines de télévision du pays et de médias européens (Le Monde et L’Humanité) ou américains (notamment The Washington Post) ou même des sites d’information, comme Médiapart, Blast ou Le Média, mais je me suis rendu compte de la difficulté de l’entreprise dans la mesure où nos médias sont encore en porte-à-faux avec les standards du métier. Je tente, ici, d’interroger trois quotidiens, El Watan, Le Soir d’Algérie et El Khabar (19/02/2025).

Il n’y a point d’investigation, de reportages ou d’enquêtes. Dans les trois journaux, datés d’aujourd’hui, il n’y a pas de trace d’une lecture polyphonique d’un événement, comme si la société ne pouvait être le lieu d’articulation du discours éditorial de ces journaux. Cela peut se comprendre pour le quotidien El Watan qui ne bénéficie d’aucune page de publicité, alors que c’est le journal qui semble prendre plus de temps de lecture que les deux autres, El Khabar et Le Soir d’Algérie qui disposent de quatre et de trois pages.

Les deux pages « automobile » du Soir sont rédigées dans une perspective publicitaire. Première interrogation : pourquoi El Watan ne bénéficie pas du même nombre de pages publicitaires que les deux autres titres ?

J’ai l’impression que les trois journaux n’accordent pas une grande importance aux titres et aux différentes attaques, alors que c’est à partir du titre que s’inaugure le protocole de lecture et qu’on arrive à attirer l’attention de l’éventuel acheteur. La première phrase oriente la lecture et peut séduire le lecteur. Ici, déjà, les trois « une » paraissent être réalisés à la va-vite : El Watan et El Khabar inondent la première page, essentielle, par une occupation peu attirante de l’espace : huit titres, comme si cela pouvait permettre à l’éventuel acheteur de trouver un de ses possibles thèmes favoris. Le Soir coupe la « une » en deux en proposant, dans les deux parties, un sujet en rapport avec le Sahara Occidental, tout en plaçant en bas, la chronique Vox Populi. La dernière page ou page-vitrine est l’otage d’une certaine routine. Deuxième interrogation : à quoi est due la laideur formelle des quotidiens ?

Les auteurs des articles ne paraissent pas maîtriser l’écriture journalistique. On a l’impression que l’information n’intéresse pas les rédactions. Là où il y a l’information, elle est mal agencée, c’est dans la rubrique « Régions » (Le Soir) ou « l’Algérie profonde » (El Khabar), « Info » (El Watan), mais les titres sont extrêmement peu attrayants (Les ATS au chômage ???). Il y a, certes, l’info, mais les textes devraient être, en grande partie, rewrités. Il devrait y avoir des correcteurs. Troisième interrogation : quel est désormais le rôle des correcteurs ?

L’actualité est, dans la plupart des cas, prisonnière des appareils, carrément éloignée de la société qui ne semble pas intéresser les différentes rédactions. L’absence d’investigation expliquerait peut-être la mise à l’écart de la société et de l’indispensable pluralité des sources. On préfère plutôt le commentaire à l’info, la victime expiatoire de ce type d’écriture. Au Soir d’Algérie, l’édition d’aujourd’hui compte cinq chroniques et un commentaire.

À El Watan, l’actualité, elle-même, fonctionne comme un espace de justification de déclarations (Retour de déclarations de Mohamed Meziane à propos des « campagnes médiatiques qui ciblent notre pays »), on reprend aussi les textes de l’APS. Dans l’édition d’aujourd’hui, manque la signature de Salima Tlemçani, l’une des rares journalistes du pays qui maîtrisent les contours de l’écriture journalistique.

Au Soir d’Algérie, l’actualité nationale est réduite à des événements d’appareils (« Le MSP chez le FFS », « Les propositions des députés à propos de « la loi régissant le tribunal des conflits » et « 7e Conférence du Parlement arabe »). Ce sont des textes qui n’ont pas nécessité le déplacement des rédacteurs. Ce sont des papiers de bureau. A El Khabar, des sujets très intéressants par exemple, ceux consacrés aux travaux de la ligne ferroviaire de Béjaia ou sur les syndicats de l’éducation, pouvaient être davantage approfondis en multipliant notamment les sources. Il serait bon d’éviter les longs paragraphes (30 et 33 lignes, celui de Béjaia) et les nombreuses redites.

Il y a un sérieux problème d’autonomie. Les trois journaux n’ont pas de rubrique internationale, ils reproduisent in-extenso les dépêches des agences de presse, particulièrement l’AFP et Reuters. Dans El Watan, les articles de la sportive, de bonne facture, sont signés. Parfois, les auteurs utilisent de longs paragraphes et des temps qui ne se prêtent pas à l’écriture journalistique. Le Soir et El Khabar recourent essentiellement aux dépêches (de l’AFP, apparemment), je note les incohérences de la rubrique dans le choix des sujets. Pourquoi reprendre, par exemple, un portrait de Perisic, par exemple ?

N’est-il pas possible d’élaborer les compte-rendus des matches des championnats étrangers à partir de la rédaction dans la mesure où les matches sont retransmis à la télévision. Un ancien journaliste, Amar Zentar, présente régulièrement des matches sur Facebook, ses textes, d’une grande richesse, n’ont rien à envier aux articles des agences internationales les plus réputées.

Les journaux consacrent très peu de place à la culture. Ainsi, dans l’édition de cette journée, El Watan aurait dû peut-être développer davantage le passage du cinéaste Fateh Ali Ayadi au café cinérama de Ain Mlila tout en présentant cet espace et passer au crible de la critique le film sur Zighoud Youcef dans la mesure où l’Algérie produit très peu de films. Une lettre du pédagogue, Ahmed Tessa, au ministre de l'Éducation nationale mériterait l'attention des lecteurs. El Watan comprendra-t-il, probablement, que les textes, avec des suites, sont improductifs.

Au Soir d’Algérie, un seul article semble attirer l’attention (Lynda Chouiten et Amin Zaoui traduits en plusieurs langues), même si l’attaque semble trop abrupte ( Deux romans d’une écrivaine et d’un écrivain algériens viennent d’être traduits vers d’autres langues. Il s’agit des romans Une valse de Lynda Chouiten et Festin de mensonges de Amin Zaoui). L’économie linguistique constitue un élément fondamental de l’écriture journalistique.

Aucun de ces journaux ne fournit le tirage du journal, comme si la chose était secrète. C’est le cas de tous les titres de la presse écrite. J’avais, il y a quelques années, soulevé la question en posant surtout le problème de la publicité, indicateur privilégié de la bonne marche de la presse. J’avais insisté sur le fait de laisser les entreprises publiques et privées, décider librement de la destination de leurs pages en fonction de la rentabilité de tel ou tel journal, gouvernemental ou privé. La transparence est indispensable. Les Algériens en général et les lecteurs devraient savoir où va la publicité comme ils devraient aussi être informés des ventes et de l’audience du journal. L’OJD ( Office de la Justification des Tirages) est d’une nécessité absolue. Avoir 100 ou 1000 journaux ne veut absolument rien dire, mais ce qui serait important, c’est leur impact (chiffré).

Le journal ne doit pas chercher à plaire, ce n’est pas son rôle. Mais s’il prend cette direction, il risque sa peau. Beaucoup ont préféré éviter les informations qui fâchent le distributeur de la publicité. A quoi serviraient mille ou cent mille journaux si tous écrivent la même chose, tout en tendant la main ? J’aime beaucoup cette déclaration d’Albert Londres : "Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie en mettant dans la balance son crédit, son honneur, sa vie."

La fonction d’un journal n’est pas de faire de la propagande ou de l’opposition, mais de dire ce qui lui semble être la « vérité ». En faisant cela, il fait aussi acte de patriotisme, permettant ainsi de dévoiler les failles et de révéler les bonnes choses. Aujourd’hui, est-il possible d’avoir un débat sérieux sur la presse, en mettant sur la table tous les chiffres ?